Trois semaines absolument fabuleuses. Le Giro dans toute sa splendeur. Foutraque, sauvage, honteux, hors de contrôle, intense, imprévisible, passionnant. Cette édition, partie d'Israel, est d'ors et judas le Grand Tour de l'année. La kermesse de juillet et la corrida de septembre ne peuvent que s'incliner devant le grand oeuvre de Vegni. Quel scénario improbable entre les résurrections des uns, les révélations des autres et les dernières érections des morts (Chavès, Aru) ! La dramaturgie cycliste à son summum. Quelques étonnements, satisfactions et déceptions....
- la Sky : je ne reviendrai pas sur Froome. J'ai cru comprendre que son cas avait été traité en long et en large sur le forum la semaine passé. Je regrette de ne pas avoir vécu ce moment. Par contre, je dois reconnaitre la férocité de cette équipe, de son leader et de son directeur sportif qui ne s'avouent jamais battu. Le Giro avait débuté de façon cataclysmique, et jamais ils n'ont abandonné. Leurs adversaires, timorés sur les pentes de l'Etna, peuvent s'en mordre les doigts aujourd'hui. Bien sûr, certains objecteront qu'il est aisé d'être conquérant quand on en a
_les moyens. Néanmoins ce Chris Froome, outre ses volutes de ventoline, dégage un parfum particulier. Nicolas Portal s'affirme, GT après GT, comme un très grand tacticien. Poels, lui, a pris date pour la Vuelta.
- Froome : malgré sa victoire, son déclin - annoncé de longue date par l'esprit acéré de celui qui croit en Rohann Dennis - se confirme jour après jour. Il n'aura pris le maillot de leader qu'à deux jours du terme. A l'epoque de sa gloire, il se saisissait du sceptre bien plus tôt. Les temps changent.
- Dumoulin : grand coureur, il a tenté jusqu'au bout face à l'adversité cumulée de la Sky et des sangsues collées à ses sacoches. Malgré sa défaite, il confirme sa victoire de l'an passé.
- Lopez : énorme déception. Il signe un podium final, mais son comportement a suinté le petit coureur jusqu'au bout. J'attendais en grimpeur colombien ailé, j'ai vu un épicier de quartier.
- Les Michellton : malheureusement pas vraiment surpris du naufrage de Chavès. J'espérais, mais bon, voilà....Troisième GT consécutif à l'Aru. Il a déjà 28 ans. Ca devient inquiétant. Le voir à l'attaque avec les
_nazes sur l'Etna sonnait déjà le glas de ses trois semaines. Quant à Yates, la surprise aurait été de le voir remporter le Giro. Il fait parti des coureurs capables de prendre un tir sur une étape. Il en a pris un. Beau Giro malgré tout pour lui.
- Rohann Dennis : arf, il y était presque. Après avoir limité la casse lors de l'étape du Froomestre, il a malheureusement sombré sur l'avant-dernière. Il finit malgré tout dans les 20. Peu sur le forum l'aurait prédit. Il a couru avec ses moyens, souvent lâché très tôt dans les ascensions, montant au rythme des morts qu'il croquait. Les pentes du Giro me semble trop raides pour ses capacités. Les cols français me paraissent plus adaptés. Ceci dit, l'Italie reste un magnifique terrain d'apprentissage. Le chemin est encore ont, mais qui sait si l'émergence de Bernal ne remettra pas des coureurs au profil de Dennis au coeur du jeu lors des prochains Tours de France avec la réapparition de longs CLM.
- Pinot : étrange. Fragile.
- Reichenbach : le meilleur lieutenant de ce Giro. A titre individuel, bien sûr, parce que dans le cadre d'une stratégie d'équipe, je ne vois pas à quoi il a servi (hormis les quelques relais passés à Dumoulin). A aucun moment, il n'a été utilisé pour durcir le rythme, pour préparer une offensive de Pinot. J'ai eu l'impression que les deux courraient côté à côté. Mais peut-être, Pinot ne pouvait-il pas porter cette offensive ? Il valait un top 10 sur ce Giro.
- Carapaz : je l'avais vu venir, mais si haut dans le top 10. Plutôt autour de la 7ème place. Un giro efficace, à défaut d'être sexy. Cette équipe Movistar possède avec Carapaz et Soler des coureurs capables d'assurer la stratégie risquée de la direction sportive consistant à aligner ses trois gros leaders sur le Tour.
- Pello Bilbao
- la dernière étape mythique. Après les départs exotiques, les "journées de repos" pas reposantes du tout après trois jours de course, le Giro invente le critérium de fin de GT. Enfin, invente est un grand mot. Plutôt une reprise à l'italienne des courses de centre-ville britanniques. A l'heure du Brexit et de la poussée européo-sceptique dans la Botte, certain sont tentés d'y voir un joli message continental. D'autres, plus sombres, y perçoivent la main invisible du capitalisme triomphant à travers l'intégration verticale des critériums d'antan au corps même de l'épreuve. Il n'y a plus de place ni pour les petits ni pour les campagnes.
- L'Equipe 21 : j'aurais tellement aimé que le débrief des étapes soit confié au duo Eric Blanc - Dominique Sévérac. Il aurait été à l'image de l'épreuve. Foutraque.