Je crois que la direction du Tour de France est bien consciente du désastre de cette première semaine de course. A terme, c’est l’avenir même de l’épreuve qui est menacé. A Sarzeau, dans le Village, les visages étaient déjà crispés et l’ambiance tendue chez ASO. Beaucoup sentaient la catastrophe arriver. J’ai pu un peu discuter avec quelques responsables qui m’ont livré quelques pistes intéressantes de réflexion pour relancer l’intérêt de la course, non pas sur la simple première semaine, mais sur l’ensemble de la compétition. Au vu de la passivité du peloton, ils ne se font en effet aucune illusion sur les deux prochaines. Il est d’ailleurs fort probable qu’ils reviennent sur ce qui avait pu filtrer jusque là sur l’édition 2019.
Leur réflexion s’est articulée sur ce qui faisait la course cycliste aujourd’hui. Le cyclisme d’aujourd’hui, hyper professionnel, hyper intégré, n’est clairement plus le même que celui d’il y a 20 ou 30 ans. Le Tour, lui, n’a pas su évoluer face à cette rationalisation poussée à l’extrême. ASO entend y remédier en faisant du parcours le reflet de cette évolution.
Tout d’abord, le prologue sera de retour. Mais ce prologue entendra mettre en valeur les compétences de l’équipe dans son ensemble. C’est un message politique assez fort de la part d’ASO dans une époque de plus en plus encline à s’abandonner au vertige de l’individualisme. Christian Prud’homme y tient. Il faut absolument replacer la performance dans un schéma collectif de coopération et d’entraide tout en actant le fait que les problèmes mécaniques en tous genres font de plus en plus la course (crevaisons, dérailleurs cassés, sauts de chaine). Aussi, le départ se fera vélo démonté. A charge pour les mécanos des équipes de le ré-assembler le plus rapidement possible. Afin d’éviter de favoriser les coureurs partants en dernier - on imagine bien que les équipes, cherchant à bénéficier de l’expérience des précédents remontages, feront partir en dernier leurs leaders -, le vélo sera de marque différente pour chacun des coureurs de l’équipe, fourni par Le Tour, et découvert au moment du départ par les mécaniciens. Une équipe, ce n’est pas seulement huit types qui pédalent, c’est tout un environnement et des compétences qui concourent à la réussite. Thierry Gouvenou, durablement marqué par le chef d’oeuvre de Gérard Holtz consacré à Eugène Christophe, a été particulièrement choqué par la lenteur - confinant à l’amateurisme selon ses dires - de certains dépannages lors de cette première semaine. Il entend bien rappeler les équipes à leurs obligations élémentaires, mettre en évidence le travail de ces petites mains de l’ombre et valoriser les savoirs-faire traditionnels. La distance de ce prologue n’a pas encore été arrêtée.
Outres les impondérables mécaniques ainsi en partie rationnellement intégrés à la Course, ASO, à la suite d’une analyse minutieuse des Tours passés, a admis que les chutes avaient davantage fait pour le suspens de l’épreuve que le parcours lui-même, malgré les milliers d’heures consacrés à le dessiner. Un tel constat a été, je ne vous le cache pas, un peu compliqué à accepter pour Thierry Gouvenou. Il s’est senti inutile, sali. C’est vrai, quoi ! Le pauvre consacre des milliers d’heures à dessiner la carte du Tour, s’use les yeux sur GoogleEarth (moins qu’Ilnur, mais quand même), s’esquinte les fesses sur les routes cahoteuses de France…..et tout ça pour quoi ? Pour qu’après trois jours de courses, quatre cadors soient à la maison une clavicule, un bassin ou une mâchoire en vrac, avant même d’avoir pu mettre le début du commencement des roues sur les routes destinées dans son esprit à faire la sélection. Franchement, on a frôlé le burn-out et il a fallu toute la diplomatie et l’empathie de Marie-Odile Amaury pour rattraper Thierry par le fond du cuissard. Alors oui, le hasard participe - et a toujours participé - à la course; mais le hasard n’est pas Thierry et celui-ci entend bien le maitriser. Les chutes font donc partie de la course, très bien, il s’en accomode. Aussi, sur trois ou quatre étapes plutôt plates ( ce n’est pas encore tout à fait décidé), seront dispatchés tout au long du parcours, à des endroits stratégiques ( avant un GPM, dans un endroit exposé au vent, avant la banderole des trois kilomètres, etc.) des tireurs armés de carabine à bille chargés de provoquer un affolement propice à la chute dans le peloton. Lorsque j’ai entendu ça, j’ai ouvert de grands yeux; mais la personne - je ne peux pas dévoiler son nom - m’a de suite rassuré. Les tireurs - des professionnels - auront pour consigne stricte de ne pas viser les coureurs. Seulement leurs vélos. De plus, aux départs de ces étapes, les directeurs sportifs seront informés de la possibilité de ces tirs. A charge pour eux :
soit d’équiper leurs coureurs, ou du moins leurs leaders, des vestes airbags fournies par ASO - mieux vaut concéder uniquement du temps perdu sur chute qu’une clavette
soit de les laisser dans leurs tenues habituelles - préférant économiser pour les jours à venir (le Tour reste une course d’usure) la dépense énergétique liée au surpoids de la veste protectrice, au risque de les voir se blesser sérieusement
Take the risk or loose the chance. Evidemment les stratèges d’ASO anticipent les manœuvres d’évitement des managers. Le parcours du Tour de France est un champ de bataille sur lequel s’affrontent deux stratégies diamétralement opposées : celle de la direction de course (animer la bataille pour le Jaune, rendre la course incertaine, incommoder les coureurs en les extrayant de leurs zones de confort) et celle des directions d’équipes (contrôler la course, maîtriser les évènements, placer les leaders dans des pantoufles). Longtemps, le Tour a cru que lui et les équipes tiraient dans le même sens et n’a pas voulu voir cette défiance, cette réalité : les équipes cherchent, tout au long des trois semaines, à détruire ce que le Tour construit. Afin d’éviter que les équipes ne soustraient leurs leaders au risque balistique, en les faisant rouler à l’abri des voitures par exemple, des tireurs seront également embarqués dans les hélicoptères de la télévision française, afin qu’aucun, AUCUN, coureur ne se sente supérieur au Tour en pensant pouvoir se défier de la course. Sur le Tour, comme partout ailleurs, on chute, mais on chute quand le Tour l’a décidé.
Toujours dans le souci de rendre justice au collectif, l’édition 2019 devrait de nouveau accueillir un contre-la-montre par équipe. Ceci dit, ASO semble avoir fait le deuil de l’esthétisme qui faisait jadis le charme de cet exercice. Ces files montantes et descendantes parfaitement huilées de coureurs à l’unisson, tout ça, c’est du passé. Aujourd’hui, les coureurs se dispersent n’importe comment, à droite ou à gauche, dans une anarchie immonde. Ce sont donc les pentes de l’Alpe-d’Huez qui accueilleront ce CLMPE. La dispersion trouvera ici justification véritable dans l’effort davantage que dans la désinvolture constatée ces temps derniers. Les écarts créés lanceront à coup sûr la course, d’autant plus que le temps sera pris sur le sixième coureur. Aux leaders se savoir se mettre, une fois n’est pas coutume, au diapason des siens et aux directeurs sportifs de savoir construire une équipe capable de briller sur tous les terrains (vent, montagne, sprint, échappées au long cours, protection). De l’importance des choix. Secrètement, Christian Prud’homme espère que cette initiative signera la fin des tueurs d’échappées, ces tristes sires roule-toujours qui contribuent à l’ennui des étapes de plaines. Soit les DS décideront de s’en passer dans le roster de départ, soit ils choisiront de les économiser un peu plus dans l’optique de cette étape. Ce faisant, les baroudeurs auront davantage de chance de s’illustrer sur les étapes promis aujourd’hui aux sprinteurs. Vous le voyez, chez ASO, le plan est global. Le Tour n’est pas une succession d’étapes indépendantes ou d’innovations déconnectées les unes des autres. La course est vue comme un organisme vivant. Les déséquilibres se compensent ou interagissent.
Certains esprits grincheux pourraient voir cette innovation comme un nouvel avantage concédé aux armadas type Sky. Ce n’est pas faux. Ces équipes sont celles qui possèdent les coureurs capables d’accompagner le plus longtemps possible leurs leaders. ASO mise sur l’esprit de révolte des prétendants au classement général distancés pour dynamiter la course dès les jours suivants. D’autant que le lendemain est remise au goût du jour une pratique pour le moins inattendue….
En effet, l’organisateur prête une oreille de plus en plus attentive aux retours des journalistes et des réseaux sociaux sur la diffusion en intégralité des étapes. Initialement imaginée comme une magnifique exposition de l’épreuve, cette initiative s’est complètement retournée comme ses concepteurs. Les heures de diffusion suintent l’ennui; les journalistes télés se plaignent; le cyclisme se caricature dans la plus mauvaise des publicités. Le lendemain de l’étape de l’Alpe verra donc le retour des demi-étapes en format sprint dans le double objectif de dynamiser la diffusion et d’intègrer - comme dit précédemment et obsession chez ASO - les nouvelles évolutions du cyclisme. Au matin, se tiendra l’épreuve dite de l’Individuelle, de nouveau sur les pentes de l’Alpe-d’Huez. Le principe est tout simplement révolutionnaire : un seul coureur par équipe prendra le départ. Celui-ci sera tiré au sort à 9h00 et les heureux élus s’élanceront ensuite en peloton sur le mont batave. Les écarts constatés à l’arrivée seront répercutés sur tous les coureurs membres de la même équipe. Ainsi, le coureur ne se bat plus pour lui-même mais pour tous ses équipiers. Encore une fois, ASO fait honneur à la dimension collective de notre sport tout en ménageant sa grande incertitude. Chris Froome pourrait se voir attribuer le temps d’ascension de Luke Rowe, alors que Romain Bardet bénéficierait du sien. La course en serait relancée. Et en même temps, les jours suivants, Romain Bardet pourrait payer cette ascension supplémentaire de l’Alpe face à des adversaires s’étant reposés le matin. Les gains de la veille peuvent être les pertes du lendemain. Ainsi est la vie. Et le Tour est, à part entière une philosophie de vie. Tenez, petite indiscrétion : il se murmure que Christian Prud’homme pousserait à la présence de Raphael Enthoven dans le team FTV afin d’éclairer au mieux les téléspectateurs sur la dimension existentielle de l’épreuve. Histoire avec Franck, Sagesse avec Raphael, ASO poursuit son enracinement culturel. Le Tour de France n’est pas seulement le Tour de la France, il est aussi le Tour de Nous-même. Cette ambition serait soutenue par notre Président-Philosophe. L’arrivée aujourd’hui à Amiens n’est pas anodine, et d’après mes sources, il semble que Delphine Ernotte a bien saisi le message.
Mais bon, revenons à la course. L’après-midi, tous les coureurs seront mis à contribution pour une épreuve une nouvelle fois inédite : le contre-la-montre individuel en descente. Je le répète, l’ambition d’ASO est multiple : renforcer l’attractivité de l’épreuve et coller le plus possible aux évolutions actuelles du sport. Or les qualités de descendeurs ont pris, ces dernières années, une importance folle. Les victoires ou défaites se construisent aujourd’hui davantage dans les descentes que dans les montées. Nibali sur le Lombardie ou MSR et Porte sur le Tour ont connu des destins bien contrastés suite aux descentes. Il était impensable que le Tour reste passif face à ce phénomène. Le cyclisme se joue dans les descentes, et le Tour c’est le cyclisme. Ce CLM récompense donc à sa juste valeur cette qualité et corrige également une inégalité manifeste. Les sprinteurs, les rouleurs, les grimpeurs avaient leurs étapes. Les descendeurs, rien. L’an prochain, justice sera faite sur les pentes du Mont du Chat. Vous remarquerez par ailleurs l’intelligence de Thierry Gouvenou qui place cette étape à la suite de la double-loterie de l’Alpe-d’Huez. Prions pour que les leaders, victimes de coups du sort, prennent tous les risques et nous assurent un spectacle inoubliable.
A ce stade de la discussion, j’étais, je vous l’avoue, un peu sonné. Alors que mes yeux quémandaient repos, mes sources ont justement abordé ce point. Les acteurs aiment à dire que le cyclisme est total et qu’il se joue tous terrains. ASO semble décidé à les prendre au mot. Les journées de repos seront l’occasion de coller à cet état d’esprit affiché, tout en insistant toujours sur la dimension collective. Après les mécaniciens, ce sont donc les médecins et les cuisiniers qui devront mettre main à la pâte. L'affaire Froome a mis en évidence l’importance cruciale des AUT dans le cyclisme professionnel. A défaut de pouvoir lutter contre, ASO a choisi de faire avec. Les médecins d’équipe seront, lors du premier jour de repos, soumis à une épreuve chronométrée de délivrance d’AUT. Ils devront dans un temps imparti délivrer le maximum d’AUT pour des coureurs, des affections et des traitements différents. Tout doublon sera sanctionné. La cohérence du traitement et de l’affection sera examinée. Une attention particulière sera aussi portée au respect des formes procédurales (oubli de case cochée, date absente ou illisible, absence de signature, etc.). En fonction des performances de leur docteur d’équipe, des pénalités de temps seront attribuées aux coureurs. Il faut accepter de vivre avec son époque. Si il est impossible de lutter contre la sur-médicalisation du sport de haut niveau, ASO ambitionne de faire respecter dans ce domaine une certaine éthique et de récompenser les compétences. Un coureur n’est rien sans un bon docteur. Le cyclisme se joue sur tous les terrains. Aux équipes de faire les bons choix.
Dans le même esprit, le deuxième jour de repos verra s’affronter les cuisiniers d’équipes. La nutrition est un axe fondamental de la performance. Chaque aliment ingéré doit contribuer à la réussite. L’art de la nutrition ne se limite pourtant pas au simple calcul de calories ou autres. Bien manger, c’est aussi être bien dans sa tête. Et être bien dans sa tête est indispensable au succès. Le repas doit apporter des nutriments, mais aussi du plaisir, du réconfort, du bonheur. Sur le modèle de Top Chef, chaque cuisinier devra présenter un repas complet (entrée, plat, dessert) qui sera jugé sur le plan énergétique et gustatif par un jury de Chefs (les noms de Jean Sulpice, Eric Fréchon, Charlie Trotter et Philippe Conticini reviennent avec insistance; néanmoins l’internationalisation du cyclisme exige selon moi une composition plus multiculturelle du jury). Sur le modèle précédent, des pénalités de temps sanctionneront les résultats. Il est important que les équipes comprennent que les coureurs sont des êtres sensibles, et non de simples machines qu’il suffit de gaver d’aliments utiles. Bien manger, c’est bien rouler. Les équipes conscientes de cela méritent d’en être récompensées. Surtout sur le Tour de France, terre de gastronomie. Géographie, Histoire, Philosophie, Gastronomie, jamais le Tour de France n’abandonnera son messianisme patrimonial. Le patrimoine au service de la course; la course au service du patrimoine; le Tour est une complexité bénie, une solidarité jamais démentie
Cette solidarité ancrée, cette compréhension des ressorts intimes des hommes fondent et soutiennent la réflexion quotidienne des Justes qui font le Tour. L’Etat-major d’ASO a été extrêmement ému par les images de Lawson Craddock souffrant à l’arrière du peloton, son 13 inversé épinglé au bas du dos. Victime de la malchance, tous les jours, il porte sa marque. Souffrance et superstition sont les faces d’une médaille qui se plaisent à se conjurer l’une l’autre. Christian Prud’homme a bien compris qu’il ne pouvait négliger plus longtemps ce fait humain fondateur de toutes les sociétés. Il le devait aux hommes s’abimant sur leurs vélos. Ainsi, dès 2019, la 13 ème étape et celle se déroulant le 13 juillet seront des étapes inversées. Elles se courront de dos et par rétropédalage sur des vélos spécifiquement conçus par le génial Varjas. Je suis ébloui par l’humanité et la finesse d’analyse des organisateurs qui démontrent leur extraordinaire capacité à allier intérêt sportif, innovation technologique et humanisme. Ils libèrent les hommes du mauvais sort; ils apportent la preuve à ceux qui les décrivent comme des réactionnaires au progrès (il faut se rappeler la levée de boucliers lorsqu’ASO avait fait courir une étape sans oreillette) qu’ils ne sont pas contre les évolutions à la condition qu’elles se fassent dans le sens de la course; ils rebattent les cartes de l’épreuve en sollicitant des capacités musculaires jusqu’alors sous-exploitées et capables de bouleverser des hiérarchies trop bien établies. Je suis soufflé. C’est ça la créativité. Repousser les limites. Sortir de la facilité zomeganienne des ascensions de cabri inédites avalées toujours plus facilement. Sortir du déjà vu. Sortir du train-train qui n’a jamais fait dérailler celui de l’US Postal ou de la Sky. Take the risk or choose Lance. Tout en respectant l’humain. Chapeau Monsieur Prud’Homme
Sinon, Sarzeau oblige, on parlait beaucoup de David Lappartient ce mardi. Apparemment, il ferait des pieds et des mains pour accueillir à nouveau le Tour l’an prochain dans le cadre de l’inauguration de son Vélodrome. ASO n’était pas trop chaud au départ, mais j’ai cru comprendre que les arguments de ce fin politicien commençaient à prendre. Pour Lappartient, le Tour de France, c’est le Tour de tous les cyclismes. Prenant appui sur le parcours de cette année faisant la part belle - outre aux habituels acteurs - aux flandriens ce dimanche et aux ardennais lors du mini-Liège-Bastogne-Liège breton, le Président de l’UCI s’est étonné que la piste et ses qualités soient délaissées alors même que la proportion de pistards augmentent d’années en années dans le peloton. La fibre œcuménique de Christian en a vacillé. Et c’est vrai que nombre de coureurs se trouvent dans l’incapacité de faire valoir leurs talents. C’est pourquoi une réflexion est en cours sur la possibilité d’une étape disputée sur vélodrome. Sur le modèle semblable à l’omnium, les coureurs tourneraient sur l’anneau, disputant des sprints rapportant non pas des points mais des bonifications et avec possibilité de prendre des tours d’avance eux aussi bonifiés. Les modalités ne sont pas encore arrêtées. Les hommes de Thierry Gouvenou ne savent toujours pas la durée de l’épreuve (une, deux , trois, quatre heures ?), si le peloton part groupé ou par série de 50 coureurs tirés au sort (cela permettrait de ménager le suspense sur les sprints), si les coureurs conservent leurs gains en propre ou si ils sont mis dans un pot commun équipe. Prud’Homme impose une seule condition : que la piste soit goudronnée afin de ne pas trop quitter l’univers de la route. De son côté, Lappartient, prêt à tout pour accueillir cette étape, promet d’accentuer la déclivité de sa piste afin de ne pas trop désavantager les grimpeurs. Tout l’art d’un politique roué aux intrigues, qui, par son initiative, s’assure le soutien des fédérations anglo-saxonnes fondues de piste dans la perspective de sa réélection. Et oui, pendant le Tour, les affaires continuent.
Même Christian Prud’Homme, homme de valeurs comme il en existe peu, est parfois contraint de céder aux exigences ou aux sirènes du politique. Tout le monde l’a compris, l’arrivée aujourd’hui à Amiens n’a pour but que de satisfaire au narcissisme présidentiel et de gagner ainsi le soutien des autorités dont l’organisation du Tour dépend. Et du soutien, ASO en aura besoin si elle arrive à mener à terme son projet secret. Je l’ai évoqué plus haut, ASO n’a pas réussi à interdire les oreillettes, vils appendices qui sclérosent la course en brimant la créativité des acteurs. Les patrons du Tour surnomme ce projet, l’Etape-Surprise. Les équipes ne seraient informées de rien : ni kilométrage, ni difficultés, ni lieu, ni ligne d’arrivée. Impossible pour les DS de mettre en place des stratégies de course, ni même d’adopter une posture attentiste. l’arrivée peut être située à 90 comme à 300 kilomètres du départ. Impossible de laisser des échappées prendre le large, impossible de calculer le moment de les rattraper, impossible d’organiser un train de sprinteur, mais impossible de s’épuiser indéfiniment à rouler fort sur 300 bornes. Bref, l’incertitude complète. Où va-t-on ? Comment y va-t-on ? Avec qui y-va-t-on ? Les coureurs découvriront la ligne d’arrivée seulement lorsqu’ils l’auront en vue. C’est sans doute le projet le plus ambitieux et le plus difficile à mettre en oeuvre. Verra-t-il le jour en 2019 ? Rien n’est moins sûr. Il exige une réactivité irréelle des services d’ASO et des pouvoirs publics chargés de sécuriser la course. Mais ASO y tient. Et si ce n’est pas pour demain, ce sera pour plus tard. C’est dans ce souci de l’anticipation que m’a été dévoilée une arrivée pour 2019. Une étape, sûrement en fin de Tour, s’achèvera dans le parc du Château de Montretout. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, m’a-t-on confié. Cette étape se déroulera coureurs nus.
Enfin, dernière indiscrétion, le pitoyable spectacle de la dernière étape du Giro a scellé le sort de celle des Champs-Elysée. Le Cri-cri honteux de fin de Tour est mort. La course se jouera jusqu’au bout. Take the piss or choose intelligence. Les équipes de Thierry Gouvenou ont donc phosphoré. La vingt-unième étape se terminera au vingt-unième étage de la Tour Montparnasse. Je ne suis pas spécialiste, mais je crois qu’une arrivée au sommet au dernier jour, c’est une première. A la différence du Giro, le Tour a concédé au schéma centralisateur du jacobinisme français en faisant encore et toujours de Paris le lieu du sacre, mais c’est déjà ça. En 2022, cette etape laissera place à l'étape dépavée des Champs-Elysée suite aux émeutes consecutives aux resultats des elections presidentielles de Mai. La course jusqu’au bout
Donc, bon voilà, les pistes de réflexions sont nombreuses. Et encore, je ne vous ai pas tout dit pour ne pas mettre mes interlocuteurs dans l'embarras. Je sais que le forum est lu par le milieu, notamment par des journalistes, et certaines pistes que j'ai gardé pour moi manqueraient de bases légales selon le service juridique d'Amaury Sport. Donc autant eviter des polemiques inutiles, celles dont se repaissent les medias avides de sonner la mort du cyclisme (mp pour ceux intéressés

). Enfin, bref, ASO n’a attendu personne pour réfléchir au devenir de son épreuve et elle est consciente plus que quiconque des défis à relever. Les gars bossent toute l'année pour ça, pas juste cinq minutes un samedi après-midi de juillet entre le yaourt aux fraises et le café. Seulement, pour s’en rendre compte, il faut parler aux gens et savoir les écouter plutôt que de critiquer ou de yakafauconner sur les réseaux sociaux et les forums. Je leur fais toute confiance. Mardi soir, au retour, sur la piste cyclable Sarzeau-Vannes, j’avais des étoiles plein la tête.
Il me tarde d’être à l’automne pour la présentation de cette édition 2019
