biquet a écrit : 15 mai 2018, 10:29
Je reste quand même persuadé que s'il existait encore 1 ou 2 grimpeurs VRAIMENT supérieurs, on évoquerait moins la frilosité des coureurs, les schémas stéréotypés, la robotisation en marche, les parcours défavorables, autant de données pourtant incontestables.
Le problème n°1, pour moi, reste l'incroyable densité de bons grimpeurs évoluant à un niveau relativement proche, lorsqu'ils sont en forme. C'est d'abord pour ça que les gars ont peur. Personne n'a vraiment la certitude d'être supérieur en valeur absolue, alors chacun attend que le voisin fasse l'effort le 1er. Et quand quelqu'un sort, c'est toujours la même rengaine: le gars voit revenir un coureur dans la roue, un coureur qu'il estime proche de son niveau, alors il se relève ou demande à l'autre de prendre le relais. Mais l'autre étant dans la même disposition d'esprit (pas certain d'être meilleur que le mec qu'il filoche), il se relève également, et ça rentre derrière..
Je pense quand même que des coureurs comme Quintana et Landa sont peut-être légèrement supérieurs aux autres, en montagne. Mais comme je l'ai dit précédemment, faudra vraiment se poser la question des ingrédients à mettre sur les parcours pour qu'ils puissent exprimer leur petite suprématie: CLM en côte difficile (genre Villars ou Monte Grappa), CC sur des cols très raides (Zoncolan, Angliru, etc) et 2 Taponnes pour saper les énergies. Et réduire à 7 ou 8 le nombre d'étapes de haute et moyenne montagne.
C'est là-dessus que je ne suis pas d'accord avec toi.
Pour moi tu inverses les causes et les effets.
Si je te comprends bien, tu penses que le problème n°1 en montagne est l'incroyable densité de la génération de grimpeurs actuels qui se tiennent en un mouchoir. D'où une absence récurrente d'écarts entre eux.
Je vois les choses de manière tout à fait inversée : pour moi cette densité et cette proximité de niveau sont une illusion entretenue par la manière dont les coureurs abordent les étapes de montagne.
Je pense qu'il s'agit d'une illusion car, à chaque fois que la course est lancée de loin ou bien sur les CLM en côte, on a systématiquement de sacrés écarts entre favoris. Ces écarts témoignent de différences de niveaux bien réels. De plus, je ne vois pas ce qui expliquerait que, subitement, apparaisse la génération de grimpeurs la plus dense que l'Histoire du cyclisme n'ait jamais connue.
Cette illusion d'homogénéité et de proximité de niveau s'explique par la façon dont les leaders courent les étapes de montagne. En mettant en place des trains qui roulent jusque dans les 5 dernières bornes des ascensions et en s'attaquant sur 3-4 kilomètres, les équipes rendent les étapes de montagne nettement moins sélectives que si une équipe faisait tout péter dès le pied ou bien si des leaders osaient attaquer de plus loin. Forcément plus de gars sont en mesure de suivre ou bien de limiter les dégâts. Plus d'équipes sont en mesure d'avoir des leaders et de jouer le général. Ce qui pousse de nombreuses équipes à adopter le même schéma tactique de course car c'est uniquement dans celui-ci qu'elles ont une chance de bien figurer au général. Et ainsi les coureurs et les équipes perpétuent un schéma de course dans lequel les écarts en montagne paraissent plus difficile à établir.
Des grimpeurs supérieurs aux autres, il y en a. Porte en montée sèche l'était l'an passé, Quintana l'a été, Landa je demande confirmation mais pourrait en avoir le potentiel également. Bernal et Roglic se sont montrés nettement supérieurs aux autres en Romandie cette année (je ne sais pas s'il faut s'en réjouir cela dit).
Je suis d'accord qu'il est sans doute beaucoup plus difficile aujourd'hui pour un grimpeur de s'isoler en solitaire loin de l'arrivée compte tenu du nombre d'équipiers et de lieutenants dont dispose chaque leader. Mais symétriquement, cela signifie aussi que la puissance collective en montagne des équipes est extrêment forte. Si les équipes se mettaient à envisager des schéma de course plus ambitieux, on verrait qu'elles ont un énorme potentiel d'action et qu'une équipe déterminée est tout à fait en mesure de décanter la course loin de l'arrivée, de la faire rentrer dans une autre filière que des attaques sur quelques kms, et de rendre la course plus sélective que ce qu'elle est aujourd'hui. On verrait plus souvent des scénari tel celui du Giro 2016 dans lequel les Orica font péter SK par exemple.