Avant de statuer sur le niveau de pourrissement du peloton, il est essentiel de réfléchir en profondeur sur les causes de l'amélioration des performances et des scénarios plus spectaculaires.
Un travail journalistique poussé serait sans doute approprié pour cela, avec la recherche de témoignages et une vision historique, mais à défaut je donne un point de vue, en m'appuyant sur les listes proposées par Dreki (
viewtopic.php?f=3&t=79412&start=340#p3568820) et Kelmeur (
viewtopic.php?f=3&t=79412&start=360#p3568843).
Le premier des éléments qui ne peut être nié, c'est l'augmentation des moyens financiers dans les équipes. Toutes les équipes de l'élite sont concernées. Ces moyens se traduisent d'abord par un suivi des coureurs beaucoup plus encadré, piloté, diversifié qu'auparavant. Les dimensions diététiques, physiologiques, et même psychologiques sont en progrès constant. On peut penser que cela a un effet positif sur la performance. Dans quelle mesure ? Je n'ai pas la réponse, et je ne sais pas si des données scientifiques existent.
Un second élément qui me parait incontestable concerne l'amélioration de l'équipement, et tout particulièrement des vélos. Ce qui est le plus frappant c'est les témoignages des coureurs qui ont arrêté récemment, dont la plupart n'a plus d'intérêt commercial. Ils ne parlent pas vraiment des freins à disque, mais de la rigidité, de l'aérodynamisme, et des roues/pneus. J'ai tendance à les croire. Là encore on peut penser que cela a un effet positif sur la performance. Dans quelle mesure ? Je n'ai pas la réponse, et je ne sais pas non plus si des données scientifiques existent.
Mais on sait aussi que le travail en zone grise est très présent dans le peloton. Les médecins des équipes et/ou les préparateurs particuliers fournissent aux coureurs des produits qui d'une part sont "interdits" par le MPCC, et d'autre part ne sont pas encore documentés. Je ne sais toujours pas quel est l'effet sur les performances. Mais pour moi c'est clair : dès lors que le coureur sait qu'il ingère un produit potentiellement nocif pour sa santé, et qui fait le choix de prendre le risque, il n'y a pas de problème moral, ni éthique. Encore moins un problème réglementaire ou légal. Je ne jette aucunement un voile sur le milieu du cyclisme sur ce plan.
L'autre question qui se pose est de savoir si les scénarios sont fous parce que nous avons une génération de coureurs hors normes. Là j'y crois peu...
Non pas que les Evenepoel, MVdP et WVA ne sont pas "naturellement" des cracks, on se souvient des tannées qu'ils mettaient à leurs congénères étant jeunes. Non pas que des Pogacar ou Vingegaard ne soient pas eux aussi des dominants pour de vrai ! Mais parce que des coureurs au-dessus du lot, il y en a toujours eu (et il y en aura toujours). On peut les appeler des phénomènes, mais en réalité ils sont "seulement" les meilleurs.
Alors pourquoi se permettent-ils des chevauchées sans jamais être revus ? Mystère. Mais l'argument du dopage ne tient pas, car il bénéficierait à une part suffisamment significative du peloton, au grès des infos qui se vendent et des coureurs transférés pour que les équipiers y gagnent autant que les leaders. Et les tiennent toujours en laisse.
Finalement, un moindre dopage ne permet-il pas aux meilleurs de faire de plus grandes différences, en l'absence de domestiques boostés illégalement ? C'est une hypothèse qu'il faut considérer au moins autant qu'un secret qui ne serait partagé que par quelques leaders, d'équipes différentes qui plus est...
Reste la triche. On peut être certain qu'elle existe. Comment pourrait-il en être autrement ?
Il y a 3 aspects principaux : le dopage chimique, historique ; le dopage mécanique ; et le dopage génétique.
Sur le dernier, ce sont encore des spéculations, mais on sait qu'il arrivera. Ce n'est qu'une question de temps. Des coureurs du peloton sont-ils déjà concernés ? Il faudra attendre un moment pour le savoir. Pour le moment j'y crois peu, mais on ne peut avoir aucune certitude. Il faudrait juste trouver des convergences de parcours chez les phénomènes d'aujourd'hui. Pas simple...
Concernant le dopage mécanique, autant je pense qu'il a pu exister, autant j'y crois moins aujourd'hui s'agissant d'impact significatif. En revanche, des petites aides illégales ou peu encadrées sont probables.
Concernant le dopage chimique, au sens de la prise de produits interdits par l'AMA, il est présent, comme dans tous les sports, et même dans toutes les activités générant de la pression de performance. Qui en profite, et dans quelle mesure ? C'est finalement la seule question qui reste, et celle qui est dans l'esprit de tous. J'en reviens à l'interrogation plus haut : au regard des scénarios de course où quelques coureurs se détachent, comment conclure à un dopage généralisé ? Est-il possible que seuls ces quelques coureurs aient accès à une aide illégale qui ferait de telles différences ?? Cela me paraît un peu gros.
Par ailleurs nos chouchous blancs-comme-neige améliorent eux-aussi leurs temps de montées ou de parcours.
En synthèse, à ce stade je considère que le dopage et la triche sont présents, mais que ce n'est pas la cause des performances et scénarios :
- les records sont battus parce la médicalisation abusive + l'accompagnement + les progrès techniques ont permis de rattraper la période EPO
- les meilleurs se dégagent précisément parce que le peloton est plus sain qu'avant
Ce sont mes hypothèses, invérifiables à ce stade, tout comme celles de ceux qui craignent un scandale à venir
Pour terminer, je reviens sur le titre et la conclusion de l'édito de Charlix (
https://www.velo-club.net/post/opinion- ... x-vitesses).
Le cyclisme est à deux vitesses. C'est un fait. Mais ne l'a-t-il pas toujours été ? En quoi l'est-il plus que la période Sky/QS/Movistar ? Tous les sports ne sont-ils pas, invariablement, à deux vitesses ?
