Re: Les années 90
Publié : 14 oct. 2017, 10:51
Très bonne synthèse des images marquantes de cette époque Nono2956 

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Les coureurs sentaient qu'il se passait quelque chose. Certainement depuis les classiques printanières de 1995 alors qu'ils se faisaient lachés comme s'ils avaient passé l'hiver allonger sur leur divan. [...] Ce n'est qu'au soir de La Plagne, qu'ils ont parlé franchement avec Jean-Luc Vandenbroucke, leur DS, après que celui-ci les a bien engueulés. Mais il ne les a pas couru. Peut-être a-t-il fait l'autruche mais Jean-Luc Vandenbroucke est aussi devenu directeur sportif au moment où l'on ne parlait pas encore d'EPO et en ce qui concerne l'accompagnement médicale, la Lotto était largement à la traîne par rapport à l'étranger. Il n'y avait pas de docteur d'équipe [en fait si et non des moindres] et il y avait un cardiofréquencemètre que les coureurs se partagaient. Pour ce que nous pouvons en dire, ils étaient vraiment dans l'ombre.
Le reportage n'a pas fait d'enquête sur l'affaire Landuyt-Versele qui a impliqué Mario De Clercq car le documentaire ne se voulait pas être une enquête sur le dopage mais une histoire humaine sur la façon dont ces coureurs honnêtes ont vécu ce calvaire vers La Plagne mais précise Van Nijverseel, il est clair que ce jour-là a été très dur pour Mario qui dit qu'il aurait bien troqué ce beau palmarès en cyclocross pour la carrière sur route qu'on lui a volé. Notez tout de même que cette réputation que traînaient alors les coureurs Lotto rappelle assez celle que laisseront derrière eux les coureurs français de la génération suivante, ne trouvez-vous pas?Ils ont surtout le sentiment d'avoir subi une grande injustice. Alex Zulle qui a gagné à La Plagne a ensuite été pris et sanctionné mais, entre-temps, il a gagné beaucoup d'argent grâce au vélo, alors que quelqu'un comme Rudi Verdonck a du ensuite retourner travailler. Sammie Moreels, au cours de sa première année pro, a terminé dans le top5 des deux classiques ardennaises mais dans ce qui aurait du être ses meilleures années, a été expulsé par une tempête EPO. La malhonnêteté est frappante. Plus, l'image qu'ils ont gardé de ce Tour de France, ils étaient la soi-disant "génération des crêpes". Des poules mouillées qui ne vivaient pas pour leur sport.
Il faut tout de même oser dire "le drame du cyclisme belge" (si on part du principe que Vandenbroucke était parfaitement au courant de ce qui était en train de se tramer).Holtz: Sur la plupart des voitures, il y a 5 ou 6 vélos de rechange. Il y a des roues. Et bien, sur la voiture de Jean-Luc Vandenbroucke qui est juste derrière moi - on va le montrer maintenant -, c'est la misère absolue. C'est le désert. Il ne reste plus que deux vélos sur la voiture. Pourquoi? Et bien tout simplement parce que Jean-Luc n'a plus que deux coureurs en course. Jean-Luc, je pense que c'est une très grande tristesse, ce qui vous est arrivé hier, en particulier. Il y a eu l'affaire Nelissen et maintenant, hier, 5 abandons.
Vandenbroucke: Je peux vous dire que, pour un directeur sportif, c'est terrible de vivre ce que j'ai vécu dans la journée d'hier. À mi-parcours, on s'en doutait déjà que l'on allait perdre 5 coureurs sur la même journée mais ça, c'est vraiment catastrophique.
Holtz: Ils étaient malades?
Vandenbroucke: Malades? euh, je ne peux pas dire qu'ils étaient malades. Je pense qu'ici, c'est tout simplement le drame du cyclisme belge.
classement par points, classement de la montagne, il mélangeait tout. Du moment qu'il pouvait monter sur le podium, il était content. Mais pour un sponsor, c'est important.
Jef Braeckeveldt:Je me souviens de ses résultats et je me souviens que je me suis dit: "maintenant, j'ai entre les mains un bon bon coureur, je dois tout faire pour le garder et qu'il reste dans l'équipe". Aujourd'hui, un jeune coureur, faire les mêmes résultats que Sammie Moreels, alors là, il aura des offres à gauche et à droite. Il va déjà pouvoir monnayer les prestations.
Moreels est deuxième sur l'image ci-dessous. Il s'agit de cette Flèche wallonne. Son équipier Wim Van Eynde devant lui termine troisième derrière le regretté Claude Criquiélion et Steven Rooks. Marc Madiot dans le fond de l'image termine 5ième.Sammie Moreels avait une classe incroyable. Aujourd'hui, si un coureur fait 20ième de la Flèche wallonne et 15ième de Liège-Bastogne-Liège, on dit que c'est une grande vedette pour l'avenir. Lui, il faisait 4ième à la Flèche wallonne et 5ième à Liège-Bastogne-Liège et c'était tout ce qui a de plus normal. Et il était néo-pro.
. Et puis donc cette fameuse saison 1995 où dès le début, les choses ont changé dans le peloton. Rudi Verdonck disait:Il était présent sur toutes les courses mais était aussi très exigeant. C'était un coureur très ambitieux. Il ne pouvait pas supporter que tu [ses équipiers] sois bon. S'il voyait que tu étais bon, il t'envoyait chercher un imperméable alors que le soleil brillait.
Les docteurs sportifs italiens ont transformé le cyclisme de folklore en science disait le présentateur du reportage. Le peloton semble s'emballer, soi-disant une conséquence de nouveaux schémas alimentaires et de l'entrainement par cardio-fréquencemètre. Mais il n'y avait qu'un seul cardio pour toute l'équipe et les autres équipes belges comme Collstrop ou Asfra ne pouvaient naturellement pas se le permettre au contraire de la Mapei GB (on nous montrait alors des images d'archives d'un stage de la Mapei avec Museeuw qui jouait avec son cardio. Je me souviens très bien de ce reportage-là. Museeuw nourrissait alors de sérieuses ambitions sur Milan-Sanremo).C'était comme si tout l'hiver, j'étais resté allongé sur mon divan et quand je retourne dans le peloton professionnel, je suis largué. Cela, ça serait normal. Et bien, c'est exactement ce que nous avions vécu. Nous ne le sentions pas spécialement mais nous étions bien constamment dans le rouge.
Tu parles de la victoire de Camenzind ou des footballeurs champions du monde ?zwhisop a écrit : 08 déc. 2017, 14:57 le ver dans le fruit l image se brouille .Armstrong le pire surtout, le meilleur parfois.Le cataclysme mondial 98 festina
Jean-Luc Vandenbroucke fait amende honorable:"il faut avec ton caractère..." ** me disait-il. J'avais un assez mauvais caractère. [...] Si seulement, je pouvais revenir en arrière. J'ai mis toute ma carrière dans le pétrin à cause de cela. C'était bien mieux de prendre la voiture, l'avion et rentrer à la maison, hein. Je ne l'ai pas fait. Pour Monsieur Vandenbroucke. La pire connerie que j'ai jamais faite de ma vie.
** Verdonck prononce ces mots en français pour imiter Vandenbroucke.
Un détail a cependant retenu mon attention lors du récit de cette grave chute. Le médecin qui a traité la blessure de Rudi Verdonck n'est autre que le fameux Geert Leinders, alors, effectivement, médecin officiel de la Lotto. C'est pourquoi j'ai dit plus haut qu'ils avaient bien un médecin et non des moindres, le futur médecin de la Rabobank et un temps de la Sky, exclu à vie par l'USADA. Ce fait est apparu lorsque les programmateurs du reportage ont montré une vieille coupure de journaux mais jamais oralement le nom de Geert Leinders n'a été cité au cours du reportage.Les cyclistes sont des gens qui sortent ... ce sont des gens hors normes. Quand j'ai vu Rudi repartir avec quelques recousures à vif. Ce sont vraiment des gens exceptionnels.
Lors de la première étape, Marc Sergeant s'est souvenu (commentaires que j'ai déjà cités, je crois):Je pense avoir été le dernier pion qui pouvait prendre le départ mais à une condition. Je devais certainement terminé. Je n'ai jamais oublié ça. Je pensais en même: "Mais Jean-Luc, enfin, tu sais quand-même bien que c'est impossible".
Des images d'archive de cette étape nous montrent un Peter De Clercq pas vraiment dans son assiette après avoir franchi la ligne et qui dira (donc interview de l'époque)Il y avait un sprint intermédiaire sur cette étape [...] Je me souviens que j'ai jeté un coup d'oeil sur mon compteur. 60kmh, 62kmh. Pfiouu! À ce moment-là, je ne pouvais plus remonter d'une place dans le peloton, ce n'était plus possible et devant toi, il y avait une file de cent coureurs car tu étais à peu près le centième. Et à l'avant, ils commençaient encore à lancer le sprint. Alors, tu avais le sentiment que pfiou, ça va très vite maintenant.
J'ai l'air d'avoir 5 ans de plus aujourd'hui, hein. Pas bon, pas bon, pas bon!
Herman Frison:C'était épingler ton dossard et attendre le moment où tu décroches
Peter De Clercq:La plus grande moyenne horaire que j'ai faite, c'était l'étape de Liège. Au milieu du peloton c'était une file. Une file! Tu ne pouvait tout simplement rien faire. Tu ne pouvais pas gagner une place. Rien sinon rester dans les roues à bloc, à bloc et suivre.
Mario De Clercq:Il s'agissait de s'accrocher du début jusqu'à la fin. Enfin, à la fin, tu n'es même plus là. Au début, tu t'accroches et quand le vrai final commence, tu es largué. J'étais habitué à contribuer à "faire" la course. C'était également un de mes points forts. Alors que là, tu vois ces gars-là venir te battre sur ton terrain, là où, jadis, façon de parler, tu les "poussais" [dans leurs derniers retranchements].
Je pense que nous étions tous tout simplement dans la mauvaise équipe. Je pense que Sammie [Moreels] était tout aussi bon que Bruyneel. Cela j'en suis à 100% convaincu. C'était l'une des étapes où j'ai le plus souffert de toute ma carrière, oui.
Mario De Clercq:Je n'ai jamais roulé aussi vite que sur cette étape et n'ai jamais autant souffert. Juste pour suivre. Pour suivre! Et c'est alors que j'ai posé la question de savoir si tout ceci était encore bien normal.
Rudi Verdonck:Quand tu vas te coucher le soir et que tu prends ton pouls, tu as déjà tout compris, hein. Parfois, tu es juste content de pouvoir te réveiller le lendemain hein, sur le Tour de France. Oui, c'est ainsi.
Peter De Clercq:Je ne sais pas à quel kérosène ces gars-là marchaient mais c'était un peu anormal en ce temps-là, hein.
Marc Sergeant:Mais nous disions toujours à Jean-Luc et à Jef: "Ce n'est pas normal. Ce n'est pas normal. Il se passe quelque chose".
Rudi Verdonck:Mais je pense que Jean-Luc était très naïf. Il disait toujours quelque chose comme "mais ce n'est pas ça les gars. Vous ne vous entrainez tout simplement pas assez. Tel coureur en fait plus. Tel autre en fait plus.
Jean-Luc Vandenbroucke:Je suis sûr à quasi 200% que Jean-Luc était parfaitement au courant de ce qui se passait.
Marc Sergeant:J'étais dans ma bulle mais je n'ai pas vu ce phénomène arriver au niveau médical. Je ne l'ai pas vu arriver. Mais sinon, il n'y a jamais un coureur qui est venu me voir en disant: "Jean-Luc, il se passe quelque chose dans le peloton".
Peter De Clercq:Et il a été prouvé que cela faisait quelque chose. Vous avez toujours eu des coureurs qui étaient plus doués que d'autres mais là il y avait une vague dans laquelle, précisément, tout le monde était meilleur et au cours des années au sujet desquelles nous parlons, en ce moment, oui, je pense qu'une grande partie du peloton roulait avec.
Mario De Clercq:Tout simplement, après l'arrivée, j'ai vu deux docteurs d'autres équipes qui se félicitaient. Et nous, en tant que Lotto, n'avions personne. (rit jaune)
Nous y avons souvent pensé et en avons beaucoup parlé mais, bien sûr, dans les chambres parce qu'il fallait aussi de tenir compte du fait que des coureurs d'autres équipes qui, eux, faisaient des résultats étaient également des amis à nous.