

Je pense que beaucoup s'accorderont à dire que cette année, il y a eu une overdose d'étapes de plaine plates comme la main sur le Tour, au déroulement peu intéressant sur le plan sportif avec un scénario répétitif chaque jour : une attaque de 3-4 coureurs au km 0, contrôlés par les équipes de sprinteurs dès que l'écart dépasse 3 minutes, et un retour du peloton dans les 20 derniers km pour le sprint final. Hormis le numéro de Bodnar vers Pau, on a pas beaucoup eu d'occasions de vibrer.
On peut critiquer les organisateurs pour ce tracé, ou bien certaines équipes de sprinteurs d'avoir roulé comme des bourrins pour offrir des bouquets à Kittel, mais je me faisais aussi la remarque que cette stratégie des baroudeurs d'attaquer dès le km 0 alors qu'ils savent bien qu'ils vont être contrôlés n'était pas très maline. D'ailleurs, les coups les plus dangereux auxquels nous avons assisté étaient l'oeuvre de coureurs qui sortaient en contre à 50-60 km de l'arrivée profitant d'un écart trop faible entre l'échappée et le peloton pour faire le jump (on a vu De Gendt et Calmejane le faire par exemple). Cette stratégie de course me semble déjà plus ambitieuse.
En fait, nous sommes tellement habitué au scénario de course avec une attaque au kilomètre 0 qui part sans bagarre que l'on oublie que ce schéma est en fait très récent. J'ai regardé un peu au hasard le déroulement des étapes de plaine sur les Tours de France 1994 et 2003 et on voit que ce scénario était quasiment absent ! On voit que les bonifs aux sprints intermédiaires permettaient d'animer ces étapes (notamment la bataille pour le jaune entre sprinteurs la première semaine), et qu'en règle générale ça devait bagarrer avant de sortir.
Tour de France 1994 : aucune attaque au km 0 (on aurait adoré voir ces étapes en intégralité


Etape 1 : Lille-Armentières. 3 coureurs sortent au kilomètre 166 sur une étape de 234 km.
Etape 2 : Roubaix-Boulogne. 2 coureurs (dont J. Durand) s'échappent au kilomètre 77 sur une étape de 203 km.
Etape 4 : Douvres-Brighton. Cabello sort au km 23, rejoint par Magnien au km 55 sur une étape de 204 km. A 50 km de l'arrivée, un trio sort et l'échappée se dispute la victoire et Vanzella prend même le maillot jaune.
Etape 5 : Portsmouth-Portsmouth. 4 coureurs sortent au km 25 sur une étape de 187 km.
Etape 6 : Cherbourg-Rennes. Une échappée de 4 coureurs se forment au km... 248 (!!) sur une étape de 270 km et Bortolami résiste d'ailleurs au peloton. Etape animée par une bataille pour le jaune avec les bonifs des sprints inter.
Etape 7 : Rennes-Futuroscope. Le légendaire Eros Poli s'échappe au km 60 sur une étape longue de 260 km. Poli fait 166 km d'échappée solitaire ce jour-là, son avance atteint presque 20 minutes.
Etape 8 : Poitiers-Trelissac. 4 coureurs s'échappent au km 106 sur une étape de 218 km.
Etape 10 : Bergerac-Cahors. Jacky Durand s'échappe au km 8 avant d'être rejoint par plusieurs coureurs, mais l'étape était courte : seulement 160 km (Durand l'emporte d'ailleurs).
Etape 13 : Bagnères de Bigorre-Albi. L'échappée se forme au km 155 sur une étape de 223 km.
Etape 20 : Morzine-Lac Saint Point. Procession du peloton jusqu'à 30 km de l'arrivée avec une attaque de Simon.
Tour de France 2003 : un schéma de course plus proche d'aujourd'hui mais la plupart du temps, ça devait batailler pour prendre l'échappée
Etape 1 : Montgeron-Maux. 3 coureurs s'échappent au km 19 sur une étape de 168 km.
Etape 2 : La Ferté sous jouarre-Sedan. Finot s'échappe après 35 km et résiste presque jusqu'au bout au peloton sur une étape de 204 km.
Etape 3 : Charlevilles Mézières-Saint Dizier. Bataille pour les bonifs, JP Nazon prend le jaune d'ailleurs, pas d'échappée notable (3 coureurs attaquent entre les 2 sprints inter mais ne restent devant que 40 km).
Etape 5 : Troyes-Nevers. 4 hommes sortent au km 14 sur une étape de 196 km.
Etape 6 : Nevers-Lyon. 2 coureurs s'extraient du peloton au km 34 sur une étape de 230 km.
Etape 10 : Gap-Marseille. 9 coureurs partent après 16 km et se jouent la victoire (étape de 219 km).
Etape 11 : Narbonne-Toulouse. 8 coureurs sortent au km 53 et se disputent la victoire (étape courte de 153 km).
Etape 17 : Dax-Bordeaux. 10 coureurs partent au km 1 (!!) et se jouent la gagne.
Etape 18 : Bordeaux-Saint Maxime l'Ecole. L'échappée ne se forme qu'après le premier sprint inter ou Ullrich joue les bonifs à Armstrong

J'ai l'impression que le scénario standard actuel des étapes de plaine est apparu il y a 10 ans environ, et ne s'est généralisé que dans les années 2010.
Alors, à votre avis, que faudrait-il faire pour rompre avec ce schéma et redonner de l'intérêt sportif à ces étapes de plaine ? Mettre plus de relief pour compliquer la tâche au peloton ? Redonner des bonifs aux sprints intermédiaires ? Un maillot pour le meilleur baroudeur ?