tuco a écrit :PS : pourrais-tu nous faire un long portrait dé"taillé de lavenu ? son passé, son style, ses ambitions ? je connais très mal ce DS et j'aimerais bien les explications du spécialiste d'AG2R :good:
Il n'est plus vraiment DS, il est maintenant patron d'équipe.
Je ne prétends pas décrire la vérité, c'est plus une idée que je me fais de lui et de l'évolution de son équipe.
Il vient de loin. Il a été pro, mais dans des équipes de bric et de broc, certainement sans avoir un salaire tous les mois :
http://www.memoire-du-cyclisme.eu/dossi ... lavenu.php
Quand il monte son équipe Chazal en 92, personne ne lui accorde réellement une chance. Là aussi, c'est de bric et de broc, avec des coureurs qui sont recrutés peut-être parce qu'ils peuvent apporter un sponsor plus que des résultats. Il a sûrement gardé quelques habitudes de ces années, il a notamment la réputation d'être un peu radin et de ne pas cracher sur les petites économies.
Sa chance, c'est qu'il y a peu d'équipe française à l'époque, alors il est sélectionné sur le Tour dès sa 2e année. L'équipe fait 3 fois le Tour, mais n'y brille pas. Niveau coureurs, il n'y a pas grand chose à retenir. Il recrute des "vieilles gloires" comme Caritoux (plutôt bon) ou Jean-François Bernard (plutôt pas terrible). Il y a bien un certain Kirsipuu, mais on ne peut pas dire qu'il brille réellement. Il n'hésite pas à lancer ou relancer des coureurs qui ont des parcours "atypiques" (un peu "vieux" pour passer pro).
Fin 95, Chazal s'en va et, par nécessité, il lance le concept d'une équipe financée par ses supporters. Il fait signer les coureurs au fur et à mesure que son budget augmente, autant dire qu'il n'a pas que des premiers choix. Il dégotte un sponsor principal au dernier moment : Petit Casino. C'est un grand groupe, mais la contribution est modeste.
La saison est galère. Le leader De Las Cuevas n'est pas au niveau. Kasputis (présent depuis 93), remporte une étape du Dauphiné qui permet de rêver au Tour, mais l'équipe n'est pas retenue. C'est un électrochoc pour le sponsor qui réagit en augmentant sa contribution pour pouvoir participer au Tour en 97.
C'est un recrutement "italien" qui commence avec Pascal Richard (juste avant son titre olympique), Alberto Elli, Rodolfo Massi, Rolf Jaermann et surtout le médecin Daniele Tarsi. Il ne faut pas se mentir, à l'époque l'EPO doit tourner à flot dans l'équipe. Cette période italienne va durer deux ans avec des résultats extraordinaires en 98 (plus de 60 victoires et une 2e place au classement UCI par équipe en fin d'année), jusqu'à l'affaire Festina qui fera partir Casino à l'issue de son engagement initial, fin 99.
Cette période a aussi vu les éclosions de Kirsipuu et Vinokourov. Jusqu'à Bardet Lavenu avait la réputation de ne pas avoir de flair pour les néo-pros, mais j'ai trouvé ça un peu injuste quand on sait les carrières qu'ont fait Kirsipuu et Vinokourov qui sont passés pros chez lu et qu'il est allé cherché, mais qu'on avait tendance à oublier parce qu'ils n'étaient pas Français.
En 2000, l'équipe repart plus modestement avec AG2R comme sponsor principal. L'équipe tourne autour de Kirsipuu qui devient un top sprinter. Brochard est une bonne recrue en 2003, mais les tentatives de briller sur les classements généraux ne sont guère des réussites. L'équipe "vivote" à cette époque. Fin 2004, ils ne sont pas retenus pour le ProTour, je pense que c'est une grosse désillusion pour Lavenu. Kirsipuu s'en va, il était là depuis 1992.
En 2005, l'équipe fait le calendrier continental. C'est ma saison préférée de l'équipe avec des courses improbables dans toute l'Europe. Pendant l'été Lavenu tente le tout pour le tout pour passer en WorldTour avec les recrutements de Moreau et Mancebo. Il gagne son pari, aussi parce que Fassa Bortolo disparaît.
C'est donc à partir de 2006 que l'équipe va vraiment changer de philosophie et se concentrer sur les classements généraux des courses à étapes montagneuses. On ne peut pas dire que ça fait rêver avec peu de victoires (mais régulièrement des étapes sur le Tour) et des top 20 à la pelle avec des coureurs peu "charismatiques". C'est aussi à cette époque-là qu'il monte le partenariat avec le Chambéry CF. Il rêve d'un centre de formation comme en foot. L'idée est un peu saugrenue à ce moment. Les résultats tardent à arriver et cette équipe est la "risée" du peloton amateur qui se moque de ces coureurs qui arrivent au départ des courses avec l'équipement des pros mais sans les résultats. Finalement, les résultats commencent à arriver et Sonnery est le premier coureur du centre à passer pro en 2007. Si l'équipe devient respectable chez les amateurs, les coureurs ne confirment pas chez les pros.
A cette époque là, Lavenu ménage la chèvre et le chou en jouant à fond la promotion du WorldTour auprès de l'UCI (il a toujours joué le classement par équipes par exemple) et en restant proche d'ASO. Lavenu est le genre de personne qui n'a pas d'ennemi. Il a de bonnes relations avec des gens qui se détestent. Il n'a pas de problème avec ses homologues Bernaudeau ou Madiot. Il faut dire qu'il a moins de "personnalité publique" qu'eux.
Je dirai que c'est à partir de 2011 que la roue tourne avec notamment le recrutement de Péraud qui lui donne une certaine visibilité avec un coureur français, au parcours original et qui brille. C'est plus vendeur que ses Russes ou Slovènes. Péraud c'est le genre de coureur que Lavenu n'hésitera pas à recruter là où ses collègues français trouveront à redire. Idem avec Vuillermoz. Il va chercher des mecs menacés chômage qui donnent tout pour l'équipe (Dupont ou Chérel).
2012, c'est l'arrivée de Bardet, premier "jeune espoir français" à réussir chez AG2R. La suite on la connait. Maintenant le Chambéry CF ne fait plus rigoler personne et est devenu le principal pourvoyeur de l'équipe AG2R avec la même philosophie d'attaquer et de faire la course.
Certains attribue une identité savoyarde à l'équipe, mais ce n'est pas tout à fait exact. Elle est plus rhonalpine. Beaucoup de coureurs sont issus de cette région et des ses départements. Mais Lavenu n'est pas sectaire non plus. Bardet est Auvergnat (il était quand même à Roanne avant le CCF) et quand Gougeard a refusé de quitter sa Normandie et d'aller à Chambéry, Lavenu l'a quand même pris dans son "giron".
Il y a aussi un côté "sombre" chez Lavenu avec le dopage. Il était aux premières loges et 97-98 avec son médecin italien et s'il n'a jamais avoué, il n'a pas non plus prétendu avoir fait autre chose que les autres. Il a aussi pu laisser l'impression avec des recrutements hasardeux de n'être pas trop regardant sur la réputation de certains coureurs. Les choses ont semble-t-il changé cette année, notamment parce que le sponsor a demandé à Lavenu de se remettre en cause. Là encore, il n'a, semble-t-il pas mal pris cette demande (on lui a quand même demandé de prendre du recul), s'est exécuté et le sponsor est content. Il aime rendre les gens contents.
Comme son sponsor, c'est quelqu'un de fidèle. Il y a dans son encadrement des gens qui sont là depuis 20 ans et qui étaient coureurs avec lui il y a 30 ans (Gilles Mas est passé pro en même temps que lui en 83, Biondi était coureur chez Chazal en 92 puis DS depuis 94). Il ne lâche jamais un coureur blessé ou malade et a payé certains coureurs qui ne couraient pas. Il n'a pas un énorme égo et est ainsi ouvert aux nouveautés, notamment celles proposées par Bardet avec les stages en altitude, l'entrainement ou la nutrition.