On3 a écrit : ↑24 avr. 2024, 16:50
Lappartient a très bien compris qu'on ne tuait pas la poule aux oeufs d'or. Il faudra donc compter sur un contrôle douanier pour mettre fin à la blague. Le grotesque de la situation (les temps de montée, les démonstrations, la gêne générale provoquée par tout ce cirque) est sans doute largement au niveau de 98 d'ailleurs.
En attendant, on va encore se farcir pas mal de "oui mais le vent de dos", "oui mais le matos", "oui mais les cétones", "oui mais ils mangent beaucoup".
Quelle tristesse ce forum de "passionnés" parfois !
On doit quand même être le seul sport dans lequel, lorsqu'un champion réalise une grande performance, plutôt que de l'applaudir, les suiveurs expriment invariablement leur dégoût et leurs doutes (proportionnels à l'identité du vainqueur, cela va de soi). Encore une fois, il n'est pas question de taire les doutes et il est bien normal qu'ils existent avec le passé de notre sport. Mais je trouve déprimant que ce soit systématiquement la réaction prédominante, voire unique.
Il y a d'ailleurs un côté vraiment contradictoire à suivre un sport professionnel de haut niveau et à crier au scandale dès qu'un record tombe ou qu'une performance hors norme est réalisée. Par exemple, lorsqu'un Alexstru écrit dans l'un de ses messages : "Pogacar, l'homme qui rend possible ce qui était jugé impossible", il ne se rend même pas compte qu'il énonce la définition même du champion sportif. Dans tous les sports, c'est le propre du champion de repousser les limites et d'accomplir ce qui paraissait hors d'atteinte.
Mais j'en reviens au message d'On3 : non, la situation actuelle n'a absolument rien de comparable avec les années 1990. Nous n'en avons aucune preuve et nous avons même un faisceau d'éléments qui distinguent très nettement la situation présente des années 1990.
1/ Nous sommes dans une situation où quelques coureurs (Pogacar, Van der Poel, Vingegaard et, dans une moindre mesure ou de manière moins constante, Evenepoel, Roglic, Van Aert) dominent largement le reste du peloton. Cette situation n'a rien à voir avec les années 90 et rappellerait plutôt un passé plus lointain dans lequel quelques coureurs étaient au-dessus du lot et se partageaient les lauriers.
2/ Ces coureurs dominateurs sont présents toute la saison et font des performances cohérentes d'une saison à l'autre. Nous ne sommes pas du tout revenu aux années 90 durant lesquelles les coureurs avaient d'énormes variations de forme ou sortaient de nulle part d'une année à l'autre.
3/ Nous n'avons aucun écho de l'apparition d'une nouvelle substance analogue à l'EPO qui pourrait expliquer l'accélération des moyennes dans le peloton. A l'inverse, nous avons beaucoup d'explications (progrès dans le matériel, l'entraînement, la nutrition) qui, mises, bout à bout parviennent à rendre compte de cette accélération. Pourquoi ne pas leur accorder un minimum de crédit ? De plus, le passeport biologique rend impossible un dopage sanguin aussi lourd que dans les années 90, je ne crois pas donc pas à un retour de l'EPO dans les proportions que nous avons connues (que l'EPO ait totalement disparu en revanche, c'est autre chose, je dis simplement que nous ne sommes pas sur le même terrain que dans les années 1990).
En fin de compte, ce qui m'attriste le plus, c'est que beaucoup de suiveurs écartent d'emblée une hypothèse qui leur paraît sans doute trop naïve : et si la domination actuelle de quelques coureurs s'expliquait simplement par... l'existence d'une génération dorée de champions ? Quelqu'un mentionnait le tennis et je trouve très bonne la comparaison. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir en cyclisme l'équivalent à la génération Federer/Nadal/Djokovic en tennis ? Ces trois joueurs se sont rendus plus forts mutuellement en s'affrontant, les rendant quasiment hors d'atteinte pour les autres. J'ai le sentiment qu'un processus similaire se produit en cyclisme à travers les rivalités entre Vingegaard et Pogacar sur le Tour, ou bien entre Van der Poel et Van Aert sur les flandriennes.
Pour conclure et simplement apporter une voix un peu différente : j'ai beaucoup apprécié cette campagne de classiques et je me réjouis d'avoir des champions de la qualité de Van der Poel ou Pogacar. Bien sûr, j'aurais aimé que Van Aert et Evenepoel soient là pour les challenger et apporter plus de suspense dans le final des courses. Mais nous avons eu droit à des exploits solitaires de très haut niveau. Profitons-en, je pense que nous ne rendons pas compte de la chance que nous avons d'avoir une génération aussi exceptionnelle. Le cyclisme risque de nous paraître aussi fade après eux que le tennis peut l'être aujourd'hui après les départs en retraite de Federer et Nadal.