Cold case: le contrôle d\'Armstrong au TDS 2001
Publié : 04 nov. 2015, 12:46
Je souhaite revenir sur un point particulier de l'affaire Armstrong qui, malgré la publication du rapport de l'USADA fin 2012, n'a jamais été complètement élucidé.
Rappel des faits:
Avant de remporter son troisième Tour de France, Lance Armstrong a participé au Tour de Suisse 2001. Quatre échantillons prélevés pendant cette compétition ont été jugés \"suspects\" par le laboratoire suisse d'analyse du dopage de Lausanne, dont le directeur est Martial Saugy (à l'époque et aujourd'hui encore).
Par la suite, Martial Saugy a été informé par l'UCI que les échantillons suspects appartenaient à Lance Armstrong. L'instance lui a ensuite demandé de présenter à Armstrong et à Bruyneel la méthode de détection de l'EPO pratiquée par le laboratoire antidopage de Lausanne. Cette rencontre s'est déroulée peu avant le Tour de France 2002.
Martial Saugy a, lui même, confirmé cette rencontre, en présentant les choses de la manière suivante:
\"L'UCI m'a dit fin juin 2002: 'on a averti le coureur pour lequel vous aviez un résultat suspect en 2001, il a donné un autre résultat suspect rendu par un autre laboratoire et il aimerait savoir par quelle méthode il est jugé'.
Le mercredi 9 janvier 2013, Travis Tygart, avocat américain et directeur de l'USADA, a fait les révélations suivantes dans l'émission 60 Minutes Sports de CBS.
Lors d'un diner en 2010, Martial Saugy s'est approché de lui et lui a déclaré que:
-Un échantillon d'Armstrong récolté lors du Tour de Suisse 2001 indiquait qu'Armstrong utilisait de l'EPO
-L'UCI lui a ordonné de rencontrer Lance Armstrong et Johann Bruyneel pour leur expliquer la méthode de détection de l'EPO, chose inédite pour lui
-Lorsque Travis Tygart lui a demandé s'il leur avait donné les clefs pour battre le test de détection de l'EPO, il a hoché la tête pour dire oui.
Autrement dit, il me semble qu'on peut conclure de cet échange que Travis Tygart, patron de l'USADA, a accusé publiquement Martial Saugy de corruption dans l'émission 60 Minutes Sports.
Quelques jours plus tard, dans les médias suisses (notamment), Martial Saugy a donné les réponses suivantes:
-La présentation de la méthode de détection du test à Armstrong et Bruyneel, sur mandat de l'UCI, est \"parfaitement admise dans le monde de la recherche et s'inscrivait dans un souci de transparence\". Il ajoute que \"c'est un droit fondamental qu'ont les sportifs de connaître les bases scientifiques des analyses\", sur lesquelles ils peuvent être amenés à être jugés
-Il réfute avoir donné à Armstrong, lors de cette rencontre, les clefs pour contourner les contrôles. Selon Martial Saugy, Travis Tygart aurait \"mal interprété un hochement de tête qu'il aurait pu faire\". Il ajoute que \"Travis Tygart peut ne même pas m'avoir posé la question de cette manière. Il doit sûrement avoir certaines déficiences dans ses souvenirs\".
Signalons encore que l'USADA a réclamé à l'UCI les échantillons d'Armstrong du TDS 2001 pour procéder à un nouveau test, ce que l'instance a refusé, expliquant qu'Armstrong n'avait pas donné son accord.
Signalons aussi que l'agence mondiale antidopage n'a pas sanctionné le laboratoire de Lausanne suite à cette affaire, car, selon son directeur John Fahey, \"rien ne permettait à l'AMA d'agir parce que le cas est relié à un évènement présumé remontant à une époque où nous n'avions pas la charge de l'accréditation des laboratoires\". Il ajoute toutefois que \"ces faits seront, je crois, toujours entourés d'un certain degré de spéculations\".
Du côté des médias, suite au démenti apporté par Martial Saugy, ceux-ci n'ont pas poursuivi l'investigation. Dans la presse suisse, la réputation du laboratoire anti-dopage de Lausanne est intacte et son directeur régulièrement interpellé en tant que spécialiste lorsque des affaires de dopage éclatent.
Questions
Il me semble que cette affaire pose une multitude de questions qui n'ont pas été résolues. J'invite tous les forumeurs qui ont des informations supplémentaires ou pensent à d'autres zones d'ombre sur cette affaire particulière à en faire part dans ce sujet!
De mon côté, je relève les problèmes suivants:
-Les contrôles menés par les laboratoires sont anonymes. Dans le cas du Tour de Suisse 2001, Martial Saugy a indiqué que, après avoir transmis à l'UCI ces cas \"suspects\", il a été averti par la direction de sa commission médicale qu'au moins un de ces échantillons appartenaient à Lance Armstrong, mais qu'il était impossible qu'Armstrong prenne de l'EPO.
Reste le mystère suivant: pourquoi le nom du coureur en cause a-t-il été transmis au directeur du laboratoire antidopage responsable de l'analyse? En quoi cette information pouvait-elle être d'une quelconque utilité à Martial Saugy?
-Selon Martial Saugy, il est habituel et pas du tout problématique que la méthode de détection d'un test antidopage soit expliquée aux athlètes phares d'un sport professionnel. Connait-on d'autres exemples où la fédération d'un sport aurait demandé à un laboratoire d'organiser une rencontre avec un athlète phare de sa discipline?
-Il semblerait qu'en 2001, un test à l'EPO était considéré comme positif si trois critères étaient remplis. Dans le cas d'Armstrong, seul deux des trois l'étaient, raison pour laquelle le test a été labellisé \"suspect\" et non \"anormal\". Quelqu'un connait-il le détail de ces trois critères?
-Le directeur de l'USADA a nommément accusé le directeur du labo de Lausanne de corruption sur une chaîne de télévision, dans une émission à forte audience. Pour quelle raison ce dernier s'est-il contenté de nier ces allégations, sans porter plainte pour diffamation? La légèreté de la réponse, face à la gravité de l'accusation, me laisse un peu perplexe...
-Pour quelle raison l'accusation de Travis Tygart (\"le patron du laboratoire de Lausanne a donné les clefs du test de détection de l'EPO à Armstrong) ne figure-t-elle pas dans le rapport de l'USADA?
-Selon Travis Tygart, Martial Saugy l'a abordé spontanément pour lui parler du contrôle d'Armstrong en 2001 et de la demande de l'UCI d'organiser une visite explicative du test de détection de l'EPO. Il aurait fait part de sa surprise quant à cette manière de faire (\"chose inédite pour lui\"). Dès lors, pourquoi, par la suite, Martial Saugy a-t-il déclaré que cette rencontre avec Armstrong et Bruyneel était normale et appropriée?
Il y a, ici, une contradiction claire entre deux versions: d'un côté, il approche Tygart pour lui faire part de sa surprise, voire de son malaise. De l'autre, il déclare plus tard que cette visite ne posait aucun problème.
En définitive, quel était l'objectif de la discussion Saugy-Tygart, lors de ce diner en 2010? Tygart aurait-il rendu publiques des informations que Saugy lui aurait communiquées \"en off\", qu'il ne voulait pas voir ébruitées? Je pense à ça en lisant une déclaration de Saugy, qui a déclaré être \"très surpris de voir la résonance prise par cette affaire, ressortie à partir d'une observation lors d'un dîner léger\".
-Selon le rapport de l'USADA, les tests de 2001, jugés à l'époque suspects, seraient considérés comme positifs aujourd'hui (p. 150 du rapport), selon ce que Martial Saugy lui-même leur aurait laissé entendre. Pourtant, ce dernier a déclaré exactement le contraire à l'AFP en octobre 2012 (même aujourd'hui, les tests ne seraient pas positifs). Pourquoi cette contradiction?
Rappel des faits:
Avant de remporter son troisième Tour de France, Lance Armstrong a participé au Tour de Suisse 2001. Quatre échantillons prélevés pendant cette compétition ont été jugés \"suspects\" par le laboratoire suisse d'analyse du dopage de Lausanne, dont le directeur est Martial Saugy (à l'époque et aujourd'hui encore).
Par la suite, Martial Saugy a été informé par l'UCI que les échantillons suspects appartenaient à Lance Armstrong. L'instance lui a ensuite demandé de présenter à Armstrong et à Bruyneel la méthode de détection de l'EPO pratiquée par le laboratoire antidopage de Lausanne. Cette rencontre s'est déroulée peu avant le Tour de France 2002.
Martial Saugy a, lui même, confirmé cette rencontre, en présentant les choses de la manière suivante:
\"L'UCI m'a dit fin juin 2002: 'on a averti le coureur pour lequel vous aviez un résultat suspect en 2001, il a donné un autre résultat suspect rendu par un autre laboratoire et il aimerait savoir par quelle méthode il est jugé'.
Le mercredi 9 janvier 2013, Travis Tygart, avocat américain et directeur de l'USADA, a fait les révélations suivantes dans l'émission 60 Minutes Sports de CBS.
Lors d'un diner en 2010, Martial Saugy s'est approché de lui et lui a déclaré que:
-Un échantillon d'Armstrong récolté lors du Tour de Suisse 2001 indiquait qu'Armstrong utilisait de l'EPO
-L'UCI lui a ordonné de rencontrer Lance Armstrong et Johann Bruyneel pour leur expliquer la méthode de détection de l'EPO, chose inédite pour lui
-Lorsque Travis Tygart lui a demandé s'il leur avait donné les clefs pour battre le test de détection de l'EPO, il a hoché la tête pour dire oui.
Autrement dit, il me semble qu'on peut conclure de cet échange que Travis Tygart, patron de l'USADA, a accusé publiquement Martial Saugy de corruption dans l'émission 60 Minutes Sports.
Quelques jours plus tard, dans les médias suisses (notamment), Martial Saugy a donné les réponses suivantes:
-La présentation de la méthode de détection du test à Armstrong et Bruyneel, sur mandat de l'UCI, est \"parfaitement admise dans le monde de la recherche et s'inscrivait dans un souci de transparence\". Il ajoute que \"c'est un droit fondamental qu'ont les sportifs de connaître les bases scientifiques des analyses\", sur lesquelles ils peuvent être amenés à être jugés
-Il réfute avoir donné à Armstrong, lors de cette rencontre, les clefs pour contourner les contrôles. Selon Martial Saugy, Travis Tygart aurait \"mal interprété un hochement de tête qu'il aurait pu faire\". Il ajoute que \"Travis Tygart peut ne même pas m'avoir posé la question de cette manière. Il doit sûrement avoir certaines déficiences dans ses souvenirs\".
Signalons encore que l'USADA a réclamé à l'UCI les échantillons d'Armstrong du TDS 2001 pour procéder à un nouveau test, ce que l'instance a refusé, expliquant qu'Armstrong n'avait pas donné son accord.
Signalons aussi que l'agence mondiale antidopage n'a pas sanctionné le laboratoire de Lausanne suite à cette affaire, car, selon son directeur John Fahey, \"rien ne permettait à l'AMA d'agir parce que le cas est relié à un évènement présumé remontant à une époque où nous n'avions pas la charge de l'accréditation des laboratoires\". Il ajoute toutefois que \"ces faits seront, je crois, toujours entourés d'un certain degré de spéculations\".
Du côté des médias, suite au démenti apporté par Martial Saugy, ceux-ci n'ont pas poursuivi l'investigation. Dans la presse suisse, la réputation du laboratoire anti-dopage de Lausanne est intacte et son directeur régulièrement interpellé en tant que spécialiste lorsque des affaires de dopage éclatent.
Questions
Il me semble que cette affaire pose une multitude de questions qui n'ont pas été résolues. J'invite tous les forumeurs qui ont des informations supplémentaires ou pensent à d'autres zones d'ombre sur cette affaire particulière à en faire part dans ce sujet!
De mon côté, je relève les problèmes suivants:
-Les contrôles menés par les laboratoires sont anonymes. Dans le cas du Tour de Suisse 2001, Martial Saugy a indiqué que, après avoir transmis à l'UCI ces cas \"suspects\", il a été averti par la direction de sa commission médicale qu'au moins un de ces échantillons appartenaient à Lance Armstrong, mais qu'il était impossible qu'Armstrong prenne de l'EPO.
Reste le mystère suivant: pourquoi le nom du coureur en cause a-t-il été transmis au directeur du laboratoire antidopage responsable de l'analyse? En quoi cette information pouvait-elle être d'une quelconque utilité à Martial Saugy?
-Selon Martial Saugy, il est habituel et pas du tout problématique que la méthode de détection d'un test antidopage soit expliquée aux athlètes phares d'un sport professionnel. Connait-on d'autres exemples où la fédération d'un sport aurait demandé à un laboratoire d'organiser une rencontre avec un athlète phare de sa discipline?
-Il semblerait qu'en 2001, un test à l'EPO était considéré comme positif si trois critères étaient remplis. Dans le cas d'Armstrong, seul deux des trois l'étaient, raison pour laquelle le test a été labellisé \"suspect\" et non \"anormal\". Quelqu'un connait-il le détail de ces trois critères?
-Le directeur de l'USADA a nommément accusé le directeur du labo de Lausanne de corruption sur une chaîne de télévision, dans une émission à forte audience. Pour quelle raison ce dernier s'est-il contenté de nier ces allégations, sans porter plainte pour diffamation? La légèreté de la réponse, face à la gravité de l'accusation, me laisse un peu perplexe...
-Pour quelle raison l'accusation de Travis Tygart (\"le patron du laboratoire de Lausanne a donné les clefs du test de détection de l'EPO à Armstrong) ne figure-t-elle pas dans le rapport de l'USADA?
-Selon Travis Tygart, Martial Saugy l'a abordé spontanément pour lui parler du contrôle d'Armstrong en 2001 et de la demande de l'UCI d'organiser une visite explicative du test de détection de l'EPO. Il aurait fait part de sa surprise quant à cette manière de faire (\"chose inédite pour lui\"). Dès lors, pourquoi, par la suite, Martial Saugy a-t-il déclaré que cette rencontre avec Armstrong et Bruyneel était normale et appropriée?
Il y a, ici, une contradiction claire entre deux versions: d'un côté, il approche Tygart pour lui faire part de sa surprise, voire de son malaise. De l'autre, il déclare plus tard que cette visite ne posait aucun problème.
En définitive, quel était l'objectif de la discussion Saugy-Tygart, lors de ce diner en 2010? Tygart aurait-il rendu publiques des informations que Saugy lui aurait communiquées \"en off\", qu'il ne voulait pas voir ébruitées? Je pense à ça en lisant une déclaration de Saugy, qui a déclaré être \"très surpris de voir la résonance prise par cette affaire, ressortie à partir d'une observation lors d'un dîner léger\".
-Selon le rapport de l'USADA, les tests de 2001, jugés à l'époque suspects, seraient considérés comme positifs aujourd'hui (p. 150 du rapport), selon ce que Martial Saugy lui-même leur aurait laissé entendre. Pourtant, ce dernier a déclaré exactement le contraire à l'AFP en octobre 2012 (même aujourd'hui, les tests ne seraient pas positifs). Pourquoi cette contradiction?