Romain Bardet cherche de l'inédit
Durant le Tour de France 2019, Julian Alaphilippe et Thibaut Pinot ont occupé l'espace pendant que Romain Bardet était parvenu, physiquement et psychologiquement, au bout du bout. N'enterrons surtout pas l'unique coureur français en activité ayant réussi à monter à deux reprises sur le podium du Tour (2e en 2016 et 3e en 2017). L'athlète maxi-endurant s'avance, régénéré sur tous les plans, vers le prochain Tour aux dates insolites (29 août-20 septembre). Sa huitième participation d'affilée aura une connotation particulière puisqu'il s'agit certainement de la dernière sous les couleurs de son unique équipe, AG2R La Mondiale.
Après neuf années, un bail, Romain Bardet (29 ans) ressent le besoin de vivre une expérience inédite. Son esprit curieux et son envie de découvrir un autre mode de fonctionnement le conduiront à l'étranger. La destination Sunweb semble se préciser.
Le manager néerlandais de l'équipe allemande, Iwan Spekenbrink, veut engager un spécialiste des grands Tours. Il en a les moyens financiers puisqu'il n'a pas encore remplacé Tom Dumoulin, dont la fuite chez Jumbo-Visma à l'intersaison a allégé la masse salariale du team, sans compter l'indemnité pour rupture de contrat qu'il a récupérée.
Cette nouvelle orientation destinée à relancer sa carrière, Romain Bardet y songe depuis plusieurs mois.
Pierre Latour cherche de la confiance
L'agent finlandais de Bardet, Joona Laukka, gère également les intérêts de Pierre Latour (26 ans). Lui aussi a manifesté le souhait de changer d'air après six ans dans la structure où il est passé professionnel en 2015. Sa venue chez Total Direct Energie sera très certainement officialisée avant le départ du Tour, à Nice.
Contrairement à Bardet (avec lequel il reprendra la compétition le 1er août à la Route d'Occitanie), Latour a encore beaucoup à prouver. Il aurait pu rester chez AG2R La Mondiale puisque la place de leader devrait se libérer mais ce statut ne colle pas avec sa personnalité.
Le Drômois manque de concentration pour viser le sommet du classement général du Tour. Il est en quête de régularité après des saisons incomplètes (en raison de nombreuses chutes et fractures) et aspire à retrouver confiance, dans les descentes notamment. Son maillot blanc en 2018 brouille son profil : ce n'est pas un pur grimpeur, plutôt un accrocheur.
Ses grandes qualités de rouleur devraient lui permettre de performer dans les courses d'une semaine. S'il reste des détails à régler, Latour a choisi Total Direct Énergie où il aura carte blanche pour tenter des coups dans le Tour. Jean-René Bernaudeau a su le convaincre. Comme les managers d'autrefois, il s'est même déplacé pour rencontrer sa future recrue.
Marc Madiot lui avait proposé de rejoindre Groupama-FDJ. Latour entretient de très bonnes relations avec Thibaut Pinot mais il ne voulait pas être bridé par l'indiscutable leadership du Franc-Comtois. Il ne se voyait pas non plus, malgré les sollicitations, partir dans une équipe étrangère. Ainsi, il y a trois ans, il avait repoussé une offre de Movistar.
Vincent Lavenu cherche des pointures
Vincent Lavenu n'a ni confirmé ni infirmé les départs de Bardet et Latour. Quoi qu'il en soit, le directeur général de l'équipe AG2R La Mondiale fait front. « Je n'ai pas peur de ce qui va se passer, si tel ou tel coureur devait partir. On maîtrise le futur de l'équipe. On a un projet, des ambitions importantes », afin de pérenniser au plus haut niveau son entreprise bientôt trentenaire, la plus ancienne du cyclisme français, preuve de sa solidité.
« Tu prends des jeunes coureurs qui deviennent de grands coureurs. Jaan Kirsipuu est devenu un grand coureur, il nous a apporté 114 victoires (entre 1993 et 2004). Jean-Christophe Péraud a une histoire différente (il est passé pro tardivement) : il représente notre premier podium au Tour (2e, en 2014). Romain Bardet est une figure marquante. Il vient de notre centre de formation de Chambéry. On ne peut pas se prévaloir d'avoir "fait" Romain : c'est lui, sa famille, son environnement... Mais on est très fiers de l'avoir accompagné. »
« Le but n'est pas de perdre des leaders en montagne et ne pas les remplacer »
Vincent Lavenu, manager d'AG2R La Mondiale
Pour l'heure, Lavenu a prolongé le contrat d'un vrai talent, un gagneur, Benoît Cosnefroy (24 ans), apte à marcher sur les traces de Julian Alaphilippe dans les classiques ardennaises et dont le potentiel s'accorde aussi avec les épreuves d'une semaine. Il a également prolongé le Belge Oliver Naesen (2e de Milan-San Remo en 2019) dont le compagnon d'entraînement, Greg Van Avermaet, a proposé ses services à la formation savoyarde.
Les équipes de Vincent Lavenu ont toujours été dessinées pour les courses à étapes, le Tour de France naturellement, et une affection particulière pour le Critérium du Dauphiné, la course de la région. « Le but n'est pas de perdre des leaders en montagne et ne pas les remplacer », fait-il observer.
Il cherche certainement à engager une ou deux pointures avant d'entrevoir l'éclosion d'un Aurélien Paret-Peintre (24 ans), d'un Jaakko Hänninen (23 ans) ou d'un Clément Champoussin (22 ans). Se réinventer est une expression souvent employée par Romain Bardet. C'est maintenant à l'équipe d'AG2R La Mondiale de se l'approprier.