Juste pour apporter ma pierre au débat l'espace d'un post:
La puissance développée sur tous types de terrains dépend:
a) Des frottements au sol et dans la machine (minimes, et surtout similaires chez tous les coureurs)
b) Des frottements liés au déplacement dans une masse d'air statique (ou dynamique si vent) (très important, surtout sur du plat... d'où l'intérêt des pelotons et équipiers)
c) De la composante des masses à déplacer verticalement (de plus en plus important lorsque la pente s'accentue)
Quantitativement, a) est négligeable partout (de l'ordre de 15-25W et très proches chez tous les coureurs/équipes)
b) explique la quasi intégralité de la puissance nécessaire sur du plat, tandis que sur une pente de 5% on est dans un mix 50% b) et 50% c), puis plutôt de l'ordre de 25% b) et 75% c) sur une pente de 10%.
Bref, ça c'était pour rappeler d'où proviennent les besoins énergétiques.
Pour se mettre en mouvement, le corps utilise la contraction musculaire. Celle-ci a besoin d'énergie localement (sous forme d'ATP), qui est obtenue à l'aide de 3 moteurs:
1) aérobie (nécessitant de l'oxygène = oxydation aérobie)
2) anaérobie lactique (=glycolyse anaérobie)
3) anaérobie alactique (=système phosphocréatine = ATP CP)
Là aussi, si les trois moteurs sont toujours simultanément actifs, les proportions issues de chacun varient selon l'effort demandé. De manière simplifiée, le moteur 3) est minime à part lors d'un sprint car, s'il peut libérer un grand flux momentané d'énergie, il a besoin d'être rapidement rechargé. Le moteur 2) c'est le même topo, il permet de produire un surplus d'énergie, tout en laissant certains composants à recharger par la suite (le villain acide lactique...qui n'est pas si méchant au final d'ailleurs).
Le moteur 1) lui est théoriquement maintenable sur des heures durant.
http://www.coachr.org/methodical9.jpg
ça c'était pour le rappel physio, et pour expliquer que certains types d'efforts font typiquement plus appel à certains moteurs: 1) sprint; 2) poursuite; 3) clm comme on n'est pas égaux en terme de matériel génétique ni d'environnement (entraînement), certains sont meilleurs à utiliser chacuns des moteurs que d'autres... Et on peut classer de manière croisée les coureurs à la fois selon leurs aptitudes à utiliser les moteurs, et également selon leur poids (un effort de 2-3min reste un effort de 2-3min pour le muscle, qu'il soit effectué en côte (redoute) ou sur piste (poursuite)...dans les deux cas c'est typiquement de la glycolyse anaérobie à gogo, p.ex.)
Tout ça pour expliquer quoi?
Pour introduire la suite:
Le dernier moteur, aérobie (oxydation) nécessite donc de l'oxygène. Dans ce cas, le corps \"brûle\" des substrats, qui peuvent être variés: sucres, graisses, protéines (quantitativement minime, quoique). Selon l'état des réserves, l'intensité et la durée d'effort, les pourcentages issus de chacune de ces sources varient. De manière simplifiée, plus l'effort est intense plus on utilise du sucre (en faisant l'appoint à partir des graisses), mais les réserves de sucres sont limitées à environ 2h (durée indicative, selon le débit ça change) et donc la part d'utilisation des graisses augmente également avec le temps. En se présentant au départ avec des réserves de sucres limitées (par une récupération incomplète de la veille p.ex.) on aura également moins d'essence dans le moteur et fera appel aux graisses de manière plus précoce. Ceci est important dans la mesure où le rendement d'utilisation des sucres pour la production d'énergie est meilleur que celui des graisses. Plus vous tapez dans le sucre, plus vous pouvez aller fort.
C'est là qu'est la partie intéressante: certains parlaient \"d'envoyer la purée\" ou de \"compte-tour\"... Ceci correspondrait à un effort maximal sur p.ex. 50min avec l'utilisation de glucides à donf (car chargés de manière optimale)...
On comprend bien toute la notion d'usure préalable: en se présentant au pied de son effort \"chrono\" avec des réserves altérées, on favorisera les coureurs aptes physiologiquement à tirer une bonne efficacité de l'utilisation des graisses, tandis qu'avec des stocks de sucre (le glycogène) optimaux, d'autres coureurs seront avantagés...
Quand vous parlez d'heures selle plutôt que de cols initiaux, je pense qu'il faut plutôt parler d'heures à puissance donnée. Toute la question est de se demander ce qui au final demande le plus de puissance: 2h de plat dans le peloton (Voigt avait balancé ses données de puissance, il était à 250W de moy sur les 4h de plat avant un Ventoux) ou 2h de col escamoté... Pas de réponse, ça dépend du degré d'escamotage...
Mais dans tous les cas, 2h de plus c'est 2h de plus... avec les calories dépensées qui vont avec, et qui devront être comblées nutritionnellement d'ici au lendemain.
En ce qui me concerne, je pense que le plus gros challenge serait un Tour varié, avec des étapes marathon (en pleine ET en montagne) histoire de laisser des séquelles puis le lendemain des étapes courtes et nerveuses (type 140km avec un Ventoux à la fin). Vraiment poser un challenge énergétique au corps avec un jour à dépenser 9000kcal et le lendemain 5000kcal \"seulement\"...
Défaillances à prévoir sous ce format, certainement plus qu'avec des organismes habitués à empiler les journées régulières (21 jours à 5000kcal tout comme 21jours à 9000kcal d'ailleurs) car ça pose un défi physiologique intéressant...
De même, un clm court de 15-20km (technique) pose un défi tout différent qu'un long à très long de 50-75km (de plus en plus un challenge énergétique), surtout si placé au lendemain d'une étape marathon...
Pour toutes ces raisons, oui les étapes marathon ont un intérêt pour la course, et ASO a vraiment fait une erreur de s'en passer car en rendant le défi physiologique plus homogène, elle va limiter la majeure source de défaillances actuelle liée aux réserves de glycogène épuisées.
Sur ce, merci pour ceux ayant lu jusqu'ici, je retourne à mon affûtage pré-marathon (dimanche) et à ma thèse en physiologie.