Et oui, l'incertitude est honnie. Tout doit être réglé, programmé et automatisé. Dans le sport comme dans la vie quotidienne. Les supporters se satisfont des succès prévisibles de leurs équipes, les dirigeants aussi, les financiers aussi - des mécènes qui ne sont pas des philanthropes et qui refusent le risque de perdre de l'argent -, et les diffuseurs qui veulent des stars et des paillettes. D'accord pour une belle histoire, mais de temps en temps seulement; il ne faudrait pas gripper la belle mécanique.Ignatius a écrit :Oui mais cette incertitude du sport est honnie jusqu'aux supporters eux-mêmes. Il n'y a qu'à voir les réactions dès qu'un coureur perce (comme ici Dumoulin), dès qu'il y a une surprise on crie à l'arnaque, au dopage, on se dépêche d'analyser la "trajectoire", de considérer qu'elle doit être linéaire et progressive. On détermine le potentiel en terme de puissance exprimé en watts (comme des machines donc, c'est dire si le rationalisme et le déterminisme ont conquis jusqu'aux passions humaines). Les différents protagonistes et une hiérarchie sont donc définis avant même le déroulement de l'épreuve.Booze a écrit :
C'est exactement le même problème que dans le foot. Il y a de moins en moins d'imprévisibilité et de place pour les belles histoires. Le sport est réduit à une logique comptable. Les aveugles trouveront toujours un petit poucet pour glorifier la glorieuse incertitude du sport. Mais la vérité est qu'elle est un mythe. Nous ne sommes pas prêts de revoir un Ajax Amsterdam remporter la LDC. De plus, le niveau général du sport baisse forcément lorsque des joueurs ou coureurs de qualité cirent le banc ou tirent des bouts droits à longueur d'années. Les top team jouent de mieux en mieux; mais les compétitions se déroulent à double ou triple vitesse. Le niveau de certaines équipes de L1 est navrant et bénéficierait grandement du renfort de joueurs se contentant au même moment d'encaisser les euros lâchés par des mécènes lessivant leurs millions grâce au foot. Même si le cyclisme ne dégueule pas d'argent comme le foot, il est clair que la compétition est moindre désormais. C'est l'art du capitalisme libéral de reconstituer les monopoles prétendument honnis selon sa doctrine.
Pour cette raison, j'aurais aimé que Dumoulin remporte la Vuelta.
L'incertitude, la surprise sont de l'ordre du péché aujourd'hui. amafote:
La LDC est une horreur, l'incarnation de cette logique. Je regrette l'époque de la C1, C2 et C3. Ces compétitions avaient un sens, elles offraient une dramaturgie et surtout son format en élimination directe laissait espérer des surprises. Seulement voilà, c'était bien le problème. Les gros pouvaient sortir dès les premiers tours et adieu les revenus....Et puis, ils n'étaient pas assurés de participer tous les ans à la grande C1. Il fallait être champion ou vainqueur de l'édition suivante. Trop risqué.
Les médias aussi s'inquiétaient. Imaginez, on pourrait avoir des CSKA Moscou - Copenhague en quart de final ! Et nos audiences, crièrent-ils ! Les grands marchés de supporters - les Barça, Réal, Juventus, Manchester - disparaitraient prématurément ? Non, non, non.....Qui achèterait nos spots publicitaires ? Et à quel prix ? Les gros doivent aller au bout, coûte que coûte, et même si pour cela la Ligue des Champions rassemblent chaque saison plus de non champions que de champion. Même si cela doit se faire au prix d'une standardisation du jeu proposé et du sacrifice des différences footballistiques du continent européen - d'ailleurs déjà bien entamé par l'arrêt Bosman. Bosman, le petit qui fit l'affaire des Grands. Bosman, qui au nom de la défense de son droit individuel à la libre circulation, fur l'idiot utile du Marché. Trop dangereux l'élimination directe. Allez, hop ! formule championnat ! Donnons plusieurs secondes chances au gros. Monaco- Porto, c'était une catastrophe ! Un incident de l'histoire qui doit rappeler nos dirigeants à la plus grande vigilance.
Les organisateurs aussi tremblaient. Si les audiences baissent, qui nous achètera notre compétition ? Non, donnons aux supporters et diffuseurs ce qu'ils veulent ! Multiplions les matchs ! Assurons nos rentrées financières !
Le romantisme est mort. Tué par le calcul. Il n'y a plus de prise de risque. Il n'y a plus de panache. Il n'y a plus d'acceptation de la défaite, pourtant à la base de la pratique sportive. Le succès est imposé. Nécessaire à la bonne marche de l'économie qui pollue - bien plus que le sport - nos vies.
Nous voulons des coups sûrs. Il n'y a qu'à voir le succès de Tinder.