Comme vos retours sont sympas je vous colle ici le récit complet de la journée, envoyé aux copains donc pas vraiment destiné à un forum d'inconnus, mais bon lira qui veut...
Salut !
Comme vous êtes plusieurs à avoir partagé de près ou de loin la petite aventure cyclo-sentimentale d'hier, je me permets un petit (ou plutôt looong) mail collectif avec récit chronologique pour ceux qui souhaitent un peu + de détails et pour remercier encore tous les petits et grands soutiens reçus pendant cette journée !
4H : réveil après 3 heures de sommeil, un peu surexcité par la journée qui m'attendait, j'ai eu un peu de mal à m'endormir !
5H : départ de chez moi, avec déjà 20 minutes de retard sur le plan initial...
5H15-6H15 : première montée, dans la partie la plus difficile je pense halluciner en apercevant à la lumière de la frontale une grande banderole blanche avec mon nom ! Incrédule et hilare, je ne m'arrête pas car je sais que j'aurai l'occasion de la revoir ! Je reconnais là la patte d'Alice qui avait déjà glissé la veille dans ma boîte aux lettres 10 petits papiers à lire au début de chaque ascension. Plus tard je verrai quelques encouragements tagués sur la route -Alice again-, dont le plus mystérieux à l'entrée de Rochetaillée, je cite : \" T'e \" Chacun fera ses hypothèses au sujet de cette prose inachevée !
Première ascension bouclée en 50 minutes sans trop forcer, sachant que j'avais plutôt tablé sur 1H00/1H10 pour chaque montée, je me dis à ce moment là que je vais pouvoir facilement reprendre le retard pris au départ et voir même terminer avant la nuit prochaine... AH AH AH !
Première descente dans la nuit et le froid (5°) mais je suis bien équipé pour l'un comme pour l'autre, juste un peu peur de me faire couper la route par une bête sauvage, je n'en croiserai finalement qu'une pendant la journée : Raf.
6H30-8H : deuxième montée à peu près au même rythme, mais je me rends compte que je perds beaucoup de temps à me changer au sommet et à me changer en bas : lumières, gants, cache-col, veste chaude, veste réfléchissante, lunettes, alimentation, ça fait beaucoup trop de paramètres à gérer ! Plus les premiers textos de soutien qui arrivent et auxquels je m'applique à répondre car ils sont souvent accompagnés de questionnements inquiets... Mon optimisme quant à la possibilité de finir vers 19H se délite un peu...\"C'est pas grave, je finirai vers 20H ! Mais la prochaine fois, je prends une assistance logistique !\"
Deuxième descente avec le jour qui se lève, très chouette !
8H30-10H : Pendant la 3ème montée, la conductrice d'une voiture que je croise m'encourage et me crie \"allez Giorgio !\" Comme je ne la connais pas du tout, je comprends que l'article paru dans le Progrès samedi a été lu par au moins une personne ! J'aurai ainsi quelques autres encouragements d'inconnus tout au long de la journée et de la nuit, le dernier en pleine nuit juste avant la dernière ascension par une personne que j'aurai croisé au total 5 fois !
10H : un mec de France 3 m'appelle et me dit qu'une équipe arrive sur les lieux du crime. J'avais envoyé un mail aux médias vendredi et n'avait eu aucun retour de leur part, donc c'est plutôt une bonne surprise, même si l'essentiel était pour moi qu'il y ait au moins un \"média-témoin\"afin que Maria ait écho de l'initiative par ce biais. En tout cas ça me fait bien marrer de constater qu'ils s'intéressent à cette histoire.
10H05 : une fille de TL7 m'appelle et me dit qu'elle viendra sur les lieux du crime l'après-midi. Là je me dis que ça commence à faire beaucoup, mais enfin, on verra bien...
10H10 : un mec de Canal + m'app... non je déconne.
En attendant, la 4ème montée est difficile, le rythme se dégrade sérieusement, et le temps perdu à gérer les \"appels média prise de rendez-vous\" ne se rattrapera pas. \"C'est pas grave, je finirai vers 21H, mais la prochaine fois, je prends une attachée de presse !\"
11H : les deux mecs de France 3 débarquent pendant la 5ème ascension juste avant Rochetaillée, ils m'expliquent qu'ils vont me suivre en voiture pendant toute la montée... ok ! Me voilà à traverser le village avec devant moi un mec en train de filmer assis dans le coffre ouvert d'une voiture FR3... Pas mal de personnes interloquées (a priori tout le monde ne lit donc pas le Progrès) et moi super gêné d'être ainsi \"au centre de l'attention\", même si d'accord je l'ai bien cherché, je m'étais pas imaginé ça.
A ceux qui se demanderaient si pendant ces moments j'avais l'impression d'être Romain Bardet, je dirais plutôt que je me suis surtout senti Ghislain Lambert !
12H30 : 5ème ascension bouclée, le caméraman de France 3 assez relou qui me demande de faire certains trucs pour sa prise d'image (simuler un redémarrage, garder mon sac sur le dos quand je roule car les premières images étaient avec le sac -mais moi je voulais en profiter pour leur refiler pendant la montée!- ) mais le pire est à venir...
12H30-13H30 : Repas à l'Hôtel de France au Bessat... avec les deux journalistes de France 3 ! Si on me demande quel a été le plus dur moment de la journée, je dirais indiscutablement celui-là ! Mais c'est un peu injuste pour un des deux journalistes qui était plutôt sympa. Rencontre également avec Robert, correspondant local pour le Progrès avec qui j'avais rendez-vous depuis plusieurs jours. Mais je vais avoir l'occasion de vous reparler de lui !
13H30 : interview au sommet de la Croix de Chaubouret... les mecs pinaillent un peu à installer le matos... la pause de midi qui devait durer une demi-heure aura finalement duré quasiment 1H30... \"C'est pas grave, je finirai vers 22H, mais la prochaine fois, je viens avec ma propre équipe de tournage !\"
le reportage France 3 (il est évident que je décline toute responsabilité dans le choix de la bande-son...) :
http://france3-regions.francetvinfo.fr/ ... nt-etienne
(édition du 5 octobre)
14H : la fille de TL7 arrive au moment où les gars de France 3 s'apprêtent à partir (vous aurez bien compté, ils seront restés 3 heures !), elle me suit donc pendant la 6ème ascension , prend un peu d'avance et s'arrête dans les coins jolis pour faire des images, et bon elle s'adapte quoi, en ne me demandant pas de faire des pirouettes, j'apprécie !
A un des endroits où elle s'est arrêtée je l'aperçois de loin avec une autre silhouette à côté d'elle, je mets un peu de temps à le reconnaître, c'est Raf ! Il est venu en train + auto-stop de Roanne, il y a même sur le bord de la route la famille qui l'a pris en stop et à qui il a expliqué l'histoire, bref, une foule digne des virages de l'Alpe d'Huez, grande rigolade de nouveau !
Du coup Raf se fait trainer par la journaliste de TL7 jusqu'au sommet, il est même interviewé puis tourmenté d'avoir \"beaucoup balbutié et dit n'importe quoi\", alors qu'il a été super drôle comme vous avez peut-être pu le voir ! Au sommet nouvelle interview pour moi (en 2 minutes cette fois-ci...), et c'est reparti !
le reportage TL7 :
http://www.tl7.fr/le-journal-du-mercred ... -6220.html
(à 1'11\" et 13'50\")
15H30 : dans la descente en arrivant à Rochetaillée je retrouve une autre amie, Lætitia, elle aussi venue en auto-stop (oui contrairement à moi mes ami-e-s ont le permis, mais ils ne s'en servent pas ce qui prouve bien que ça ne me servirait à rien de le passer...), soutien moral idéal, petits gâteaux bios parfaits, on convient de se retrouver au sommet au bout de la 7ème montée, où Raf m'attend également...
17H : et ils auront eu besoin d'être patients puisque je ne rejoins Le Bessat que longtemps plus tard, le temps d'ascension tourne plutôt autour de 1h20 désormais, quelques douleurs aigües mal placées ont fait leur apparition ! Surprise en arrivant, le papa de Lætitia est là, il me dit en une phrase des mots tout simples qui me plaisent bien : \"je suis venu parce que j'ai trouvé ta démarche marrante et originale\", c'était exactement ça l'idée, se marrer et faire un clin d’œil original à Maria, je suis bien content que ça soit perçu comme tel !
18H : fin de la petite collation avec mes 3 \"convives\", que je laisse à regrets, je me dis que le restant va être moins marrant car plus personne pour tailler un bout de discussion sur le chemin. Je salue aussi la patronne de l'Hôtel de France qui a été vraiment super avec moi, me permettant de me délester sur deux-trois allers-retours des affaires dont je n'avais pas besoin quand il faisait chaud et jour, et m'offrant même mon repas de midi (qui n'était pas des cuisses des grenouilles comme pourrait le laisser penser le reportage de France 3, mais bien évidemment des pâtes !). J'étais monté au Bessat la veille (en vélo bien sûr !) pour me trouver un \"point de chute\", et j'ai vraiment eu du peau de tomber là-bas ! (non désolé, malgré la présence des mots \"chute\" et \"tomber\" dans cette phrase, il n'y aura ni gamelle ni sang dans ce récit !)
Un calcul rapide me fait réaliser que je risque de finir la 10ème ascension vers minuit, et de faire les 3 dernières descentes dans la nuit et le froid ! \"C'est pas grave, je finirai quand je finirai, mais la prochaine fois, je fais ça l'été !\"
18H30 : quelques centaines de mètres avant la fin de la 7ème descente, je croise un cycliste avec un vélo de baroudeur (sacoches devant et derrière !) et je me dépêche d'atteindre le carrefour du Portail Rouge pour essayer de le rattraper ensuite. J'y parviens à l'entrée de Rochetaillée, constatant ainsi avec satisfaction qu'il y a encore des personnes qui montent plus lentement que moi ! En discutant avec lui je découvre qu'il \"teste\" son vélo avant de partir dans quelques jours avec ses amis pour un grand voyage d'un an en vélo en... Amérique du Sud !! J'apprends aussi qu'il trimballe dans ses sacs une trentaine de pots de miel qu'il apporte à sa maman ! Donc son vélo doit peser autour de 30 kilos, ça explique pourquoi j'ai pu le rattraper aussi vite !! Thomas, car c'est son nom, est très sympa et on fait la montée ensemble, même si je dois l'attendre un peu -c'est pas plus mal de faire une ascension un peu \"en dedans\"- car je suis trop content d'avoir enfin de la compagnie cycliste à mes côtés !
Il fait nuit quand nous arrivons au sommet, j'hésite à lui filer une de mes lumières car il n'en a pas et doit encore faire une heure de route, mais j'ai trop peur qu'une des miennes me lâche et que je me retrouve en carafe. Je redescends avec un peu de culpabilité dans la musette, culpabilité renforcée au moment où je réalise que je n'ai pas partagé ma délicieuse tarte aux myrtilles servie pendant la collation de 17H avec mes 3 \"convives\". Constatant ainsi que ma lucidité à quelques heures de retard, je m'inquiète un peu des virages nocturnes à venir...
20H30 : début de l'avant-dernière montée ! Pour affronter la nuit et s'occuper l'esprit, je me réjouis de sortir mon MP3 que je n'ai presque pas utilisé de la journée, et sur lequel j'allais pouvoir écouter des chansons envoyées par ma sœur qui contiennent toutes...Maria dans la titre ;-)
Mais le mp3 a passé sa journée dans ma poche arrière et n'a semble-t-il pas apprécie mon humidité ni celle de la moyenne montagne, il est HS, merde ! Je décide donc d'essayer de chanter pour compenser, mais impossible car plus assez de souffle pour ça ! Bon bah tant pis, on terminera dans le silence et les hululements divers !
Mais c'était sans compter sur... Robert du Progrès ! Remontant de Sainté, il me rattrape à peu près à hauteur de la banderole et semble tout content de me voir (et moi donc!). Il me dit \"C'est la dernière ?\", et c'est un peu honteux que je lui réponds qu'il en reste encore une après !!
On essaye de faire une photo de nuit mais ça rend pas bien, il me dit qu'il trouve que j'ai encore un bon coup de pédale ce qui est gentil mais pas tout à fait exact ! Cela dit il est vrai qu'en restant quasiment constamment sur le 34x32 ou le 34x28 (ça c'est pour les connaisseurs !), les jambes tournent bien c'est clair, par contre ça va pas très vite !
On convient de se retrouver au Bessat pour une photo sous réverbère. J'arrive assez frigorifié, et s'inquiétant pour le prochaine descente, Robert et sa compagne Marie-Ange me proposent d'aller me réchauffer un moment chez eux et de me passer des vêtements secs. Ils me proposent également à manger, je dis que je ne suis pas sûr de pouvoir avaler grand chose et je bouffe finalement tout ce qu'ils me mettent à disposition. Et on discute pendant une grosse demi-heure de choses et d'autres, je découvre deux personnages très intéressants, Robert me parle de son groupe de musique d'influence...sud-américaine (!) et m'offre même leur dernier album ! Il m'a rien demandé mais je lui dois bien un peu de publicité, allez découvrir si vous ne connaissez pas (ils ont leur petite notoriété quand même !), c'est top :
http://www.losguarachas.com/
23H-1H00 : bien au chaud dans les vêtements de Robert, l'avant-dernière descente est \"tout confort\" et la dernière montée se fera en 1H20 bien que j'aie de plus en plus de mal à rester assis normalement sur la selle et surtout à me rassoir après m'être mis en danseuse. Raf m'a laissé son appareil photo pour que je filme l'arrivée mais il a oublié de me laisser des piles qui fonctionnent, pas très grave, ça y est, la decima !!
Je pleure un peu mais pas trop parce que sinon je vais avoir froid aux joues dans la descente, et c'est finalement aux pieds que je vais vraiment avoir super froid rendant les derniers coups de pédales un peu douloureux ! Je m'arrête quand même dans la descente, persuadé d'avoir vu dans un fossé un troupeau de lucioles magnifiquement brillants dans la nuit. Il s'agissait en fait de débris d'un panneau réfléchissant... dernière marrade !
1H30 : arrivée chez moi, longue douche chaude, je retrouve Maria sur Skype qui savait quand même que la déca-montée était ce jour là (mais qui ne sait pas qu'il y a des images...), je découvre qu'elle a essayé de m'appeler pendant la journée mais que j'ai raté son appel...dommage, j'aurais bien pris un peu + de retard encore !!
Les chiffres pour les amis cyclistes : 316km, 6026 mètres de dénivelé, 15 heures de vélo, moyenne de 21 km/h sur le vélo.
Pour relativiser la performance physique qui n'a rien d'exceptionnelle -je répète que n'importe quel cycliste à peu près entrainé serait capable de faire ça-, sachez que le record du monde de dénivelé en 24H est à 19 000 !
Voilà... si vous avez tout lu jusqu'ici vous êtes bien courageux ! Je mesure bien le risque qu'il y aurait de tomber dans un égo-trip un peu mégalo-exhibitionniste avec la médiatisation de cette petite histoire et surtout les nombreuses marques d'encouragements et de félicitations que j'ai pu recevoir, j'espère que ce récit n'apparaitra pas comme un symptôme de ce risque.
J'ai juste voulu partager au mieux les instants précieux de cette journée avec toutes les personnes qui s'y sont intéressées de très près ou de pas trop loin, et aussi me raconter l'histoire à moi-même, ça me permet d'ancrer les souvenirs, et parce que, sans comparaison aucune et juste parce que ça me fait plaisir de parler de lui, comme a pu écrire Cavanna : \"la main me démangeait\".
allez, c'est cadeau, merci encore à chacun et chacune d'entre vous :
\"J’ai eu une enfance merveilleuse. Oui, toutes les enfances le sont, mais celle-la? plus que c?a, beaucoup plus. Et je m’en rendais compte. Comment dire ? J’e?tais heureux et je me regardais e?tre heureux. Je me racontais mon bonheur. Je disais a? mes copains, les autres petits Ritals de ma rue : « Qu’est-ce qu’on se marre, les mecs ! Qu’est-ce qu’on a comme pot, nous autres ! » Les copains en e?taient bien d’accord. Ils n’y auraient pas pense? tout seuls, eux se contentaient de vivre, et a? pleines ma?choires, mais a? partir de la? eux aussi se sont regarde?s e?tre heureux, du coup ils l’e?taient encore plus, heureux. Je leur faisais le commentaire du match, en somme. Se regarder vivre et se la raconter, c’est la? tout le vice litte?raire. De?ja?. Un vice de naissance. Un jour, a? la biblio de l’e?cole, je suis tombe? sur La Guerre des boutons . Eh bien, voila?. C’e?tait c?a. Je raconterais notre guerre des boutons a? nous, tellement plus marrante, oh la? la?, dans le grouillement des ruelles a? Ritals et les immensite?s sauvage du Fort de Nogent. On rigolerait dix fois par page. Pour les e?pisodes cocasses et les anecdotes incroyables y avait qu’a? taper dans le tas... Picaresque, c’est le mot, je crois. J’en piaffais. La main me de?mangeait\"
François Cavanna