levrai-dufaux a écrit : 12 mars 2021, 09:00
Wald a écrit : 12 mars 2021, 00:57
Je pensais qu’il y avait déjà un topic dédié sur les performances extraordinaires.
J’ai d’ailleurs trouvé assez marrant le topic sur les accélérations phénoménales, les références étaient inquiétantes sur la probité.
Bref, je vais quand même suivre ce topic, mais vous ne trouvez pas étonnant qu’il y ait beaucoup de phénomènes en ce moment ?
Les Rasmussen, Ricco étaient moins fréquent auparavant et en plus ils n’étaient pas polyvalents, c’est la magie des nouveaux cyclistes venant d’autre sports ou du cyclo-cross.
Je ne suis pas d'accord avec l'idée, également relayée par Albator, selon laquelle il y aurait actuellement un nombre anormal de "phénomènes" au sein du peloton professionnel.
A mes yeux, il y a deux éléments bien distincts à distinguer :
1) l'émergence de plus en plus précoce au sommet de la hiérarchie de nouveau champions (Bernal, Pogacar, Hirschi...). Ce phénomène a des explications qui me paraissent très rationnelles à savoir : la réduction du kilométrage des étapes sur les courses par étapes et surtout l'emploi des nouvelles technologies d'entraînement à des âges de plus en plus précoces, permettant d'arriver aux coureurs à maturité bien plus tôt. On pourrait aussi ajouter comme troisième cause, plus discutable, à savoir que la filière principale dans laquelle évolue les coureurs aujourd'hui est celle du punch, de la puissance et de l'explosivité, et non plus l'endurance. On demande aux coureurs d'être capable de faire des efforts extrêmement violents et intenses mais sur des durées plus limitées. Seules les classiques flandriennes échappent à ce schéma de course et, sans surprise, on y retrouve moins des coureurs aussi précoces que sur les classiques pour puncheurs ou même les courses par étapes.
Pour être tout à fait clair, bien sûr que Bernal, Pogacar ou Hirschi sont impressionnants. Mais, à mes yeux, ce ne sont pas ce qu'on pourrait appeler des "phénomènes". Oui, ils sont très forts et nous ne sommes pas habitués à voir des coureurs aussi jeunes aussi forts. Mais ils n'ont plus qu'une très faible marge de progression. Ils sont déjà à leur top niveau. La particularité de ces coureurs n'est donc pas d'être plus "incroyables" que les champions des années passées mais d'arriver à maturité plus tôt.
2) le fait que des coureurs capables de briller sur des terrains très différents se mettent à exceller dans plusieurs registres, Van Aert étant sans doute l'exemple le plus marquant. Van der Poel et Alaphilippe rentreraient sans problème dans cette catégorie également. Mais, là encore, je ne vois aucun "phénomène", c'est-à-dire je ne vois dans aucun de ces coureurs une anomalie par rapport aux champions des années passées. Alaphilippe est un puncheur exceptionnel mais l'histoire récente du cyclisme n'en manque pas.
J'aurais même tendance à voir dans le retour au premier plan de ces champions complets un signe positif sur l'évolution du cyclisme. Jusqu'aux années 1990, les coureurs qui brillaient sur les courses par étapes étaient aussi ceux qui se disputaient la victoire sur les courses en ligne, à quelques exceptions (il y a toujours de bons classicmen qui ne passaient pas bien la montagne et inversement). Ce qui est plutôt une anomalie du point de vue de l'histoire du cyclisme c'est l'hyper-spécialisation de certains coureurs dans les années 90/2000. On va me dire que les époques sont incomparables et cela est vrai, mais sans remonter à la nuit des temps, un coureur comme Fignon dans les années 1980 pouvait jouer la gagne aussi bien sur les GT, que sur MSR, que sur Roubaix, que sur le GP des Nations ou une classique Ardennaise.
Enfin j'ajouterais au sujet de Van Aert et Van der Poel que beaucoup de choses sont fantasmés à leur sujet. Bien sûr, ils ont accompli des performances de premier ordre. Mais à ce jour, l'un comme l'autre, ne compte qu'un seul monument à son palmarès. Il y a quelques saisons, nous avions les mêmes discussions au moment où Sagan avait débarqué. Avec lui, la génération 90 était supposée tout raflée dans des proportions jamais vues. Finalement, Sagan et Quintana ont tous les deux accomplis une belle carrière et ont été des grands champions de la dernière décennie mais, ni l'un, ni l'autre ne resteront comme des phénomènes dans l'histoire du cyclisme. Ce que je veux dire par là, c'est que pour Van Aert et Van der Poel, il me paraît bien trop tôt pour parler de "phénomènes" à leur sujet.
A mes yeux, le seul coureur que je ferai entrer dans la catégorie "phénomène" est Evenepoel. Avec sa précocité, la fulgurance de sa progression et ses dons contre-la-montre, le parallèle avec Anquetil est trop tentant pour ne pas être fait.