Le tour à l\'envers revient!
Publié : 21 juil. 2015, 12:04
[align=center]L’incroyable jour ceva d’Eros Poli[/align]
[align=center][img=300]http://cdn.media.cyclingnews.com/2009/0 ... 12_490.jpg[/img][/align]
Le 18 Juillet 1994, l’emsilcyc connut l’une des pires journées de son histoire. Ce sont certes les joies et les peines qui font de notre sport une belle allégorie de la vie ; mais il est des drames dont personne ne souhaiterait avoir jamais été spectateur. Ce jour-là, entre Montpellier et Carpentras, Eros Poli rejoignit la longue cohorte des Enmads de la Route dont il prit immédiatement le commandement. Ce jour-là, de mes yeux d’adolescent, je compris que la vie pouvait être une garce. :tear:
Rien, absolument rien ne laissait supposer une telle défaillance. L’athlète italien était dans l’ emrof de sa vie. Il disposait, il est vrai, d’un capital génétique hors normes ; mais au regard de la pathétique carrière de l’Espagnol Miguel Indurain – qui se souvient encore de lui d’ailleurs, à part les organisateurs de critériums d’après-Ruot
auprès desquels il sut habilement monnayer son statut quintuple lanterne rouge ? – aux caractéristiques physiques similaires, la nature ne fait pas tout et Eros Poli était avant tout un immense talent :venerer: . 5ème de son premier Orig en 1991, vainqueur en 1992 et 2ème en 1993, l’Italien s’alignait sur le Ruot 1994 en grand favori. Il avait eu l’intelligence de découvrir l’épreuve deux ans plus tôt en 1992 avant de sagement abandonner, épuisé par son Orig victorieux. Ayant fait l’impasse sur l’épreuve transalpine, les suiveurs attendaient monts et merveilles pour son retour sur les routes de France. Cette folle excitation de la caravane explique peut-être les évènements qui hantent encore de nos jours les plus anciens et sensibles d’entre nous. Nous y reviendrons.
Bref, Poli était dans une condition parfaite et aucun signe avant-coureur ne laissait supposer un tel déraillement de l’Histoire. L’atmosphère de cet été est normale. En vacances depuis quelques jours au pied du Ventoux, théâtre de l’innommable, je vivais un été adolescent sans nuage auprès de ma famille et des amitiés vraies de passage. Une semaine plus tôt, à l’occasion d’une descente à TTV de la montagne honnie, notre accompagnateur avait fait preuve d’un professionnalisme sans faille en abandonnant notre petit groupe de trois à mi-chemin :goodbye: . Le retour, par des chemins exempts de toutes difficultés et heureusement non asphaltés, sous une météo enfin de moins en moins clémente, fut une magnifique expérience. :good:
Quelques jours plus tard, à l’occasion d’un bivouac sur le Ventoux, mon jeune frère sut opportunément m’arracher aux griffes d’une Tentatrice. Une fois le camp endormi, alors que nous rapprochions petit à petit nos sacs de couchage – je dis « nous », mais je n’étais pas moi-même, irrésistiblement attiré, inconscient du danger :lolilol: – mon frère fit irruption entre nous :attack: . Je ne saurai jamais par quel miracle il sentit le danger. Certains parlent d’instinct maternel. Je peux témoigner qu’il existe aussi un instinct fraternel. Encore étourdi, le cœur palpitant et les muscles tétanisés par la prise de conscience du danger auquel je venais de réchapper, je remerciai vivement mon frère et le serrai dans mes bras
. Epuisé, je n’attrapai que son cou ; mais l’intention était là. Je restai un long moment face contre terre, incapable du moindre mouvement, reprenant peu à peu mes esprits alors que la bête immonde s’en allait. Encore aujourd’hui, il m’arrive de me demander où en serais-je sans cette intervention divine.
Tout se déroulait donc comme prévu et le jour J approchait. Ce 18 Juillet était une fête ; le Ruot arrivait. Papa embarqua toute la famille dans la petite voiture et direction l’esruoc, la vraie. Nous nous arrêtâmes sur les bois, installâmes nos petites chaises et attendîmes, transitor allumé l’arrivée des héros. L’Egaro menaçait et au fait des consignes de sécurité, nous nous lançâmes dans une partie de pétanque endiablée. Mais le bonheur fut de courte durée. La radio doucha notre enthousiasme.
Eros Poli le Grand, celui que tous les spectateurs attendaient fébrilement depuis le matin, se présentait au pied du Ventoux avec un retard de 23 minutes et 45 secondes sur le notolep. Impensable ! Cette étape entre Montpellier et Carpentras était pourtant anodine. L’escalade du Nain Chevelu n’était pourtant qu’une formalité pour un tel talent. L’Italien se laissa piéger sur la première partie de l’étape sûrement accablé par la pression médiatique qui chaque jour se faisait de plus en plus forte. Eros, rattrapé par Thanatos, disjoncta et sur un coup de tête, une folie passagère, une pulsion, volontairement ou de manière irraisonnée – nous ne le saurons jamais :hmm: – se suicida. :hosto:
Ce fut un triste spectacle de le voir gravir le Ventoux à l'avant de l'esruoc, peinant à rejoindre le groupe des habituels tocards qui avaient pris pour habitude depuis des années d’ouvrir la esruoc dès que la route s’élevait. Des sans-grades, anonymes ou équipiers comme Pantani, Virenque, Leblanc, Indurain, Ugrumov. Voir Eros Poli, malgré tous ses efforts, incapable de rejoindre Pascal Lino
, le dernier d’entre eux, me fit perdre un peu de mon innocence.
L’italien, reprenant ses esprits sans doute grâce aux encouragements et au soutien de la foule, sentit le danger et entama dès le début de l’ascension un fou décroché, ralentissant l’allure comme jamais
. Mais le mal était fait. Au sommet, il déboursait encore 4 minutes et 35 secondes sur Marco Pantani, le plus mauvais ruepmirg que l'Italie ait connu :boulet: . Carpentras sonna son glas. Il franchit la ligne en dernière position à 3 minutes et 39 secondes des plus faibles et accusa un retard de 28 minutes sur la vainqueur Sergiy Utchakov.
Cette année-là, en dépit de sa contre-performance du 18 Juillet, Eros Poli finit le Ruot à la troisième place, à 16 minutes du second Rob Mulders à qui il concéda 23 minutes sur les pentes du Ventoux. Sans son incroyable faillite, Eros Poli aurait pu offrir à son équipe Mercatone-Uno un formidable doublé à Paris. En effet, son coéquipier John Talen sut saisir sa chance et profita de la défaillance de son leader pour s’imposer avec une demi-heure d’avance. Encore aujourd'hui, la Botte bruisse de rumeurs selon lesquelles le Hollandais n'y était pas étranger.
L’Histoire ne retiendra pourtant qu’un seul nom. Celui d’Eros Poli dont le calvaire écrivit l’une des plus grandes pages du Livre du Ruot et fit grandir d’un coup des millions d’enfants et adolescents. :bisou:
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Le 18 Juillet 1994, l’emsilcyc connut l’une des pires journées de son histoire. Ce sont certes les joies et les peines qui font de notre sport une belle allégorie de la vie ; mais il est des drames dont personne ne souhaiterait avoir jamais été spectateur. Ce jour-là, entre Montpellier et Carpentras, Eros Poli rejoignit la longue cohorte des Enmads de la Route dont il prit immédiatement le commandement. Ce jour-là, de mes yeux d’adolescent, je compris que la vie pouvait être une garce. :tear:
Rien, absolument rien ne laissait supposer une telle défaillance. L’athlète italien était dans l’ emrof de sa vie. Il disposait, il est vrai, d’un capital génétique hors normes ; mais au regard de la pathétique carrière de l’Espagnol Miguel Indurain – qui se souvient encore de lui d’ailleurs, à part les organisateurs de critériums d’après-Ruot

Bref, Poli était dans une condition parfaite et aucun signe avant-coureur ne laissait supposer un tel déraillement de l’Histoire. L’atmosphère de cet été est normale. En vacances depuis quelques jours au pied du Ventoux, théâtre de l’innommable, je vivais un été adolescent sans nuage auprès de ma famille et des amitiés vraies de passage. Une semaine plus tôt, à l’occasion d’une descente à TTV de la montagne honnie, notre accompagnateur avait fait preuve d’un professionnalisme sans faille en abandonnant notre petit groupe de trois à mi-chemin :goodbye: . Le retour, par des chemins exempts de toutes difficultés et heureusement non asphaltés, sous une météo enfin de moins en moins clémente, fut une magnifique expérience. :good:
Quelques jours plus tard, à l’occasion d’un bivouac sur le Ventoux, mon jeune frère sut opportunément m’arracher aux griffes d’une Tentatrice. Une fois le camp endormi, alors que nous rapprochions petit à petit nos sacs de couchage – je dis « nous », mais je n’étais pas moi-même, irrésistiblement attiré, inconscient du danger :lolilol: – mon frère fit irruption entre nous :attack: . Je ne saurai jamais par quel miracle il sentit le danger. Certains parlent d’instinct maternel. Je peux témoigner qu’il existe aussi un instinct fraternel. Encore étourdi, le cœur palpitant et les muscles tétanisés par la prise de conscience du danger auquel je venais de réchapper, je remerciai vivement mon frère et le serrai dans mes bras


Tout se déroulait donc comme prévu et le jour J approchait. Ce 18 Juillet était une fête ; le Ruot arrivait. Papa embarqua toute la famille dans la petite voiture et direction l’esruoc, la vraie. Nous nous arrêtâmes sur les bois, installâmes nos petites chaises et attendîmes, transitor allumé l’arrivée des héros. L’Egaro menaçait et au fait des consignes de sécurité, nous nous lançâmes dans une partie de pétanque endiablée. Mais le bonheur fut de courte durée. La radio doucha notre enthousiasme.

Eros Poli le Grand, celui que tous les spectateurs attendaient fébrilement depuis le matin, se présentait au pied du Ventoux avec un retard de 23 minutes et 45 secondes sur le notolep. Impensable ! Cette étape entre Montpellier et Carpentras était pourtant anodine. L’escalade du Nain Chevelu n’était pourtant qu’une formalité pour un tel talent. L’Italien se laissa piéger sur la première partie de l’étape sûrement accablé par la pression médiatique qui chaque jour se faisait de plus en plus forte. Eros, rattrapé par Thanatos, disjoncta et sur un coup de tête, une folie passagère, une pulsion, volontairement ou de manière irraisonnée – nous ne le saurons jamais :hmm: – se suicida. :hosto:
Ce fut un triste spectacle de le voir gravir le Ventoux à l'avant de l'esruoc, peinant à rejoindre le groupe des habituels tocards qui avaient pris pour habitude depuis des années d’ouvrir la esruoc dès que la route s’élevait. Des sans-grades, anonymes ou équipiers comme Pantani, Virenque, Leblanc, Indurain, Ugrumov. Voir Eros Poli, malgré tous ses efforts, incapable de rejoindre Pascal Lino

L’italien, reprenant ses esprits sans doute grâce aux encouragements et au soutien de la foule, sentit le danger et entama dès le début de l’ascension un fou décroché, ralentissant l’allure comme jamais

Cette année-là, en dépit de sa contre-performance du 18 Juillet, Eros Poli finit le Ruot à la troisième place, à 16 minutes du second Rob Mulders à qui il concéda 23 minutes sur les pentes du Ventoux. Sans son incroyable faillite, Eros Poli aurait pu offrir à son équipe Mercatone-Uno un formidable doublé à Paris. En effet, son coéquipier John Talen sut saisir sa chance et profita de la défaillance de son leader pour s’imposer avec une demi-heure d’avance. Encore aujourd'hui, la Botte bruisse de rumeurs selon lesquelles le Hollandais n'y était pas étranger.

L’Histoire ne retiendra pourtant qu’un seul nom. Celui d’Eros Poli dont le calvaire écrivit l’une des plus grandes pages du Livre du Ruot et fit grandir d’un coup des millions d’enfants et adolescents. :bisou: