Je souhaiterais rebondir sur le post de ToxinoMan, en esperant ne pas me faire pourrir. Je vais essayer de faire tous les efforts possibles pour ne pas qu’on pense que je viens faire du cycliste-bashing alors que ce n’est absolument pas mon but.
Dans l’exemple de Toxino, je vais etre clair sur un point: le type sur qui il est tombé est horrible, infâme, et ne mérite aucune excuse.
Mais je pense voir dans ce que décrit Toxino un souci qui doit peut-etre échapper à tous les pratiquants réguliers qui font du vélo de maniere un peu intensive. Ce qui n’est effectivement pas mon cas: quand je fais du vélo, c’est uniquement pour me balader, en mode cool quoi. Mais j’imagine tres bien que, sans meme se croire sur un entrainement en mode prépa pour LBL, les pratiquants intensifs doivent vouloir rouler de maniere un peu intensive quand meme, rouler à un niveau assez élevé, et ne pas vouloir devoir trop ralentir ici ou là, autant que c’est possible. Je ne dis pas qu’ils roulent comme des dingues, mais simplement que leur façon de rouler et d’envisager leur utilisation de la route est sans doute influencée par des biais dont ils n’ont pas forcément conscience.
Et c’est notamment ce que je voulais dire à On3, meme si on aura sans doute du mal à se comprendre: j’ai tendance à penser que le « cycliste intensif » pense parfois (et donc peut-être souvent, voire tout le temps, selon les personnes) selon son propre jugement, selon son envie, selon sa vision de la situation, selon ses objectifs, selon ce qu’il pense de la bonne application du code de la route ou de ce qui serait le plus intelligent à faire (vous vous souvenez qu’on s’etait tapé 30 pages sur « vaut-il mieux rouler à droite ou milieu sur autoroute? ») etc...
Et que, ce faisant, le « cycliste intensif » peut tres bien se tromper ou meme avoir tout autant raison/tort que l’automobiliste dans une situation donnée parce que sa vision des choses sera bien differente de la vision de l’autre. Le cycliste peut aussi prêter des intentions à l’automibiliste qui ne sont absolument pas les siennes....et que l’inverse est donc tout aussi vrai. Et que cela peut mener à des prises de risques, à des situations dangereuses où le cycliste, meme s’il est ou se croit dans son bon droit, fait peut-etre une erreur du simple point de vue (vous allez me detester.......) pragmatique.
Histoire d’etre plus concret, si je reprends deux elements expliqués par Toxino:
- Toxino se met au milieu de la route
- Toxino explique qu’il n’y a aucun interet pour la voiture de le doubler car le mec va reperdre du temps par la suite et meme se faire dépasser
Dans le premier cas, Toxino dit qu’il en a le droit.
Dans le second, Toxino explique la cohérence de son raisonnement.
En aucun cas je ne remets en cause ni le droit ni le raisonnement de Toxino, ils sont parfaitement valables.
Mais, en le lisant, je ne peux m’empecher (non pas pour emmerder mon monde mais dans le but d’envisager au mieux une situation qui oppose deux personnes et qui me semble plus complexe que ce qu’elle peut laisser penser) d’imaginer ce que peut imaginer/vivre/ressentir l’automobiliste derriere lui, et ce que j’aurais fait si j’avais été à la place de Toxino.
En l’occurrence, le type en question etait un sale type (ou un sale automobiliste si vous preferez), mais avant de s’y confronter, Toxino ne pouvait pas le savoir. Imaginons donc que le gars derriere est un gars cool.
Eh bien, malgré sa coolitude, j’imagine sans peine qu’un automobiliste moyen peut tres bien trouver agaçant, voire provocant (quand bien meme ce n’est absolument pas l’intention de Toxino) de rouler au milieu de la route. En ce qui me concerne, parce que je n’ai aucun objectif de performance ou d’allure à respecter, et parce que je sais que 97% des automobilistes moyens détestent rouler en 2eme derriere un vélo, parce que je sais que je ne ferai jamais le poids contre une bagnole, je vous avoue que jamais, je dis bien jamais, je ne me mettrai au milieu de la route, quand bien meme j’en ai le droit. Parce que dans la situation de Toxino, je me dis (et ce n’est qu’un avis personnel) que j’ai beaucoup plus à perdre à faire cela qu’à faire en sorte de laisser passer le mec qui semble s’enerver de plus en plus derriere moi.
Concernant ce que décrit Toxino sur le pourquoi il se met au milieu, sur l’enchainement des portions qui fait donne tout son sens au choix fait par Toxino: encore faut-il etre certain que l’automobiliste connaisse le coin aussi bien que Toxino. Si c’est un touriste ou autre, celui-ci n’a peut-etre aucune espece de connaissance de la route qui suit, et donc de l’inutilité totale de doubler Toxino à cet instant. Là aussi je considere que c’est une erreur de penser à la place des autres car je pars du principe que l’autre va justement avoir une évaluation (meme si elle est erronée) personnelle et possiblement tres differente de la mienne. En l’occurrence, et parce que j’ai peut-etre un rapport plus exacerbé que la moyenne à la prudence et au danger, je vais faire exactement le contraire de Toxino, en essayant de me demander ce que peut bien se dire le gars derriere et d’adapter mon comportement en fonction du danger et non pas en fonction du droit, ou de ce que j’estime etre le plus cohérent pour continuer à rouler à bonne allure.
En poussant un poil plus loin, j’imagine meme tout un tas de types derrière leur volant: le fou dangereux, le mec qui fonce à l’hopital, le mec bourré/défoncé, le mec pas bien dans sa tete, le mec qui vient de se faire virer/larguer, le mec qui ne va pas bien/qui est perturbé par un truc qui lui parait bien plus important que le droit du cycliste devant lui etc....Je ne dis pas que tous ces gars ont plus le droit de faire ce que le type a fait à Toxino, je dis juste que ça fait tout un tas de possibles situations où plein de gars vont peut-etre se dire « mais bordel qu’est-ce qu’il fout au milieu de la route? Pourquoi il ne roule pas à droite? Je vais plus vite que lui, qu’il me laisse passer bon dieu. Le ferait-il un exprès, veut-il me montrer ainsi sa virilité? Etc etc.... »
Tout cela me pousse vers une utilisation du vélo sur les routes en mode ultra prudent, ultra humble, ultra poli. Quand je monte sur mon vélo, je laisse tout mon égo de côté et je mets la sécurité comme priorité à ma sortie.
Enfin voilà, c’est peut-etre parce que je ne fais jamais de sortie un peu intensive que je peux envisager de sortir avec cet etat d’esprit. En lisant Toxino, je me suis dit que les « cyclistes intensifs », parce qu’ils ont envie de rouler, de se faire plaisir, de se faire un peu mal, de ne pas perdre leur allure en etant bêtement/injustement ralentis, ont peut-etre tendance à oublier que les automobilistes ont une tout autre approche de la route et de la cohabitation et que, ce faisant, ils interpretent mal les approches ou les intentions des gars derriere leur volant.
Cet aspect du « cycliste intensif » est d’ailleurs peut-etre le point central de ce débat: quand bien meme on en a le droit, il faut, je pense, avoir conscience que notre pratique est malheureusement tres atypique puisque nous pratiquons notre sport/notre activité physique intense sur un lieu absolument pas circonscrit à la pratique sportive. Pire, nous devons composer avec la presence d’objets de plusieurs tonnes roulant plus vite et dont le chauffeur moyen a les instincts primaires plus exacerbés que nulle part ailleurs.
Peut-etre que cette situation de cohabitation compliquée et un peu « contre-nature » comparée à un paquet d’autres pratiques sportives a tendance à biaiser notre façon d’envisager cette cohabitation.
Apres, je le répète, je suis quelqu’un de tres prudent, qui a tendance à etre beaucoup plus prudent que quiconque m’entoure. Et je ne fais jamais de vélo intensif, en tout cas je ne mets jamais l’intensité de mon effort avant ma sécurité.
Ca doit forcément jouer dans mon appréciation du probleme.
Esperant etre un peu mieux compris.