J’ai pas tout lu, mais je me demande si on n’est pas completement à côté de la plaque sur un point: GT/spectacle.
Meme si j’ai moi aussi des preferences au niveau du parcours (je voudrais au moins un tappone systematique, un vrai/je voudrais un gros clm en premiere semaine/je voudrais une troisieme semaine tres casse-pattes mais plus cette orgie « d’etapes-reines »), je me demande si on ne fantasme pas un peu sur ce qu’est/ce qu’a été/ce que devrait etre la course en GT.
Je me souviens que je m’echarpais gentiment avec Coalize qui fustigeait les courses d’un jour, disant que c’etait du gros bourrinage, en gros, alors que la course en GT, c’etait la
vraie course. Il considerait la course en GT comme une course basée sur la regulation de l’effort, sur la regularité, sur la récuperation, sur le controle et sur la defense. (Et il trouvait ça plus noble que la course en classique; je n’etais pas d’accord mais ce n’est pas le sujet et je le comprends malgré tout)
Alors, c’est sûr, c’est pas bien bandant sur le papier. N’empeche, je suis convaincu qu’il a raison, et que les leaders (attention, mazinho, assieds-toi et respire bien fort avant de lire ce qui suit...) ont raison de courir comme ils le font sur le Tour. Ca m’emmerde de le dire, mais ils ont raison!
Tout est fait pour qu’ils mettent le controle au coeur de la maniere dont ils courent: un GT, c’est 21 courses réparties sur plus de 3 semaines, c’est un investissement physique et humain de toute une année pour certains, ce sont des sacrifices comme on ne peut l’imaginer. Et d’ailleurs, je trouve ça un peu sadique de vouloir une etape pavée en troisieme semaine de GT dans le sens où ce serait tres tres moche de voir un leader, bien placé qui se sera défoncé pendant 3 semaines, aller crever ou s’eclater un genou sur une pavasse. Idem pour les Glieres cette année: ça me fait pas rever de voir un leader bien placé crever dans de l’énorme caillasse sur le final d’une 18eme etape. Certes, Porte est revenu, mais vous auriez kiffé de le voir prendre 2 ou 3 minutes sur une crevaison à cet endroit? Moi, j’aurais trouvé ça tres moche, nul (et pourtant, dieu sait que je le deteste, Porte - charlix, pas plus d’une semaine, le ban, stp
).
Le Tour, c’est THE course de l’année, avec la pression des sponsors et compagnie, et vous voudriez que les leaders envoient regulierement du reve à coups de tactiques folles?
Le Tour, c’est là où la concurrence est la plus incroyable, normal encore de ne pas se lancer dans des offensives quasi perdues d’avance (coucou Landa). Et quand bien meme certains romantiques/inconscients voudraient tenter leur chance, ils partent deja avec un desavantage car beaucoup ont rappelé ici à juste titre que les oreillettes et les srm honteusement acceptés en course ne vont pas faciliter la tâche des attaquants puisque les chasseurs auront tous les moyens de controle possibles et imaginables pour annihiler les quelques velléités à leur volonté de controle.
Concernant les oreillettes, je tiens à redire que, meme si je suis pour leur suppression, on verrait sans doute certains mouvements de course parfois aberrants ou enervants, car des mecs se rouleraient inevitablement dessus, faute d’information claire et rapide. Perso, je suis prêt à l’accepter, mais il faut en avoir conscience.
Dans le meme ordre d’idées, je pense qu’on fantasme pas mal les vieux GT où nos cerveaux ont tendance à croire que
c’etait vachement mieux avant. Non seulement je pense que ce n’etait pas forcément mieux avant, je pense meme qu’on devait pas mal s’emmerder parfois, mais la configuration des courses d’avant devait aussi accoucher de scenarios completement courus d’avance, et de GT où tout suspense etait tué dès la premiere semaine. Là aussi, je prefererais qu’on se batte à coups de minutes plutot qu’à coups de secondes sur un GT, mais je suis largement convaincu que tout organisateur veut absolument éviter cela aujourd’hui, mettant le fameux « la course est encore longue » au coeur de son objectif scenaristique.
Il ne faut pas oublier non plus que le cyclisme a changé, beaucoup changé et change encore tres vite aujourd’hui. La nostalgie et le romantisme (que je ne critique pas, bien eu contraire) nous font oublier qu’il se passait des trucs completement délirants auparavant, en tout cas qui nous appraitraient comme tel de nos jours, et que l’idee que l’on se fait du panache serait peut-etre à ranger du coté de la « bêtise » si on les reproduisait à l’identique aujourd’hui. Une image, peut-etre tout à fait banale, me revient en tete en repensant à tous les replays vintage que le confinement nous a offerts: sur l’etape mythique de Jaca/Val Louron, je revois Fignon revenir sur le groupe de poursuivants dans le faut-plat qui suit la descente du Tourmalet, il avait accumulé du retard et revient donc au prix d’une grosse descente. Revenant donc sur le groupe (à la chasse d’Indurain et Chiapucci), il les dépasse, se met en tete et continue de rouler à fond en tete de ce groupe, sans rien dire, sans rien demander à personne, pas meme à Leblanc, coequipier et maillot jaune, qui est en train de souffrir dans ce groupe. On ne verrait plus jamais ça aujourd’hui: le mec qui revient de l’arriere, soit il se met dans les roues pour récupérer, soit il contre tout de suite, soit il se renseigne auprès de son leader, mais jamais il ne poursuit son effort comme ça, le nez au vent sans demander son reste. Jamais.
Certes, il y avait sans doute beaucoup moins de calcul et beaucoup plus de prises d’initiatives individuelles. Mais il faut se rendre compte qu’on n’en est plus là aujourd’hui...et qu’on n’en sera plus jamais là. Enfin, à moins que veji arrive à convaincre l’UCI de reduire le nombre de coureurs par equipes.
C’est meme tout le contraire dans le sens où la force globale du peloton ne fera qu’augmenter, dans le sens où les ecarts intrinseques entre coureurs/leaders seront toujours plus reduits, là où quelques champions d’antan dominaient largement tout un peloton de lambdas (sans etre péjoratif).
Bref, tout est réuni pour que la course en GT, qui plus est sur le Tour, soit un gigantesque concours de controle et de defense. Il faut s’y faire, je pense.
Et quelque part, je remercie encore Coalize de m’avoir fait prendre conscience de cela: ça fait quelques années que je mets mes esperances de spectacle/fun/panache au plus bas avant un GT, je n’attends rien de special sur ce plan. Ainsi, je ne peux qu’etre agréablement surpris quand un SK attaque à 100 bornes de l’arrivée sur le Tour par exemple, je prends ce qu’on m’offre à chaque fois avec bonheur et ne suis du coup jamais deçu.
J’ai appris aussi à considerer et à apprécier la course par l’arriere (en cela, encore un grand merci au Jean-Paul Ollivier du forum, aka Akaion
)
Pour conclure, je ne suis pas contre quelques modifications (parcours, technologies embarquées) mais je ne me fais pas d’illusions sur la portée de leurs effets sur le spectacle qui seront sans doute minimes.
Le salary cap et la reduction du nombre de coureurs par equipe seraient des mesures sans doute bien plus efficaces en terme de spectacle et de confrontations individuelles, mais il faudra bien plus de chiantise pour y arriver.
Le plus fun dans tout ça? On peste contre la chiantise et l’idée de controle total de la plus grande course du monde...alors qu’un gamin de 22 ans vient de la gagner à sa premiere participation, tout seul, sans equipe, en s’etant pris 1’30 sur bordure par une armada.
Sport de dingue