- 04 avr. 2020, 10:32
#3143670
Un peu de lecture:
A la déprime, Oliver Naesen impose le rire, le bonheur et ce zeste de folie qui en fait un être attachant autant qu’un coureur de talent. Théoriquement, le Flamand d’AG2R aurait dû être l’un des grands favoris du Ronde, ce dimanche. Le Tour des Flandres, il le disputera finalement, virtuellement. Avant, certainement, de suer sur son tracé à l’entraînement. Pour le plaisir, surtout.
Oliver, ce dimanche aurait dû être un jour sacré, celui du Tour des Flandres. Un Ronde que vous allez, tout de même, disputer dans une version virtuelle face à Van Avermaet, Van Aert ou encore Evenepoel, sur les trente-deux derniers kilomètres du monument. Comment appréhendez-vous ce rendez-vous un peu particulier ?
C’est top, sympa de le faire je trouve. C’est l’occasion de faire autre chose, aussi. J’ai déjà pédalé un truc du genre, une fois, mais il y avait pas mal de cyclos plutôt robustes qui m’accrochaient. Je pense qu’ils avaient triché sur leur poids… Cela dit, ce Ronde virtuel entre parfaitement dans ma philosophie actuelle, celle qui me pousse à essayer de m’amuser. À vivre en étant heureux, avec un bonheur réel malgré les circonstances. Je ne vais pas pleurer toutes les larmes de mon corps parce qu’il n’y a pas de « vrai » Tour des Flandres, ce dimanche. De toute façon, ça changerait quoi ? C’est comme ça, il est, au mieux, postposé et il faut faire avec. C’est ce que je ne cesse de me répéter. En fait, je suis déjà passé à autre chose.
Même si vous avez, ces derniers temps, tenu à pédaler les classiques comme si elles s’étaient déroulées. Un Milan-Sanremo en Belgique avec 366 bornes et douze heures sur le vélo il y a deux semaines, puis, la semaine dernière le Grand Prix E3.
C’est pour le plaisir, les kilomètres. J’ai réalisé la longue sortie avec un ami, Maxim Pirard (NDLR : champion du monde 2019 Gran Fondo) qui m’avait, depuis longtemps, demandé de le faire, mais ça ne se mettait jamais dans le calendrier jusqu’à présent. Ce type de sortie, c’est très long mais c’est loin d’être un super-entraînement. Dans une préparation pour les classiques, ce n’est pas utile. Donc, sur le coup, c’était plus pour se vider la tête, prendre du plaisir, ne plus entendre parler de coronavirus et penser, un peu, à Sanremo (NDLR : qu’il a terminé 2e l’année dernière). Cela dit, j’ai tout de même bien dormi après… L’E3, ce sont par contre mes routes d’entraînement. Des bosses que je fais très souvent. Et là, j’avais envie de le faire le vrai jour de l’E3, vendredi dernier.
Vous avez dû énormément penser à la course…
Oui, beaucoup. Déjà, à la base, Harelbeke, c’est mon premier podium sur les classiques (NDLR : en 2017 derrière Van Avermaet et Gilbert). Cette course est donc spéciale. Et puis là, à chaque secteur, chaque mont, j’y pensais. Du coup, j’y pensais à peu près tout le temps (rires). C’était agréable, dans un sens, mais aussi terriblement frustrant. Ça fait mal de se dire que c’est comme une occasion manquée…
En attendant de nouvelles dates pour les différents monuments qui, pour l’instant, ne sont pas annulés. Vous préférez les disputer plus tard dans la saison ou vous faites partie de ceux qui signeraient plutôt pour une annulation ?
La première catégorie, sans la moindre hésitation. Des classiques en fin d’année, c’est une énorme motivation pour moi. Je vais même aller plus loin, c’est ce qui me tient debout. Personnellement, je veux même bien disputer le Tour des Flandres le jour de Noël s’il le faut plutôt que de penser à une annulation. D’ailleurs, en fin d’année, je marche toujours très fort. Du coup, c’est même presque mieux. Enfin, j’exagère, là, mais disons que, quoi qu’il arrive, on doit attendre. Ce n’est pas si facile que ça de déplacer des courses dans le calendrier. Il faut que tout puisse suivre. Et si je n’ai pas trop de doutes concernant les équipes et coureurs, je peux comprendre que c’est plus compliqué pour les autorités, l’organisation, l’infrastructure dévolue aux VIP…
Vous roulez virtuellement le final du Tour des Flandres ce dimanche. Allez-vous, comme l’E3, le pédaler aussi « pour de vrai » un de ces quatre ?
Pas ce dimanche, en tout cas. Avec mon équipe AG2R La Mondiale, le planning établi est plus léger pour ce week-end. Mais un jour, je vais me le faire, c’est certain. Bon, pas de Anvers parce que ça ne sert à rien de s’enfiler les grand-routes alors que toutes les bosses du Ronde sont dans mon jardin. Autant garder le sourire non ? Si c’est pour suivre un schéma en mangeant l’Escaut, ce n’est pas très marrant. Pour mon plaisir, je peux faire cinq heures sur le vélo sur le tracé d’A Travers les Flandres. Et terminer premier… mais bon, si je ne gagne pas en étant seul au départ (rires). Cela dit, ce n’est pas ça que je vais écrire sur mon palmarès. C’est pour ça que je parlais, tout à l’heure, d’occasion manquée. Vous savez, j’ai vingt-neuf ans, je suis dans les meilleures années de ma carrière, dans la période qui est théoriquement la plus importante de la saison. Et là, je roule comme un cyclotouriste…
À trente-quatre kilomètres/heure lors de votre E3, tout de même…
Je suis dans mon pic de forme, il ne faut pas l’oublier. C’était programmé. Le travail, de décembre à février, tous les sacrifices, c’est censé payer maintenant. Du coup, rouler à 34 km/h, c’est comme des vacances (sourire). D’ailleurs, mentalement, je me sens un peu comme un cyclo. Tant qu’il n’y a pas de nouvelle échéance, ça ne sert à rien de trop pousser. Le Tour de France, qui serait la course de reprise, est encore tellement loin. Mais quand ? Dans douze semaines si tout va bien ? Du coup, pour le moment, pédaler une classique ou rester dans son canapé, c’est pareil au vu des prochains objectifs… Dans un sens, ce n’est donc pas grave mais, moi, je veux continuer à pédaler. La charge de travail n’est pas la même mais je suis toujours attentif à ce que je mange, par exemple. Surtout moi qui ai tendance à prendre très vite des kilos. Genre, le premier octobre, je suis à 71. À la fin du mois, à 80… Du coup, c’est aussi pour ça que je continue. Et pour m’amuser. C’est, je pense, la clé de tout.
Mais plus question de réaliser des sorties en groupe avec, notamment, Greg Van Avermaet, comme vous en avez l’habitude ?
Non, pas pour le moment, même si avec Greg, on reste en contact permanent. D’ailleurs, je l’ai croisé il y a peu. J’étais sur un pont, il passait en dessous. Du coup, on s’est arrêté pour discuter. Mais de loin, chacun sur sa route. C’est complètement surréaliste mais c’est comme ça.
Vous qui évoluez dans une équipe française, comment appréhendez-vous le fait de, en Belgique, toujours pouvoir rouler dehors alors que vos coéquipiers hexagonaux sont privés de sortie ?
En Belgique, nous avons cette chance, c’est certain. Je pense que ça doit être extrêmement compliqué à gérer chez nos voisins. Le vélo confiné, ce n’est pas du tout pareil. Tout le monde n’est pas capable de le faire. Le home-trainer, c’est bien, mais de temps en temps. Je vois, d’ailleurs, la différence entre les Belges et les Français au niveau des commentaires que j’ai lors de mes sorties, sur Strava (NDLR : application sportive). On voit, réellement, l’effet sur la santé mentale. Tous les Belges sont positifs, les Français plutôt fâchés. Cette réaction vient de la frustration, qui est d’ailleurs compréhensible tant ça doit être compliqué à gérer de ne pas pouvoir pédaler dehors. C’est ce que je disais, la clé, c’est de garder le plaisir…
A la déprime, Oliver Naesen impose le rire, le bonheur et ce zeste de folie qui en fait un être attachant autant qu’un coureur de talent. Théoriquement, le Flamand d’AG2R aurait dû être l’un des grands favoris du Ronde, ce dimanche. Le Tour des Flandres, il le disputera finalement, virtuellement. Avant, certainement, de suer sur son tracé à l’entraînement. Pour le plaisir, surtout.
Oliver, ce dimanche aurait dû être un jour sacré, celui du Tour des Flandres. Un Ronde que vous allez, tout de même, disputer dans une version virtuelle face à Van Avermaet, Van Aert ou encore Evenepoel, sur les trente-deux derniers kilomètres du monument. Comment appréhendez-vous ce rendez-vous un peu particulier ?
C’est top, sympa de le faire je trouve. C’est l’occasion de faire autre chose, aussi. J’ai déjà pédalé un truc du genre, une fois, mais il y avait pas mal de cyclos plutôt robustes qui m’accrochaient. Je pense qu’ils avaient triché sur leur poids… Cela dit, ce Ronde virtuel entre parfaitement dans ma philosophie actuelle, celle qui me pousse à essayer de m’amuser. À vivre en étant heureux, avec un bonheur réel malgré les circonstances. Je ne vais pas pleurer toutes les larmes de mon corps parce qu’il n’y a pas de « vrai » Tour des Flandres, ce dimanche. De toute façon, ça changerait quoi ? C’est comme ça, il est, au mieux, postposé et il faut faire avec. C’est ce que je ne cesse de me répéter. En fait, je suis déjà passé à autre chose.
Même si vous avez, ces derniers temps, tenu à pédaler les classiques comme si elles s’étaient déroulées. Un Milan-Sanremo en Belgique avec 366 bornes et douze heures sur le vélo il y a deux semaines, puis, la semaine dernière le Grand Prix E3.
C’est pour le plaisir, les kilomètres. J’ai réalisé la longue sortie avec un ami, Maxim Pirard (NDLR : champion du monde 2019 Gran Fondo) qui m’avait, depuis longtemps, demandé de le faire, mais ça ne se mettait jamais dans le calendrier jusqu’à présent. Ce type de sortie, c’est très long mais c’est loin d’être un super-entraînement. Dans une préparation pour les classiques, ce n’est pas utile. Donc, sur le coup, c’était plus pour se vider la tête, prendre du plaisir, ne plus entendre parler de coronavirus et penser, un peu, à Sanremo (NDLR : qu’il a terminé 2e l’année dernière). Cela dit, j’ai tout de même bien dormi après… L’E3, ce sont par contre mes routes d’entraînement. Des bosses que je fais très souvent. Et là, j’avais envie de le faire le vrai jour de l’E3, vendredi dernier.
Vous avez dû énormément penser à la course…
Oui, beaucoup. Déjà, à la base, Harelbeke, c’est mon premier podium sur les classiques (NDLR : en 2017 derrière Van Avermaet et Gilbert). Cette course est donc spéciale. Et puis là, à chaque secteur, chaque mont, j’y pensais. Du coup, j’y pensais à peu près tout le temps (rires). C’était agréable, dans un sens, mais aussi terriblement frustrant. Ça fait mal de se dire que c’est comme une occasion manquée…
En attendant de nouvelles dates pour les différents monuments qui, pour l’instant, ne sont pas annulés. Vous préférez les disputer plus tard dans la saison ou vous faites partie de ceux qui signeraient plutôt pour une annulation ?
La première catégorie, sans la moindre hésitation. Des classiques en fin d’année, c’est une énorme motivation pour moi. Je vais même aller plus loin, c’est ce qui me tient debout. Personnellement, je veux même bien disputer le Tour des Flandres le jour de Noël s’il le faut plutôt que de penser à une annulation. D’ailleurs, en fin d’année, je marche toujours très fort. Du coup, c’est même presque mieux. Enfin, j’exagère, là, mais disons que, quoi qu’il arrive, on doit attendre. Ce n’est pas si facile que ça de déplacer des courses dans le calendrier. Il faut que tout puisse suivre. Et si je n’ai pas trop de doutes concernant les équipes et coureurs, je peux comprendre que c’est plus compliqué pour les autorités, l’organisation, l’infrastructure dévolue aux VIP…
Vous roulez virtuellement le final du Tour des Flandres ce dimanche. Allez-vous, comme l’E3, le pédaler aussi « pour de vrai » un de ces quatre ?
Pas ce dimanche, en tout cas. Avec mon équipe AG2R La Mondiale, le planning établi est plus léger pour ce week-end. Mais un jour, je vais me le faire, c’est certain. Bon, pas de Anvers parce que ça ne sert à rien de s’enfiler les grand-routes alors que toutes les bosses du Ronde sont dans mon jardin. Autant garder le sourire non ? Si c’est pour suivre un schéma en mangeant l’Escaut, ce n’est pas très marrant. Pour mon plaisir, je peux faire cinq heures sur le vélo sur le tracé d’A Travers les Flandres. Et terminer premier… mais bon, si je ne gagne pas en étant seul au départ (rires). Cela dit, ce n’est pas ça que je vais écrire sur mon palmarès. C’est pour ça que je parlais, tout à l’heure, d’occasion manquée. Vous savez, j’ai vingt-neuf ans, je suis dans les meilleures années de ma carrière, dans la période qui est théoriquement la plus importante de la saison. Et là, je roule comme un cyclotouriste…
À trente-quatre kilomètres/heure lors de votre E3, tout de même…
Je suis dans mon pic de forme, il ne faut pas l’oublier. C’était programmé. Le travail, de décembre à février, tous les sacrifices, c’est censé payer maintenant. Du coup, rouler à 34 km/h, c’est comme des vacances (sourire). D’ailleurs, mentalement, je me sens un peu comme un cyclo. Tant qu’il n’y a pas de nouvelle échéance, ça ne sert à rien de trop pousser. Le Tour de France, qui serait la course de reprise, est encore tellement loin. Mais quand ? Dans douze semaines si tout va bien ? Du coup, pour le moment, pédaler une classique ou rester dans son canapé, c’est pareil au vu des prochains objectifs… Dans un sens, ce n’est donc pas grave mais, moi, je veux continuer à pédaler. La charge de travail n’est pas la même mais je suis toujours attentif à ce que je mange, par exemple. Surtout moi qui ai tendance à prendre très vite des kilos. Genre, le premier octobre, je suis à 71. À la fin du mois, à 80… Du coup, c’est aussi pour ça que je continue. Et pour m’amuser. C’est, je pense, la clé de tout.
Mais plus question de réaliser des sorties en groupe avec, notamment, Greg Van Avermaet, comme vous en avez l’habitude ?
Non, pas pour le moment, même si avec Greg, on reste en contact permanent. D’ailleurs, je l’ai croisé il y a peu. J’étais sur un pont, il passait en dessous. Du coup, on s’est arrêté pour discuter. Mais de loin, chacun sur sa route. C’est complètement surréaliste mais c’est comme ça.
Vous qui évoluez dans une équipe française, comment appréhendez-vous le fait de, en Belgique, toujours pouvoir rouler dehors alors que vos coéquipiers hexagonaux sont privés de sortie ?
En Belgique, nous avons cette chance, c’est certain. Je pense que ça doit être extrêmement compliqué à gérer chez nos voisins. Le vélo confiné, ce n’est pas du tout pareil. Tout le monde n’est pas capable de le faire. Le home-trainer, c’est bien, mais de temps en temps. Je vois, d’ailleurs, la différence entre les Belges et les Français au niveau des commentaires que j’ai lors de mes sorties, sur Strava (NDLR : application sportive). On voit, réellement, l’effet sur la santé mentale. Tous les Belges sont positifs, les Français plutôt fâchés. Cette réaction vient de la frustration, qui est d’ailleurs compréhensible tant ça doit être compliqué à gérer de ne pas pouvoir pédaler dehors. C’est ce que je disais, la clé, c’est de garder le plaisir…