blouss_ a écrit : ↑22 juil. 2019, 12:12
Richard a écrit : ↑22 juil. 2019, 09:30
Je ne pensais pas qu’il y avait encore des gens pour croire à ça et le relayer, surtout après ce qu’il a fait en une semaine.
Mais je vais me faire une raison je crois, on racontera n’importe quoi là-dessus jusqu’à la fin de sa carrière.
C’est dommage d’en rester à des souvenirs de 2013 et d’ignorer toute son évolution depuis.
Et pourtant, même toi, qui ne veut pas en démordre sur ce sujet, tu n'es pas toujours très clair par rapport à cela. Et s'il a fallu autant de temps pour se construire, c'est peut-être qu'il y avait une faiblesse à la base.
C'est vrai que me suis longuement interrogé ; je me suis déjà largement exprimé sur le sujet je crois, mais je vais tenter de rassembler ma position.
Déjà précisons au risque d'enfoncer une porte ouverte que le référentiel est un monde hautement compétitif de sportifs de haut niveau qui sont déjà la crème de la crème, à un niveau et dans un sport où personne n'est "faible mentalement" dans l'absolu.
Mais où par nature on est confronté au plus profond de soi-même de façon impitoyable.
Ceci posé, parlons "mental relatif" donc : je ne nie pas toute dimension mentale dans la trajectoire de Pinot.
Au départ, le jeune Pinot avait autant de qualités de base immenses que de failles béantes.
Et s'il a fallu autant de temps pour se construire, ce n'est certainement pas réductible à une prétendue faiblesse mentale à corriger.
Mais je passe sur les côtés "techniques", la croissance de l'équipe, etc. pour parler du caractère donc.
Par exemple, comme le dit son entourage, il n'est pas "né leader" : il a dû apprendre. Un peu comme un Zidane par exemple (toutes proportions gardées, mais c'est l'exemple qui me vient : c'est le joueur qui a fait l'homme, en raccourci).
Il n'est pas né non plus "tueur", quoique ça se discute, dans le feu de l'action...
Prenons sur un autre plan plus factuel : bien qu'hyper pro et consciencieux, il n'est pas dédié par nature à son métier jusqu'à l'obsession : ça lui a peut-être joué des tours, mais c'est aussi sans doute son équilibre, ce qui lui a permis de toujours rebondir, de savoir débrancher, et le fera durer. Il le dit, il a besoin d'être "au centimètre plus qu'au millimètre".
Tout ça, ce ne sont pas des faiblesses intrinsèques, ce sont des bases de départ, pas rédhibitoires, qui réclament juste du temps pour éclore.
Ensuite, il a été projeté très tôt dans la lessiveuse, alors que c'est un "animal sauvage", plutôt introverti, voire timide, sans doute très sensible, même s'il sait forcer sa nature et a appris à se blinder. Il a eu très jeune des grandes réussites et des grandes claques. Ça l'a servi vu d'ici, sans doute desservi/ralenti à l'époque. Il faut bien se rendre compte qu'il était au stade de la carrière de Gaudu aujourd'hui, en 2012-2013 ! Sauf que Gaudu arrive dans un contexte radicalement différent et est dix fois plus "abrité" pour continuer de mûrir.
Sa faillite de 2013 était autant psychologique que physique, tout a lâché. Mais ensuite, depuis 2014, qui peut attribuer avec certitude à un mental défaillant ses autres désillusions ? Alors qu'à chaque fois il y avait un problème de santé, de surcharge de calendrier et d'investissement qu'il finissait par payer, ou autre pépin ? Ou des limites naturelles (en chrono par exemple) ? Sur quelle course, quel fait de course a-t-il paru plombé par son mental et son mental seulement ? Le critérium international 2015, où il fait une erreur tactique, qu'on peut encore attribuer à la jeunesse ? (vengée l'année suivante) Et sinon ?
Pourquoi, surtout, lui colle-t-on à chaque raté l'étiquette "c'est le mental" alors qu'à mésaventure équivalente, on se contente d'accepter les limites ou fragilités des autres sans leur assigner cette faiblesse, pour la plupart ?
Pourquoi, sinon par persistance rétinienne, ou par "biais de confirmation" ? Encore récemment pour la bordure...
Je sais bien qu'il y a eu des attentes énormes, des déceptions traumatisantes, qu'il y a plein d'explications.
Mais ça n'empêche que cette présomption de faiblesse mentale est un truc lui a bien trop collé à la peau comme un sparadrap par rapport à la réalité de son caractère et de son évolution de coureur.
Attention, il ne s'est pas métamorphosé d'un coup après 2013, il a continué de mûrir comme leader, comme coureur, comme homme, dans son appréhension des évènements, des hommes, des situations de course. Je ne dis pas que ça n'a jamais joué, le poids des attentes, la pression qu'il se met, le sentiment de "devoir" scorer, mériter/récompenser la confiance de son équipe, saisir l'occasion, etc. Et il n'y a pas plus eu de déclic radical en 2014 qu'en 2018 à mon avis, c'est une lente maturation, non linéaire, avec des effets de seuil, des paliers franchis, pas uniquement mentalement, mais aussi, puisque tout s'imbrique.
Je ne suis pas béat, je ne nie pas bien sûr le statut à part du Tour, où évidemment toutes ses désillusions se sont agrégées en (ou sur ?) une certaine allergie à la course qui ne le mettait pas dans les meilleures dispositions : pour prendre les deux derniers ratés, en 2016 (objectif numéro 1) et 2017 (objectif numéro 2), il y est allé fatigué et sans conviction, voire avec des pieds de plomb, pour le résultat que l'on sait. On ne peut rien faire au Tour si on n'est pas gonflé à bloc au départ.
Mais dès 2018 il avait l'air d'avoir un peu évolué dans son approche, et finalement son absence forcée l'été dernier a achevé la mue de son rapport au Tour.
En-dehors du Tour, je ne nie pas non plus qu'il a progressé, que son exigence, son perfectionnisme, sa trop grande envie de bien faire aient pu lui jouer des tours, je n'écarte même pas non plus l'hypothèse de sa "somatisation" de la pression qui ajouterait à sa fragilité immunitaire, comme lui-même l'a déjà formulé, il s'est posé la question. Mais n'est-ce pas simplement la crainte de sa fragilité immunitaire ? l'oeuf ou la poule ? Qui peut le savoir ? J'observe que son approche un peu plus relâchée après avoir touché le fond, a donné la meilleure forme de sa vie depuis la fin de l'été/l'automne dernier. Mais là encore, est-ce parce qu'il est plus relâché qu'il est libéré, ou est-ce parce qu'il voltige sans pépin de santé qu'il est plus relâché ? J'observe aussi qu'il a gardé un bon niveau et un bon moral malgré des résultats frustrants cette année, ayant du mal à être à 100% une semaine entière, jusqu'au Dauphiné compris.
Je pense que la force déformante des clichés, des étiquettes, ainsi que son côté "livre ouvert" * râleur, franc du collier et mauvais perdant à chaud, ont très largement forgé cette caricature devenue injuste présomption de fragilité mentale.
Et je crois qu'en s'en libérant, il a puisé là-dedans une de ses grandes forces, au fond.
* alors que beaucoup de coureurs doutent, le cachent, biaisent, souffrent, dissimulent, se rassurent autrement...
J'observe aussi que dans la durée, malgré la gifle quasi-annuelle sur son plus grand objectif, il est sans doute le plus régulier/performant des coureurs de son profil sur la saison. Qu'il tourne bon an mal an à 5 victoires par an depuis 5 saisons, ce qui est énorme pour un grimpeur. Qu'à 29 ans il a déjà accompli ses rêves de coureurs, en tout cas les plus réalistes exprimés jusqu'ici, et qu'il peut maintenant "rêver plus grand". Et bien sûr qu'il est à l'orée cette semaine de quelque chose d'historique, peut-être.
Qu'est-ce que ce serait alors s'il n'avait pas de faiblesse mentale