La réserve de Groupama-FDJ sera à la fois une couveuse et un laboratoire. Une couveuse puisque Marc Madiot y élèvera ses poussins, de jeunes coureurs qui pourront à terme intégrer l'effectif de l'équipe World Tour. Un laboratoire parce que l'équipe Continentale adoptera un fonctionnement inédit et sera aussi chargée d'expérimenter pour son aînée de nouveaux matériels et de nouvelles techniques d'entraînement.
Au septième étage d'un magnifique immeuble parisien art déco des Champs-Élysées appartenant à Groupama (et destiné à devenir le siège de Nike Europe), le manager de Groupama-FDJ était presque au septième ciel, ce lundi. Radieux comme un pape le jour de Pâques, il trinquait à la réussite d'un bébé qu'il s'impatientait de porter sur les fonts baptismaux. « Cela fait tellement longtemps qu'on en avait envie, soupirait-il. Je ne rajeunis pas de vingt ans, mais presque... Je suis surmotivé. Avec cette équipe, on est en avance sur la réforme du World Tour (qui pourrait imposer à chaque formation World Tour de posséder une structure de formation au niveau Continental à partir de la saison 2020) et sur ce qui se fait ailleurs. »
Groupama-FDJ, qui dispose d'un budget d'environ 1,20 M€, comptera douze coureurs : onze jeunes de 18 à 22 ans (dont seulement quatre Français) auquel s'ajoutera un capitaine de route de 31 ans, Morgan Kneisky, qui secondera le directeur sportif, Jérôme Gannat, lequel débarque du club voisin du CC Étupes.
But de l'opération : « Aller chercher des jeunes plus en amont, explique Marc Madiot. On ne peut plus se permettre de finir la formation d'un coureur dans l'équipe World Tour. Les vingt-huit coureurs de la WT doivent absolument être extrêmement compétitifs. » Ce « centre de formation » aura pour tâche d'attirer les meilleurs jeunes (« Le but est que les jeunes veuillent venir chez nous, qu'on n'ait pas besoin d'aller les chercher », explique Jens Blatter, le manager suisse de l'équipe, ex-responsable de la très respectée BMC-Développement) et de les façonner pour qu'ils correspondent aux besoins et à la philosophie de l'équipe.
Plus que de détecter des champions, le but sera de former des équipiers. « On ne passera plus forcément professionnel sur son palmarès », dit Jérôme Gannat. « Il faut qu'ils sachent à quoi ils servent, insiste Madiot. Et on va essayer de leur inculquer l'ADN Groupama-FDJ, sur le plan de la performance comme sur celui de l'éthique. Je veux qu'ils soient tatoués Groupama-FDJ. »
La première cuvée, qui s'élancera sur les routes le 2 février prochain aux Boucles de l'Essor (« Le but est que l'équipe Conti couvre tout le territoire, aille là où l'équipe WT ne peut pas aller », dit encore Madiot), disputera essentiellement des épreuves françaises de catégories Élite ou Classe 2. Mais on la verra aussi au Baby Giro et sur quelques courses étrangères. Jens Blatter a recruté large : quatre Français, deux Italiens, un Britannique, un Néerlandais, un Slovaque, un Estonien et un Luxembourgeois. À l'avenir, on envisage aussi de recruter sur les autres continents.
Une équipe totalement localisée autour de Besançon
À 31 ans, le capitaine Morgan Kneisky a fini sa formation. Mais le triple champion du monde de l'américaine a été recruté pour encadrer les poussins. « Il parle parfaitement anglais, il a un double projet piste-route (il vise les Jeux de Tokyo 2020 en américaine avec Benjamin Thomas, membre de l'équipe Groupama-FDJ) qui nous intéresse parce qu'on va aussi faire travailler nos jeunes sur la piste et enfin il connaît bien les routes d'entraînement », dit Nicolas Boisson, l'entraîneur.
Parce qu'une des originalités du projet repose sur sa localisation. En signant leur contrat pro, les coureurs se sont engagés à résider dans un rayon de 20 km autour de Besançon, où sera basée l'équipe. « Pour la première fois, des coureurs vont vivre 365 jours par an au contact de leur structure professionnelle », savoure Marc Madiot. Des séances collectives viendront compléter le travail individuel et on tentera de nouvelles expériences d'entraînement. C'est aussi à Besançon que résident Fred Grappe, le directeur de la performance de Groupama-FDJ, qui a formé Boisson, et Jacky Maillot, le médecin de l'équipe.
Tout n'est pas gravé dans le marbre. L'équipe attend de faire ses premiers pas pour adapter la structure à ses besoins. « On ne s'interdit rien », répète Madiot. « On veut être les meilleurs chez les jeunes, une référence », dit encore Jens Blatter, qui raconte que lorsqu'il était à la tête de BMC Développement, il n'avait pas besoin d'aller recruter des coureurs. « Une heure après avoir levé les bras, le vainqueur de Paris-Roubaix Juniors m'envoyait un message pour me demander s'il pouvait intégrer ma structure », raconte-t-il. « Si un ou deux coureurs intégraient l'équipe WT, ce serait déjà une réussite », conclut Jérôme Gannat. En attendant, les jeunes de l'équipe Conti seront en stage avec leurs aînés de la World Tour dans quelques semaines.