Nonoms a écrit : ↑16 janv. 2018, 17:58
levrai-dufaux a écrit : ↑16 janv. 2018, 16:52
Pour moi, ce n'est même pas évident que Coppi soit "le plus grand cycliste italien de l'Histoire".
A mes yeux, Binda peut tout autant revendiquer ce titre.
Cela me paraît très subjectif de trancher (puisqu'il ne s'agit pas de comparer des palmarès) mais disons au moins qu'il y a match.
Sans Tour et sans Roubaix?
Oui, même sans le Tour !
Comme tu le notes dans ton très beau message sur Coppi, le palmarès n’est pas le bon critère pour comparer les champions d’une génération à l’autre. A l’époque de Coppi, le Ronde et la Doyenne étaient surtout belges ; à celle de Binda, le Tour était surtout franco-belge, malgré les victoires de Bottecchia.
Je pense qu’il faut bien avoir en tête que dans les années 1920, le Tour de France n’a probablement pas plus de prestige que le Giro, et sans aucun doute même beaucoup moins aux yeux d’un italien (quand bien même il aurait grandi à Nice comme Binda). Je dirais même que les années 20 figurent parmi les plus noires en termes de réputation pour le Tour de France. Desgrange est particulièrement agacé par la victoire de De Waele en 1929. Selon lui, les Alcyon ont « fait gagner un cadavre ». C’est d’ailleurs cet épisode qui conduira Desgrange à modifier la formule du Tour et à passer aux équipes nationales en 1930 afin de relancer l’intérêt de l’épreuve.
Pour finir sur ce point, je dirais qu’en ce qui concerne la seule participation de Binda sur le Tour de France en 1930, il faut se souvenir qu'il fut battu, non pas à la pédale, mais qu'il fut distancé en raison de deux chutes avant d'abandonner au milieu de l'épreuve pour se préserver pour les Championnats du monde (qu'il remporte cette année-là). Au départ du Tour, il était bien entendu le grand favori. La guerre était déjà déclarée avec les français avant même les premiers coups de pédales. Ceux-ci profitèrent d'une chute de l'italien pour le distancer de plus d'une heure au général. Victime d’une seconde chute, Binda perd de toute chance de bien figurer au général. Il décide de se retirer à Perpignan lors de la 10ème étape, mais mettra un point d’honneur à remporter les 8ème et 9ème étapes…
D’ailleurs, il ne faut pas s’y tromper, Henri Desgrange considérait à la fin de sa vie Binda comme le plus grand cycliste de tous les temps malgré son absence de victoires sur le Tour.
Maintenant, au-delà du Tour, je pense que les seuls critères sur lequel on peut conjecturer sur la grandeur de tel ou tel champion, c’est sur l’empreinte laissée et la domination exercée.
De ce point de vue, Binda est hors-norme, au moins au niveau de Merckx par la domination qu’il a exercé pendant près de 10 ans. Il était, et de très loin, le meilleur grimpeur d’avant-guerre. (Je me rappelle d’une intervention de biquet dans laquelle il mentionnait un bouquin qui détallait les performances d’extra-terrestre réalisées par Binda en montagne, peut-être pourra-t-il nous donner la référence s’il nous lit !)
Un bref rappel de quelques-uns de ses résultats qui m’ont le plus marqué : à sa première participation au Giro, à 22 ans, il remporte la course. Et pas devant n’importe quelle concurrence. Suivent Girargendo, Brunero et Belloni. Rien que ça !
L’année suivante, Binda est battu par Brunero et termine 2ème sur le Giro après qu’une chute lui ait fait perdre plus de trois quarts d’heure. Il doit se mettre au service de son équipier sur la suite de l’épreuve (remportant quand même 6 étapes sur 15). Ensuite, ça se passe de commentaires. En 1927 : il remporte 12 étapes sur 15 ! En 1928 et 1929, il écrase de nouveau la course (respectivement 6 et 8 étapes gagnées) au point d’être sifflé par la public italien pour sa trop grande domination ! Celle-ci est telle que les organisateurs du Giro lui offrent le prix du vainqueur de l’épreuve en 1930 pour… qu’il ne participe pas !
Je ne connais aucun cas comparable dans aucun autre sport. Et puis n’oublions pas qu’il était de nouveau parti pour gagner l’épreuve en 1931 avant qu’une chute le contraigne à l’abandon. Il pourrait très bien avoir 2 Giri de plus à son palmarès sans ces chutes…
Le sommet de la domination de Binda, c’est peut-être l’année 1927. Cette année-là, outre le Giro et les 12 étapes qu’il remporte, il s’adjuge les Championnats du monde, le titre national, le Tour de Lombardie, le Tour du Piémont, le Tour de Toscane, le Critérium des As, les 6 jours de Milan. Les seules courses qu’il ne gagne pas sont Milan San Remo et le Tour d’Émilie sur lesquelles il se classe… 2ème
La domination de Binda, on peut aussi la mesurer par les écarts sensationnels qu’il a parfois établi. Sur les championnats du monde de 1927, il distance de plus de 7 minutes ses poursuivants en l’espace de 30 kilomètres. Sur le Tour de Lombardie 1926, il l’emporte avec plus de 30 minutes d’avance. Ce sont des écarts simplement prodigieux, même pour la période.
Enfin sur l’empreinte qu’il a laissée, il faut se souvenir que beaucoup de contemporains de Binda estimaient qu’il était le plus grand coureur de tous les temps, y compris devant Merckx et Coppi. C’est notamment ce qu’ont dit de lui deux grands vainqueurs du Tour des années 1930, Antonin Magne et André Leducq. En ce qui concerne son style, Vietto disait de lui qu’on aurait pu lui mettre un verre rempli d’eau sur le tête qu’il n’en ferait pas tomber la moindre goutte en escaladant le Tourmalet ! Là aussi sa classe a traversé les générations, et ce n’est pas un hasard si son nom revient près de 100 ans après les exploits qu’il a accompli.