Alors, le documentaire est, brièvement, revenu sur les premières années Lotto, équipe créée en 1985 dans le but de former de jeunes coureurs belges (façon Sport Vlaanderen maintenant) à une époque où le cyclisme belge connaissant déjà un sérieux déclin par rapport aux années Merckx. Marc Sergeant était en quelque sorte un capitaine de route pendant 3 ans. Vers 1990, bien qu'officiellement toujours une équipe formatrice, l'équipe s'est nettement renforcée. Entre-temps, Peter De Clercq et Sammie Moreels ont fait leur début chez les pros, ainsi que Rudi Verdonck mais qui était de son propre aveu et à l'évidence même, nettement moins doué.
Peter De Clercq est passé pro en 1988 et directement visait le classement de la montagne du Tour de Suisse, ce qui faisait rire tous ses équipiers mais, au final, il a gagné ce classement, lui qui était tout sauf un grimpeur. C'est Peter De Clercq tout craché, le chasseur de classements annexes. Jean-Luc Vandenbroucke (qui ne l'aimait pas du tout, cela se sentait pendant le reportage) disait:
classement par points, classement de la montagne, il mélangeait tout. Du moment qu'il pouvait monter sur le podium, il était content. Mais pour un sponsor, c'est important.
Peter avait une boutade au sujet de son obsession des maillots distinctifs. Comme il était d'une famille modeste, ses parents n'avaient pas de machine à laver et il fallait laver ses vêtements à la main. Dès lors, il était intéressant pour lui de, tous les jours, recevoir un nouveau maillot bien propre qu'il ne fallait pas laver, en plus de la prime qui va avec. Un jour, il avait également remporter un sprint bonus sur une étape du Tour du Luxembourg, pour un mouton. Il voulait récupérer ce mouton chez lui. Braeckeveldt le prenait pour un fou. Le mouton a passé une nuit dans le bus et ils l'ont revendu.
Ensuite, Peter De Clercq a connu son jour de gloire lors de l'avant-dernière étape du Tour de France 1992 (quand c'était toujours possible):
https://www.youtube.com/watch?time_cont ... VcPpnYyTQs et aura porté le maillot à pois sur le Tour de France, notamment en 1994, pendant 17 jours. Il accuse d'ailleurs Virenque de lui avoir fait une offre pour le lui reprendre, offre qu'il prétend avoir refusé. Et il portait ce maillot à pois pendant le contre-la-montre par équipe. Il y avait alors une côte répertoriée dans les 5 derniers kilomètres environ. Pendant 30 kilomètres, Peter n'a pas relayé ses coéquipiers et une fois qu'arriva ladite côte, il a laché tout le monde, avec son maillot à pois. Jean-Luc Vandenbroucke était furieux. Sur les classiques, Peter De Clercq n'a jamais vraiment brillé si ce n'est au cours de ce Paris-Roubaix de 1991 où il fait partie des 6 coureurs qui se sont présentés en tête au Carrefour de l'Arbre où Marc Madiot a placé son démarrage décisif. Il y avait là également Wilfried Peeters (pas encore chez Lefevere), John Talen, Franco Ballerini et l'autre Lotto Hendrik Redant qui était parti seul mais rattrapé par le groupe sur crevaison. Peter terminera 13ième.
Sammie Moreels est passé pro en 1989, plus tard que Peter De Clercq parce qu'il n'était pas vraiment prolifique chez les amateurs du fait qu'il devait travailler car lui aussi issu d'une famille plutôt pauvre. Il était mécanicien dans les usines Volvo à partir d'aout 1985 (il allait sur ses 20 ans). Il dut dès lors arrêter un temps le vélo mais lui est revenu ensuite et devait alors s'entraîner jusque 22h30 tous les jours avec les phares, après le boulot. Le fait qu'il n'ait pas été prolifique en amateur ne signifie pas grand chose car dans ces rangs-là, la qualité prévalait. Il a gagné une étape du Circuit de la Sarthe en tant qu'amateur en 1988 dans une course "open", donc ouverte aux professionnels où il battait des coureurs de Système U ou Hitachi (et si je ne m'abuse, des coureurs de l'Est?), ce qui valait bien une vingtaine de kermesses, disait-il. Tout ceci, je ne l'ai pas découvert dans le reportage Belga Sport mais un vieux reportage de 1989 trouvé sur Youtube (en néerlandais):
https://www.youtube.com/watch?time_cont ... HQCUPslzN8
Cette interview suivait de peu ses premiers grands résultats chez les pros (souvenez-vous qu'il était néo-pro!): 4ième de la Flèche wallonne et 5ième de Liège-Bastogne-Liège. À ce sujet, Jean-Luc Vandenbroucke disait dans le récent reportage Belga Sport:
Je me souviens de ses résultats et je me souviens que je me suis dit: "maintenant, j'ai entre les mains un bon bon coureur, je dois tout faire pour le garder et qu'il reste dans l'équipe". Aujourd'hui, un jeune coureur, faire les mêmes résultats que Sammie Moreels, alors là, il aura des offres à gauche et à droite. Il va déjà pouvoir monnayer les prestations.
Jef Braeckeveldt:
Sammie Moreels avait une classe incroyable. Aujourd'hui, si un coureur fait 20ième de la Flèche wallonne et 15ième de Liège-Bastogne-Liège, on dit que c'est une grande vedette pour l'avenir. Lui, il faisait 4ième à la Flèche wallonne et 5ième à Liège-Bastogne-Liège et c'était tout ce qui a de plus normal. Et il était néo-pro.
Moreels est deuxième sur l'image ci-dessous. Il s'agit de cette Flèche wallonne. Son équipier Wim Van Eynde devant lui termine troisième derrière le regretté Claude Criquiélion et Steven Rooks. Marc Madiot dans le fond de l'image termine 5ième.
Ensuite, Sammie Moreels est, par exemple, 9ième du Tour de Lombardie de 1991 où il a manqué de peu la bonne échappée. Il remporte le Trophée Laigueglia en 1992 en alignant au sprint Andrea Ferrigato et Frédéric Moncassin, excusez du peu. C'est peut-être sa plus belle victoire.
https://www.youtube.com/watch?v=ucDatStINU8
Sur le Tour de France de 1992 il est battu par le surpuissant et surprenant Rob Harmeling de la TVM:
https://www.youtube.com/watch?v=i5Uom7Vg3_c&t=110s
Brièvement, le reportage est revenu sur le transfert d'Andreï Tchmil en 1994 et sur sa victoire à Paris-Roubaix. Il était sans doute le seul coureur Lotto a faire des résultats de 1994 à 1996 mais Peter De Clercq ne l'appréciait guère
Il était présent sur toutes les courses mais était aussi très exigeant. C'était un coureur très ambitieux. Il ne pouvait pas supporter que tu [ses équipiers] sois bon. S'il voyait que tu étais bon, il t'envoyait chercher un imperméable alors que le soleil brillait.
. Et puis donc cette fameuse saison 1995 où dès le début, les choses ont changé dans le peloton. Rudi Verdonck disait:
C'était comme si tout l'hiver, j'étais resté allongé sur mon divan et quand je retourne dans le peloton professionnel, je suis largué. Cela, ça serait normal. Et bien, c'est exactement ce que nous avions vécu. Nous ne le sentions pas spécialement mais nous étions bien constamment dans le rouge.
Les docteurs sportifs italiens ont transformé le cyclisme de folklore en science disait le présentateur du reportage. Le peloton semble s'emballer, soi-disant une conséquence de nouveaux schémas alimentaires et de l'entrainement par cardio-fréquencemètre. Mais il n'y avait qu'un seul cardio pour toute l'équipe et les autres équipes belges comme Collstrop ou Asfra ne pouvaient naturellement pas se le permettre au contraire de la Mapei GB (on nous montrait alors des images d'archives d'un stage de la Mapei avec Museeuw qui jouait avec son cardio. Je me souviens très bien de ce reportage-là. Museeuw nourrissait alors de sérieuses ambitions sur Milan-Sanremo).
Herman Frison admettait, cependant, qu'à ses débuts, on ne faisait pas trop attention à son alimentation. Ils n'était pas des poids légers. Le matin, ils mangeaient encore des steaks et spaghettis mais, en 1995, tout cela a été évacué. Peter De Clercq ajoute que c'était pareil pour les croissants. Jean-Luc Vandenbroucke se levait un quart d'heure à l'avance et retirait tous les croissants.
Bref, les coureurs Lotto sont abonnés aux dernières places des classements en 1995. Lors de Liège-Bastogne-Liège, Rudi Verdonck termine déjà hors-délais dans un gruppetto à 31'57" de Mauro Giannetti avec entre autres Alvaro Mejia, Edwig Van Hooydonck, Michel Dernies et Gilles Delion, alors qu'en 1994, il terminait encore dans les délais à "seulement" 19' de Berzin, l'année précédente.
Tout cela nous mène à ce fameux Tour de France de 1995 mais j'y reviendrai plus tard.