Mardi 6 août : Etape 4 – L'enfer du Nord (2ème partie)
Solesmes (59) – Orchies (59)
On continue toujours guidé par le carnet magique et l'orientation du soleil
Je repars après ma pause du midi, vers Arenberg
Arenberg est le secteur le plus exigent, mais ce n'est pas une finalité en soi. Ce n'est que le début de la course et je veux commencer sur de bonnes bases, comme si ma pause avait remis les compteurs à 0, comme si je n'avais pas 130kms derrière moi. Mais cette obsession, me donnant la concentration et la motivation nécessaires pour la suite, me fait faire une grosse erreur, je prends la déviation 2, et ne m'en rend compte qu'arrivé à Thiant, près de Denain. J'ai loupé 5,7 kms de pavés et raccourci mon parcours de 10kms ... Je m'en veux, mais pour ma défense, je m'applique à faire la totalité des secteurs sur le pavé et non sur le bas-côté. Donc voilà, on est pas à 10kms près
Arrivé, vers Denain, je me retrouve dans un passage sans intérêt, mais bizarrement, celui dont je me rappelle le mieux. Certainement parce que c'était là que j'avais rejoint le parcours de Paris-Roubaix lors de mon tour d'Europe, en arrivant d'Amiens. Je contourne la ville par une sorte de tangentielle, munie d'une piste cyclable qui me mène à Haveluy. Je m'applique à bien passer Haveluy, puis je me perds dans Wallers, en cherchant la trouée qui est à l'autre bout de la ville
J'arrive à la trouée avec une bonne heure d'avance sur ma tentative d'avril, je suis détendu, je n'ai plus qu'à "profiter", d'autant qu'il n'y a pas de promeneurs pour me déranger. Sauf qu'arrivé à l'entrée du secteur, en descente, où je tiens à prendre de la vitesse pour faire comme les pros, il y a un promeneur à droite sur la piste cyclable, son chien à gauche, et une laisse entre les deux
Je gueule "ATTENTION LE CHIEN"
, et voilà qu'il file se planquer derrière son maître. Pour paraphraser ce grand penseur qu'est Marc Madiot :
C'est pas une course de gentil. On a le droit à tout ce jour-là : mal rasé, dégueulasse, ordurier, c'est le jour ; pas aimable, con. Quand on arrive à être tout en même temps on a une chance d'y arriver
Donc après avoir mis quasiment tout à droite, je prends la première partie qui a été refaite à pleine vitesse. Les pavés qui étaient propres, bien alignés, bien que très espacés pour garder de la difficulté, ont vu leur jointure recouverte de terre/verdure depuis la course en avril. Mais ce n'est pas glissant et les secousses sont toujours aussi violentes. Les prendre est toujours une sensation particulière, que l'on a avec nul autre secteur. Je suis concentré à regarder les pavés sur lesquels je passe, pas plus de 2-3 mètres devant moi, si bien que je vois le tas de sable qui bloque l'accès à la deuxième partie in extremis
. Sans m'arrêter, quasiment tout à droite, je le contourne par la piste cyclable et vois que la restauration d'une deuxième partie du secteur à commencé, certainement pour 2020
Je me remets dans le secteur peu après, mais j'ai perdu ma vitesse. C'est comme si j'arrivais dans un nouveau secteur, l'effet du faux-plat descendant ne jouant plus. Je dois maintenant forcer, luttant en faisant du rameur avec mon guidon pour garder un gros braquet qui limite les secousses et me permet d'être efficace. Cela devient un peu comme les premiers secteurs pavés que j'ai fait ce matin
Je trouve un bon rythme et la longue séance de méditation/motivation précédent Arenberg a porté ses fruits : j'ai bien su dosé entre l'intention nécessaire pour garder un bon rythme et ne pas rester scotché dans les pavés (plus on va vite, moins on subi) tout en préservant mes mains (enfin, c'est relatif). J'arrive même à prendre des photos à la sortie du secteur
La fin de la trouée d'Arenberg
Je repars vers Wallers pour le secteur suivant, en restant sur une piste cyclable. Je passe devant ce muret où je m'étais arrêté lors de mes deux premières tentatives (moments de récupération que j'avais vécu intensément) et me motive en me disant que cette fois-ci, je n'ai pas besoin de faire de pause
Arrivé à Wallers, une nouvelle averse m'oblige à bâcher mon sac et j'hésite à mettre des couches supplémentaires pour me protéger le haut du corps. Mais c'est de courte durée, ce qui n'est pas facile à gérer
Je tombe ensuite dans les bouchons, et a une petite discussion avec un automobiliste m'ayant fait une queue de poisson pour rien. Madiot a dit d'être méchant, mais là pour le coup, mieux vaut ne pas que je reste discuter avec des gens bornés
Je me rends compte que je suis cramé, et que je vais mieux gérer le trafic (il est 16h, les sorties de boulot commencent) avec le ventre plein. En plus, je suis allé trop loin dans Wallers avec ces histoires de voitures qui me passaient et que je repassais entre chaque stop. Cela me rappelle aussi les risques que j'avais pris dans les descentes des Capi, avec l'euphorie de la fin de course lors de ma tentative de Milan SanRemo
Bref, demi-tour et je m'arrête donc 10 minutes prendre un sandwich, mange les frites et garde le reste pour plus tard. Je n'ai plus à me préoccuper de la nourriture jusqu'à demain, moi qui avait sérieusement pioché dans mes réserves de barres de céréales pour compenser la fermeture des boulangeries sur le début de parcours
Beuvry-la-forêt, lors de mon passage il y a 2 ans
Après avoir passé Pont-Gibus et le secteur d'Hornaing où j'avais cassé mon ancien vélo, je galère à trouver celui de Warlaing, mais trouve parfois les marquages de la course qui sont restés. Des PR fléchés en blanc qui me donnent un coup de pouce dans ma navigation
J'arrive enfin au secteur de Beuvry la Forêt, celui de Marc Madiot (retour du mode méchant
). Je trouve un cimetière, rentre et ressors en râlant de ne pas trouver d'eau. Une dame arrivant me dit que le robinet se trouve tout là-bas. Je la remercie en m'excusant, vais remplir mes 3 gourdes et repars pour ce secteur qui m'avait mis K.O. en avril
Je trouve que ce secteur est sous-estimé. 3 étoiles mais le pavé y est particulièrement mauvais, car planqué dans un sous-bois, et donc à l'ombre, humide, bref, pas un secteur pour les gentils. Je mets un point d'honneur à tout faire sur le pavé, même si c'était par moment limite, et que cette petite bande de terre sur la gauche me faisait les yeux doux
Je passe devant le stade de foot où j'avais lamentablement appelé mon frère au secours puis retrouve la grande route me menant au centre-ville d'Orchies
Et là je m'arrête pour manger mon sandwich sur un banc. La pression redescend, j'ai l'impression de revenir dans le monde réel et de reprendre mes esprits. Et je me rends compte que je suis dans un état de fatigue extrême et que j'ai pris un coup de chaud à hésiter entre les vêtements pluie et ceux d'été. Je m'arrose le visage (ce qui permet aussi de faire un brin de toilette
) puis vais prendre un diabolo (avec des glaçons s'il vous plaît) pour refroidir la machine. Je vais m'asseoir dans le bar, et reste là immobile comme un zombie. Un réflexe me fait passer le verre glacé sur le front
Puis je me connecte rapidement sur Facebook pour dire que je suis à Orchies, à 60kms de l'arrivée, et que ça va être compliqué. Il est 18h30