Le forum cyclisme des pratiquants et cyclosportifs. Pour tout savoir sur le matériel vélo, l'entraînement, la préparation des courses, les récits de vos exploits, ou encore ce qui concerne des outils comme Zwift ou Strava.
  • Page 32 sur 33
  • 1
  • 29
  • 30
  • 31
  • 32
  • 33

Avatar de l’utilisateur
Par AlbatorConterdo
#3102414
JFKs a écrit :
27 déc. 2019, 15:35
JohanMusée a écrit :
27 déc. 2019, 15:26
Malheureusement, il faut un peu attendre, le mécano n’arrive pas avant 9h30.
Sûrement un frontalier. :spamafote:
:rieur:
Avatar de l’utilisateur
Par Xav_38
#3102473
:applaud: :applaud: Super Compte rendu, merci. Très belle seconde étape :super:

Je n'applaudis pas par contre à la blague de JFKs :elephant: Ouais j'ai été frontalier durant 1 an :siffle:
Avatar de l’utilisateur
Par JFKs
#3104352
On dirait que le voyage de JohanMusée a tourné court et qu'il s'est enraciné dans le terroir haut-valaisan.

Avatar de l’utilisateur
Par JohanMusée
#3104638
J'étais en vacances :wink: , mais justement...

Tour de Suisse - 3e jour

Nuit merdique. Le Rhône, très tortueux à cet endroit, fait un boucan de malade. J’avais prévu les boules quies mais elle ne sont pas suffisantes. Moi qui attendait avec impatience ce « revival » de mes expéditions scoutes, je suis servi… Je suis pas certain d’avoir vraiment fermé l’œil de la nuit, ou alors très légèrement. A 5h30, j’en ai marre et je décide de remballer le bivouac. Après tout, plus je démarre tôt, plus loin je pourrai aller.
A 5h45, me voilà parti vers le pied du Nufenenpass, à 30km. Mais le truc, c’est qu’il faut d’abord y parvenir, au pied de ce col. En guise de déjeuner, je m’enquille 3/4 côtes de 1 à 3 km assez raides, suivies de faux plats. Bref, ça pique un peu au réveil. Le ciel est couvert, mais plus de doute, la montagne est là. La moyenne est très basse et je me dis que j’ai bien fait d’écourter la nuit. Après 25km, je m’arrête à une boulangerie histoire de maximiser mes réserves avant le col. Le coin est embrumé et les habitations faites de bois foncé ne font rien pour limiter ce côté sombre. Mais il est encore tôt et j’espère que le soleil fera son apparition pour la montée.



Le col culmine à 2.478m et présente une pente moyenne toute mignonne de 9% pour un petit 13km depuis. Je suis pas du genre à avoir peur des pourcentages, au contraire j’adore ça, mais avec le poids des sacs, j’appréhende quand même un peu. Surtout, je sens les jambes un peu dures de la veille.
La route se calme un peu pour les derniers km jusqu’au pied, dernier répit avant les choses sérieuses.

Au pied, la route est assez large. La pente tourne autour des 8% et un replat m’attends au bout de 3km, ça promet pour la fin… J’ai l’impression de grimper au ralenti, mais je contrôle au maximum mon effort. Pour le moment ça se passe plutôt bien. Le replat arrive et, bizarrement, j’ai plus de mal sur celui-ci. Il s’agit d’une longue ligne droite le long de laquelle je me fais doubler par plusieurs voitures de luxe. Il faut dire que la route est superbe, même si encore complètement embrumée. C’est donc sans avoir pu profiter du replat pour récupérer que j’attaque la seconde partie de l’ascension.



Là, je commence à réellement souffrir. La pente oscille entre 9 et 11% sans jamais laisser de répit. Pourtant, je double un cyclo qui, au vu de ses mollets, ne doit pas avoir beaucoup de kilométrage cette année. Le pauvre semble au bout de sa vie. Je ne dois pas être dans un état bien meilleur et, à 3 km du sommet, enfin au-dessus des nuages, je baisse pavillon et mets pied à terre pour plus qu’une photo. Le temps de revoir le pauvre cyclo passer devant moi et de lui envoyer quelques encouragements au passage, qu’il me rendra lorsque je le dépasserai quelques centaines de mètres plus loin. Les derniers km ne sont pas plus faciles que les précédents et pourtant, je commence à y prendre beaucoup de plaisir. Je n’ai pas l’impression que l’altitude coupe mon souffle et la douleur est plus dans les jambes que dans l’effort. Par contre il fait de plus en plus froid et venteux. C’est tout de même avec soulagement et satisfaction que j’aperçois le sommet. Je décide de me restaurer à l’auberge qui s’y trouve. Je n’ai fait qu’une quarantaine de bornes mais la journée a déjà bien été remplie.

Au sommet, le soleil tape aussi fort que le vent souffle. Il fait 4° et j’enfile un maximum de couches pour affronter la longue descente vers Airolo. Fini l’Allemand, bonjour l’Italien. Au premier virage en épingle, je manque de me prendre pour un cerf-volant avec le vent et le changement de direction. Les conditions s’améliorent au fur-et-à mesure de la descente et je reprends petit-à-petit confiance. Il faut dire que c’est agréable de voir les km défiler au compteur après le parcours du début de journée… En plus, le soleil est là et le décors est somptueux ! C’est avec une douce euphorie que je passe les villes et villages aux noms italophones : Airolo, Brugansco, Quinto, Faido,…
Pour ne rien gâcher, le vent me pousse. Je ne vois plus le temps passer et c’est avec déjà 7h30 de route, pauses comprises, et seulement 105 km au compteur que j’atteins Biasca, où je décide de m’arrêter pour un bon plat de pâtes.







En haut il faisait froid, en bas il fait très chaud. Je suis redescendu à 320m d’altitude et profite du WIFI du restaurant pour donner des nouvelles à ma famille. Je vérifie la météo pour la suite du parcours qui m’indique que le vent ne sera plus avec moi pour les 40 prochains km mais qu’il devrait re-souffler dans le bon sens vers le San Bernardino… Quelques brefs calculs optimistes et me voilà entrain de contacter une warmshowers de l’autre côté de ce dernier. La réponse est rapide et positive : ce sera donc deux cols pour moi au menu de la journée ! Au diable la raison, mais j’ai intérêt à ne pas trop traînasser si je veux profiter d’une bonne douche ce soir.



Sur le chemin de Roveredo, des panneaux m’indiquent Lugano, me ramenant à ce qui est jusqu’ici le plus beau souvenir vélo de ma vie (avec Paris-Roubaix 2.000) : les Championnats du Monde 1996. « Mijn laatste wedstrijd als prof », disait Johan de ces Championnats. Quel souvenir pour l’enfant que j’étais, qui passait de l’idée de ne plus voir son idole courir, à celle de le voir arborer la tunique arc-en-ciel pendant un an ! Le coussin du canapé de mes grands-parents doit encore se souvenir des torsions nerveuses que je lui imposais à mesure que le sprint final contre Giannetti s’approchait. Ces pensées m’empêchent de me braquer sur le vent qui souffle de face. Mais comme prévu, une fois Roveredo derrière-moi, c’est avec un léger vent de dos que j’aborde l’approche du pied du second plat de résistance du jour : le San Bernardino, que j’aborde avec 150 km dans les pattes. J’espère encore aborder la descente de ce dernier avec une belle clarté.

Le San Bernardino, c’est un peu différent du Nufenenpass, mais c’est pas mal dans son genre. Depuis Lostallo, c’est 31,30km à 5,26% de moyenne avec des maximas à 10%. Comme ça, ça paraît assez doux bien que très long, mais dans la réalité, il est assez irrégulier. Les 7 premiers km sont en vérité un faux plat un peu fort, et la pente ne commence réellement à se raidir qu’à l’approche Mesocco. A partir de là, il se présente en 3 portions montantes de 6 à 8km séparées par des petits replats. La première est la plus raide, la pente ne descendant que très peu en-dessous des 8%, la seconde un peu plus douce avec un 7% de moyenne vers le village de San Bernardino et la troisième assez facile vu de loin avec ses 6% mais c’est sans compter les 25km de col qu’on s’est déjà tapé. Il y a 1.645m de dénivelé de Lostallo, qui se situe à 420m, jusqu’au sommet à 2.065m. Deuxième grand col et deuxième passage à plus de 2.000m de la journée, donc.

La première partie, comme attendue, est compliquée. J’ai du mal de mettre de la force dans mon pédalage alors que je suis sur le plus petit développement. A certains moments, je rêve de laisser mon chargement sur le côté et voir ce que donnent mes jambes sans ces kilos qui me pèsent. La traversée de Mesocco sur une route pavée n’aide pas à trouver son rythme. Plusieurs convois de camions militaires me doublent et c’est en me demandant clairement si j’aurais pas dû arrêter ma journée plus bas que j’atteins le premier palier. Sur le replat, j’aperçois un petit jardin avec deux personnes âgées et je m’arrête pour leur demander à boire. Ils ne pètent pas un mot d’anglais ni de français et c’est au bout d’une conversation improbable qu’en plus de l’eau, j’obtiens l’autorisation d’un passage aux toilettes pas du tout demandé mais dont je profite tout de même. Je les quitte sans qu’ils ne quittent leurs regards un brin circonspects. Pourtant ils doivent en voir passer des cyclos, mais c’est vrai qu’il commence à se faire tard et que le col est encore long.
Le second palier est très régulier et le petit % en moins de moyenne me permet de trouver plus facilement mon rythme. Je suis dans le dur mais ça passe plus facilement. Enfin, c’est ce que je pense jusqu’à ce que des crampes me tirent les cuisses. D’un coup, impossible de continuer de pédaler. Je m’arrête, je regarde mon gps pour vérifier où j’en suis exactement et c’est avec soulagement que je vois qu’il ne me reste plus qu’une rampe jusque la petite descente vers le village de San Bernardino ! Cette dernière se fait, un peu honteusement, à pied. Arrivé au sommet de cette deuxième section, j’étire mes cuisses dans tous les sens posssibles histoire d’éliminer ces crampes. Je vais toujours tenter de grimper la dernière partie uniquement le cul sur la selle et on verra comment ça tient.
Et ça semble tenir ! Même s’il me reste encore une quarantaine de km depuis le sommet jusqu’à mon point de chute, dans ma tête l’arrivée est au sommet. Le reste ne sera qu’une très longue descente. Je ne sais pas si c’est un stade de fatigue particulier qui me donne cette impression où le décors fantastique dans lequel je me trouve mais les sensations font que s’améliorer. Il faut dire que cette dernière partie est plus douce et que ses 6% de moyenne très réguliers conviennent beaucoup mieux à un vélo si lourdement chargé. J’oublie la menace des crampes et m’inquiète plus pour mes réserves en eau. Mes bidons sont presque vides et j’espère trouver de quoi les remplir au sommet. C’est d’abord avec circonspection que je découvre le sommet avec son auberge déjà fermée. Heureusement, je trouve un camping-car stationné derrière et un couple de jeunes gens fort sympathiques qui me remplissent mes gourdes et m’offrent même de manger un bout. Malheureusement, je dois décliner. Le soleil se couche et, si le spectacle au sommet est magnifique, j’aimerais bien ne pas faire trop tarder mon hôte. Que je préviens d’ailleurs par téléphone de mon heure d’arrivée assez tardive. Ça fait un gros 14h que je suis en route et j’ai fait 175km.







La descente aussi envoie du pâté, avec un colimaçon vertigineux qui me permet de m’amuser questions trajectoires. Après 35km de montée, 40km de descente ne fait pas de mal.



Malheureusement, j’ai un souci avec mes transmissions et, une fois ce joli passage en zig-zag, mon vélo ne veut plus rester sur le gros plateau. Pas très pratique pour une descente. Le soleil s’est couché et je boucle ces derniers 40km dans l’obscurité en un peu plus de 1h30. Certains villages traversés sont particulièrement mignons et tellement typiques qu’on se croirait parfois dans un parc d’attraction. Malheureusement, la pluie fait son apparition et me rappelle qu’il ne faut pas traînasser. Un dernier petit mur à grimper et, après 215 km, me voilà dans le hameau de Donat, sur les hauteurs Zillis. Je trouve vite la maison de ma warmshower où je reçois un accueil très chaleureux.



Douche - histoire de découvrir qu’une tique de merde m’a accompagné toute la journée sous l’aisselle -, chouette discussion avec mon hôte autour d’une pizza et un gros dodo. Je suis exténué et je compte bien profiter du fait que je puisse faire la grasse mat’. Tant pis pour le timing prévu, je viens de faire 3 étapes en 2 et je commence à comprendre que c’était tout à fait inutile : :green:

Recap’ du jour :
215,22 km
11h22 de selle
4.034m de dénivelé positif
Dernière édition par JohanMusée le 07 janv. 2020, 12:20, édité 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Par JohanMusée
#3105012
C'est Giornico dans le Tessin. Il y a bien 3 églises dans ce village selon Wikipedia, mais sur la photo je n'en vois que 2. Tu connais?
Avatar de l’utilisateur
Par JohanMusée
#3105393
Suisse – 4e jour

Après une bonne nuit de 10h, c’est dès le saut du lit que je remarque que mes genoux sont en vrac. Un regard à la fenêtre pour voir que ça pleut pas pour du rire dehors et me voilà au top de ma motivation pour me bouger… Je regarde vite la météo prévue sur mon parcours afin de me rassurer un peu et ça fonctionne. La pluie devrait cesser après une 40aine de km et, avec un peu de chance, je verrai même un peu le soleil en fin de journée. Je tente de me rassurer en me disant qu’aujourd’hui, le parcours prévu est beaucoup plus calme que la veille. Histoire de me donner une carotte, je décide de m’offrir un vrai bon déjeuner/dîner dans une grosse boulangerie au premier gros bled sur ma route, à savoir Thusis, à une dizaine de km de là.
Je m’habille vite fait et je profite d’être à l’abri pour tenter de régler ce foutu dérailleur qui ne veut plus se mettre sur le gros plateau. Avec une journée essentiellement plate, ça pourrait vite être chiant de tout faire sur le petit plateau. 2/3 chipots plus tard, ça à l’air de fonctionner. Au pire, je m’arrêterai chez un vélociste.

Bordel ça pleut ! Et bordel je sens mes genoux bizarrement faibles. A Thusis, je suis déjà détrempé et je décide définitivement de ne me fixer aucun objectif pour la journée. Ça sera en fonction des sensations et de l’envie. Je m’arrête presqu’une heure à Thusis et il est déjà midi passé quand je repars, toujours sous la pluie.
La route vers Coire est fort fréquentée et loin d’être jolie. C’est le premier coin auquel je ne trouve pas vraiment de charme par lequel je passe depuis le début. Mais Google Street View m’avait prévenu et tant mieux que la drache de la journée tombe sur cette partie-là. Un mal pour un bien.
Au bout d’un petit 30km, je trouve le Rhin et c’est après que une quarantaine de km que je traverse Coire, où je m’arrête chez un vélociste pour régler ce problème de plateaux qui s’est d’ailleurs remis à déconner au bout de 20km. Les gars pètent pas un mot d’anglais ni de français et sont sympathiques comme des portes de prison. J’espère qu’ils sont bon réparateurs tout de même.

Bref, c’est assez impatiemment que je quitte Coire pour retrouver des routes plus petites, plus jolies et moins fréquentées. Il fait toujours gris mais la pluie s’est fort calmée. Direction les vignobles du Rhin et la bordure de frontière du Liechtenstein.
Et, comme prévu, les routes redeviennent belles. Entre châteaux ou monastères perchés sur des pics en bord de montagne et vignobles, je profite de l’environnement malgré la grisaille. Par contre, dès qu’une côte un tant soit peu consistante se présente, je sens toujours cette faiblesse étrange dans mes genoux avec laquelle je me suis réveillé. Heureusement que je n’ai plus de col HC à me taper aujourd’hui…





Juste après les hauteur de Bad Ragaz, je descends pour une courte section le long du Rhin. A cet endroit, le Liechtenstein se trouve à 20m, juste au milieu du Rhin. Je me demande si ce ne serait pas plus judicieux d’y ouvrir un compte que de pédaler. Le coin est déjà beau comme ça, il doit juste être fantastique en plein soleil !



Une brève pause dans un village nommé Sargans et direction le lac de Walenstadt qui, si j’en crois Google Image, ressemble un peu à un décors Disney. J’ai 70km au compteur mais il est déjà presque 17h. J’ai hâte de voir le lac mais j’appréhende un peu.
Depuis le début du voyage, question état et rendement, les routes sont dingues. Même les chantiers ne ressemblent pas à des chantiers. Certes, à part Lausanne, je n’ai pas vraiment traversé de grandes villes, mais je ne me souviens pas avoir eu une bordure à sauter en pleine piste cyclable, ou toute autre joyeuseté de ce type qu’on rencontre tous les 200m dans les villes wallonnes ou à Bruxelles.

A Walenstadt, je passe au supermarché histoire de me manger un bon bout avant la soirée et de refaire les réserves en ravito. Je me pose sur un banc en bord de lac et j’apprécie le moment. Le ciel s’est dégagé et il fait assez doux. Mais j’appréhende la route sur les bords du lac qui me mènera sur les hauteurs. Lorsque c’est plat, aucun souci, mais dès que ça grimpe, il y a cette sensation bizarre aux genoux. Particulièrement en danseuse. Et les bordures du Walensee et son Kerenzerberg ont l’air bien raides par endroits.

Par contre, je n’arrive de nouveau plus à passer gros plateau. Je n’ai encore fait que 85km depuis Zillis et ça n’aide pas à avancer. Après 10km à longer lac, voilà la grimpette qui commence. Je ne veux surtout pas forcer sur mes genoux et j’avance comme un escargot. Je pédale surtout avec mes cuisses. La côte ne fait « que » 4.5 km pour 7% mais certain passages, surtout au début, sont assez raides. Soulagement au sommet où je profite d’une vue magnifique sur le lac. Les peines ont souvent des récompenses…





La barre des 100km est franchie et c’est parti pour une descente suivie d’une très longue portion de 40km quasiment plate comme la main du bout du Walensee jusqu’au bord de l’Obersee. Le soleil se couche je me mets comme objectif d’au moins atteindre ce dernier avant de chercher un spot où dormir. Arrivé là-bas, j’aviserai. Parce que je sais que la suite du parcours, reliant l’Obersee au Zugersee, sera plus compliquée.
Jusqu’à Pfäffikon et le bord de l’Obersee, la petite route empruntée est si plate dans sa première partie que, si des montagnes ne barraient une bonne partie du paysage, on pourrait presque se croire en Zélande et s’attendre à devoir grimper une digue pour seul dénivelé de la journée. Une légère brise me pousse dans le dos et, après 40km de descente et de plat, j’arrive sur les rives du lac.

Le soleil s’est déjà couché mais la vue n’en est pas moins jolie. Je décide de quand même m’engager sur la route du Zugersee. La première côte est plutôt dégueulasse parce que sur une piste cyclable sans séparation le long d’une route où les voitures passent à fond de bale. Autant la faire tout de suite, ça sera déjà ça en moins à faire demain. La côte ne fait que 3km à du 6%, mais elle me permet clairement de remarquer que je n’ai plus rien dans les jambes. Une fois la grosse route quittée, je chercherai un endroit pour dormir pépère



Les petites routes qui m’éloignent de la circulation sont très vallonnées avec plusieurs petits murs. Une nouvelle occasion de voir qu’il temps de m’arrêter. Mais je ne croise pas encore d’endroit à ma convenance.
Au sortir d’un village appelé Hütten, je m’arrête pour demander à quelqu’un chipotant à son camping-car si il est possible que je remplisse mes bidons. La personne m’ouvre très gentiment son garage et m’indique un robinet. Ni une, ni deux, je lui demande si son garage est libre pour la nuit pour un cycliste un peu crevé. Qui ne tente rien n’a rien ! Le mec dit oui tout de suite ! Il est déjà 22h30 et une nuit sous un toit, ça ne fait de mal à personne. Surtout pas à moi après une journée un peu plus courte que la veille mais compliquée moralement avec le manque de plaisir en côte et les conditions froides et pluvieuses de la première partie.

Recap’ du jour :
7h58 de selle
151,84 km
1.533 m de dénivelé positif
Des lacs

Avatar de l’utilisateur
Par JFKs
#3105857
JohanMusée a écrit :
08 janv. 2020, 09:53
C'est Giornico dans le Tessin. Il y a bien 3 églises dans ce village selon Wikipedia, mais sur la photo je n'en vois que 2. Tu connais?
Ah oui il me semblait bien. J'y suis passé en 2009.
Par fred30
#3106405
Le sucre sportif a écrit :
08 déc. 2017, 11:44

Et j'espère que cela motivera certains d'entre vous à tenter de prendre son vélo, ou son bâton de randonnée pour partir vers l'inconnu pour une journée, un weekend, ou plus, car finalement, ce qui compte vraiment est de sortir de son quotidien, de s'échapper et de voir à quel point nous pouvons nous adapter à n'importe quelle situation dans la nature, de se sentir pleinement humain et vivant, fort et fragile à la fois; peu importe le temps que l'on peut consacrer à son échappée, peu importent les limites géographiques que contragnent notre situation personnelle :pompom:
On est en janvier 2020 et ces derniers jours, j'ai lu ton récit ... je me suis inscrit au printemps 2019 et je n'avais jamais pris le temps de lire ce topic. Grave erreur.

Merci beaucoup ! Bravo. Ca a déjà été dit, mais merci et bravo. :applaud:
Bravo car lire ça pendant l'hiver fait voyager par procuration autant que cela peut donner un objectif, un cap, une motivation pour s'entraîner, quelle que soit la discipline. Et merci de nous avoir rappelé à tous ce que c'est de vivre, même si cette facilité à trouver le sommeil n'importe comment n'importe où, n'est pas à la portée de tout le monde :hehe:

Dernièrement j'ai appris qu'une amie qui vivait en Australie avait déménagé il y a quelques mois à Lisbonne. A lire ton récit un peu chaque jour, je me suis mis à me demander si je ne devrais pas aller la voir en partant à vélo, depuis le sud de la France. Ce qui serait une distance ridicule comparée à ton aventure.

Pour info, si tu refais un périple du genre, je vis à Nîmes et je t'aurais accueilli avec plaisir pour offrir gîte et couvert. Ca t'aurait évité les moustiques ! Je passe à Rodilhan tous les jours pour aller bosser et c'est vraiment à côté. Même si j'ai bien compris le principe de ne pas savoir à l'avance où tu dormais, mais au moins pour échanger les coordonnées entre baroudeurs comme toi et frileux comme moi, de manière à aider son prochain si l'occasion se présente :chimay:

Une question sur un "détail" de ton voyage. Tu dis à un moment donné avoir des lunettes de vélo, à ta vue. Comment fait-on pour avoir ça ? Est-ce que ça compte cher ? Car je suis myope et quand je roule 1h-1h30 ça va (c'est à peu près ça pour moi) mais si je roule plus, mes yeux fatiguent et je me transforme en Alex Zülle ... :elephant:
Avatar de l’utilisateur
Par JFKs
#3106582
fred30 a écrit :
12 janv. 2020, 22:42
Car je suis myope et quand je roule 1h-1h30 ça va (c'est à peu près ça pour moi) mais si je roule plus, mes yeux fatiguent et je me transforme en Alex Zülle ... :elephant:
T'as chuté dans un ravin?
Avatar de l’utilisateur
Par Le sucre sportif
#3106670
Merci Fred pour l'invitation ! On se voit avec plaisir et tu es le bienvenu en Normandie si tu souhaites longer les rives de l'Eure ou de la Seine :smile:
Tu as un beau projet, et Nimes-Lisbonne, ça comme à être un voyage assez long à ne pas sous-estimer mais abordable pour des vacances de 2-3 semaines (en comptant les jours pour profiter avec ton amie du Portugal). Et j'imagines que tu as des motivations similaires aux miennes quand je voulais rallier Bucarest, alors fonce ! :pompom:

Plus sérieusement concernant ton trajet, tu peux prendre l'hérault à vélo puis longer le canal du Midi et rejoindre l'Atlantique pour y trouver la véloroute qui longe la côte Atlantique (que je ne connais pas mais elle part du bas du Portugal pour aller jusqu'en Scandinavie, donc ça peut être sympa). Franchir les Pyrénées par la Méditerrannée je connais mieux :catalogne: mais c'est pas un bon plan pendant la saison estivale et puis ensuite il y a la traversée de l'Espagne désertique ... bref c'est un projet intéressant, et tu peux aller chercher des cols mythiques dans les Pyrénées ou dans le Nord de l'Espagne pour corser le tout :study:

Concernant les lunettes, j'avais une monture en plastique, avec des petits verres correcteurs que je clipsais, et je clipsais par dessus une protection plus ou moins teintée que je pouvais changer en fonction de la luminosité. Ca avait un coût mais c'était vraiment pratique. Je me les suis faites voler cet été, je suis dégouté car elles étaient vraiment pratiques et je ne craignais pas de casser la monture, c'était du solide !

Je ne retrouve plus le modèle, mais tu peux aller te renseigner chez un opticien, ça vaut le coup (de prendre un truc solide et qui soit adaptable à la luminosité si tu es myope comme moi, ne pas avoir de lunettes, à la longue, entraîne une fatigue supplémentaire inutile ...)
Par fred30
#3106719
@Le Sucre
Non pas les mêmes motivations que toi lol, si j'arrive au Portugal je serai hébergée chez mon amie et ... son mari :genance:
Effectivement j'ai vu que cette route existait, de la Scandinavie jusqu'au sud du Portugal. Elle existe oui et non, car des portions sont à l'état de projet ... ça veut tout dire.
Mais je pensais plus partir de chez mes parents (près d'Agen) ou de chez mes beaux-parents (Pyrénées-Atlantiques). Ca raccourcirait un peu. Et après pourquoi pas longer la côte basque jusqu'aux Asturies et prendre ensuite direction sud-ouest ...

Mais bon, je n'ai fait que du cyclotourisme quand j'étais plus jeune et il faudrait avant toute chose m'y remettre. Et avec un matériel adapté, car je n'ai qu'un VTT ... moi qui suis nul en tout terrain. Bref, comme je disais je crois, c'est une idée qui reste dans un coin de ma tête pour le moment mais pas encore un projet.

Ok pour les lunettes, je me renseignerai si je me mets sérieusement au vélo. Je vois le principe du système. Merci :chimay:

@ JFK
non pas tombé dans un ravin, mais cette sensation d'avoir les yeux secs et besoin de cligner des yeux plus souvent. Je disais ça car il me semblait me rappeler d'une myopie assez balèze pour le rouleur suisse.
Avatar de l’utilisateur
Par JohanMusée
#3107463
Suisse – 5e jour

Une bonne nuit dans un garage, quand on vient de se taper quelques jours de vélo pas pour du rire et qu’on s’imaginait dormir à l’abri d’un silo ou d’un arrêt de bus, ça peut vite prendre des airs de trois étoiles. Pour ne rien gâcher, c’est un beau soleil qui illumine la Suisse ce matin.
Je sors du garage, rempli mes gourdes et déjeune sur un banc adossé à la ferme attenante. Le propriétaire du garage sort de chez lui et c’est en discutant avec que je profite des lueurs de la matinée.
Si les jambes suivent, j’aimerais pousser jusque Berne. Pour cette partie, je me suis concocté une trace au milieu de la pampa pas piquée des vers. Quasiment pas de grosses routes et des petites côtes partout au milieu d’un décors de pub Léo. C’est un des passages que j’attends avec impatience.

C’est avec un peu d’appréhension vis-à-vis de mes genoux que j’enfourche le vélo. Le gars m’a prévenu qu’une belle côté m’attendait rapidement avant la descente vers le lac de Zoug, je serai vite fixé. Le temps d’une petite descente et, effectivement, une côte me cueille directement, après même pas 10 minutes. Les genoux paraissent loin d’avoir totalement récupéré, mais ils me semblent mieux aller que la veille. On verra, pour l’instant je reste en permanence les fesses collées à la selle, histoire de les ménagers au maximum.
Au sommet, le décors est splendide et je me dis que, si je trouve un vélociste à Zoug pour définitivement me régler ce foutu problème de transmissions, la journée démarrera définitivement pas mal du tout. Une épicerie ou un magasin histoire de refaire mes réserves de ravitaillement ne serait pas de refus non plus.



La descente est agréable et le temps, particulièrement doux pour 8h30 du matin, me baigne dans un sentiment de félicité ma foi fort agréable. Arrivé dans Zoug, pas un rat en route, tous les magasins sont fermés. Soudain, un doute me traverse l’esprit. Rapide vérification sur internet : on est le 1er août et c’est la fête nationale. Boulet de l’année . Moi qui me targue de souvent bien me renseigner et m’imprégner de la culture d’un pays avant de le visiter… Putain quel con ! Me voilà complètement idiot, au milieu d’une ville vide, avec un vélo qui ne veut plus passer sur le gros plateau et trois snickers pour toute réserve de nourriture. Je traverse la ville vide un peu absent. Le sentiment grisant des premiers coups de pédale a disparu. Une fois sorti de la ville, je me pose un instant et fait le point.
Je m’auto-convainc de deux choses : premièrement, le fait de devoir mouliner en permanence sur le petit plateau est un mal pour un bien. Ça me forcera à soulager mes genoux. Deuxièmement, les commerces sont fermés ? J’imagine que je trouverai bien sur le chemin des cafés ou des restos ouvert. Ce sera la bonne excuse pour me ruiner et me faire plaisir en toute bonne conscience.

Je repars l’esprit un peu plus positif… Pour 5 minutes. Sur un petit chemin asphalté vallonné zigzaguant au beau milieu d’un quartier résidentiel cossu, je me trouve nez-à-nez avec une laisse télescopique barrant la route sur son entièreté . C’est un gamin qui promène son chien. Pas moyen de l’anticiper, je sors d’un virage serré qui ne me donnait aucune vision. J’arrive trop rapidement et pas moyen de m’arrêter. D’un réflexe rapide je parviens à passer sur le bas-côté et à me tenir en équilibre en me dressant sur les pédales. Aïe ! d’un coup rapide également, je sens une grosse douleur à mon genoux droit. Je parviens néanmoins à éviter la chute mais mon moral vient de prendre un coup.
Voilà comment passer en à peine plus de 30 minutes par tous les sentiments.

Les kms suivant sont faits un peu dans le brouillard, en opposition au magnifique panorama qui se découvre à moi. Plus moyen de me dresser sur les pédales, et la gêne est maintenant permanente au genoux droit. Problème : pas mal de bosses à gros pourcentage m’attendent d’ici Berne à travers l’Emmenthal. La moyenne est basse et le moral également. Après à peine 35km je m’arrête au premier restaurant ouvert que je croise. Vu le no man’s land au milieu duquel je me trouve, pas dit que j’en retrouve un de sitôt. Et puis j’ai besoin de me changer les idées. Peut-être que mon genoux ira mieux en le reposant une heure et en le massant avec de la pommade « effet froid ». A priori, il n’est pas gonflé. Il ne me fait pas spécialement mal quand je déplie la jambe mais bien quand je la replie. Un bon poulet-frites au prix d’une côte à l’os maturée en Belgique en profitant de la vue ne me fera pas de mal. Mais Berne semble d’un coup très loin.



Je repars l’estomac bien remplis mais le moral toujours un peu à plat. Il n’y avait pas de genoux neuf à la carte et la première côte sur mon chemin, un gros km très irrégulier avec un passage à plus de 10%, ne fait rien pour me rassurer. Là où voir des vieux Suisses me doubler en côte sur leur VTT électriques me faisait sourire, maintenant, ça m’agace. Le décors splendide n’ajoute rien, au contraire, je me sens frustré de ne pas pouvoir profiter de ces merveilleux chemins comme je le voudrais. Comme je le pensais. Le mental est sans doute fatigué au bout de plusieurs jours d’effort et de galère. On dirait que je commence à atteindre mes limites physiques et mentales actuelles. Bizarrement, c’est ce sentiment qui, par moment, me remonte le moral. Au final, j’ai trouvé ce que je cherchais. Je peux accabler autant que je veux le gosse qui n’était pas attentif avec son chien, mais mes genoux sont en vracs et j’imagine que le problème se serait aggravé à un moment ou un autre. Quoi qu’il arrive.

Mais je suis du genre têtu, et peut-être pas tout à fait lucide. Du coup j’insiste en espérant un mieux. Qui ne tente rien n’a rien. La route est irrégulière et il est impossible de prendre son rythme. Habituellement, j’adore ça. Surtout si des pentes extrêmes se profilent. Rien de mieux comme sentiment que de constater qu’on passe avec aisance là où beaucoup n’osent même pas tenter l’aventure. Là, c’est une autre limonade. Là, où chaque apparition de côte est sensé susciter l’excitation, elles demandent aujourd’hui de puiser dans mes réserves de volonté.

Le pire, c’est que je sais que ça va se corser au bout de 50km. Et à la sortie de Neueunkirch, me voilà confronté à une côte que je ne suis pas sûr de pouvoir terminer sur le vélo. 4KM, 6% de moyenne, un soleil qui commence à transformer le coin en cagnard et pas un arbre. Pourtant, mètre par mètre, à un pénible 10,5 km/h de moyenne, ça passe. Une longue et douce descente plus tard, me voilà avec une dizaine de km facilement gagnés au compteur. C’est reparti pour une série de plus petites montagnes russes avalées à un rythme d’escargot. Mon rythme est tellement faible que je ne m’autorise quasiment pas de pause avant Willisau, où le décors me donne une bonne excuse pour me reposer au pied d’une fontaine.



Je ne sais pas si c’est parce que c’est jour de fête nationale, mais ça fait plusieurs jours que je remarque que le Suisse aime beaucoup les drapeaux. Il y en au bout de mats le long des routes, aux devantures des maisons des centres villes, ou a accrochés aux fenêtres des maisons.
Je commence à réaliser que je touche à la fin de mon tour, mais je ne peux encore m’y résoudre. Il me semble que tant que rien ne me force à mettre pied à terre, je suis incapable de prendre la décision rationnelle qui s’impose. Je repars donc à l’assaut du prochain écueil, une côte de 4,5km qui semble faussement assez douce. En effet, si ses trois premier km ne sont en fait qu’un faux plat assez fort, son dernier km et demi ne descend quasiment pas en dessous des 9%. Un calvaire pour moi, mais que je parviens à passer au prix de zig-zag sur la route afin d’adoucir la pente (je précise qu’il s’agit plus d’un chemin asphalté que d’une route, et qui est réservé aux vélos et aux promeneurs). Je dois ressembler à un Michel Pollentier en détresse, la force et la vitesse en moins.

Courte descente, et nouvelle côte abrupte, plus courte, mais tout aussi douloureuse. Nouvelle courte descente, et nouvelle côte abrupte. Nouvelle descente,… Après mon genoux droit, mon genoux gauche commence à me faire mal également sur le plat. Première concession : je quitte les petites routes pour une plus grosse, aux pourcentages moins sévères. Les villages aux noms gutturaux s’égrènent lentement, au rythme d’une procession accablée par la chaleur. Au bout de 100km tout pile, je croise une gare. La raison me rattrape donc dans un bled nommé Weier im Emmental où aucune âme ne semble vivre. Il est 15h30 passé et Berne est encore très loin. Je décide de stopper, ici.

En ce jour de fête nationale, pas de train à cette gare mais bien un bus. De là, je pourrai rejoindre une gare où un train me déposera à Berne. Où je pourrai voir s’il est encore possible de sortir de Suisse le jour-même. L’occasion de revérifier qu’un des trucs chouette avec la Suisse, c’est les transports publics. Alors ça coute bonbon, mais le service est nickel.
Bonne nouvelle, je vais pouvoir attraper le dernier train jusque Fleurier où un bus m’amènera jusque Pontarlier où j’ai trouvé un point de chute pour la nuit. Le voyage en train m’offre l’occasion d’admirer les paysages que j’aurais voulu traverser à vélo. Petit pincement au cœur mais, au final, je ne rate qu’une étape et demi. En étant réaliste, je savais dès le début que les délais que je m’étais imposé pour le parcours que j’avais tracé seraient compliqués à respecter. Je sais où j’en suis et, au bout de quelques heures de train et de correspondances à avoir fait le point, je suis assez content de mon expérience.

C’est avec un ciel déjà couché depuis quelque temps que j’arrive à Pontarlier (non sans avoir dû faire un sitting dans le bus à Fleurier qui ne voulait pas me prendre avec mon vélo, un bras de fer avec le conducteur que j’ai remporté au bout de 30 minutes d’une discussion parfois courtoise et parfois pas). Les gens qui m’accueillent sont particulièrement sympathiques et chaleureux et c’est avec bonheur que je parle avec eux jusque assez tard autour de bières même pas très mauvaises pour des françaises :D.

Le voyage jusque Montbard, à proximité du rassemblement familial, du lendemain, m’amène à programmer la suite. Outre le fait de m’offrir un chouette petit tour et de belles vacances, ces jours de vélo étaient aussi l’occasion de faire le point sur ma préparation pour mon ultra. Ce dernier est programmé au week-end du 21 septembre et se rapproche à grands pas et je termine ce petit périple avec de nouvelles certitudes mais aussi quelques questions.
Premièrement, j’en sais plus sur ce qu’implique l’enchaînement d’efforts important. Leur impact physique, mental. Je sais à quel point la fatigue et le sommeil impactent ces derniers. L’effort rentre dans une toute autre dimension à partir d’un certain seuil passé. Je sais qu’un renforcement musculaire plus complet est une obligation impérative me concernant dans l’accomplissement de ce type d’effort.
Par contre, outre des images plein la tête et quelques chouettes rencontres, je reviens avec une grosse interrogation vis-à-vis de mes genoux. Vont-ils récupérer suffisamment vite pour ne pas faire capoter ma préparation ? Vont-ils tenir le coup sur un effort de 721 km ininterrompu ? N’ai-je pas trop forcé dessus et n’aurais-je pas dû m’arrêter plus tôt ?
Je décide de me fixer un temps de repos total de 10 jours, excepté pour ce qui est du renforcement. Il me reste 7 grosses semaines d’ici le départ. De quoi encore améliorer pas mal de choses.



Recap’ du jour :

100km pour 5h11 de selle…
1.351m de dénivelé +
Plus de genoux

Recap’ du Tour de Suisse :

705,3 km
9.436m de dénivelé +
Plein d’expérience
Avatar de l’utilisateur
Par JohanMusée
#3117007
Grosse, grosse tartine et bouquet final de ma saison, mon premier Ultra :

Ce qu’il y a d’excitant quand on prend le départ de son premier ultra, c’est que, à moins d’être un barjot, on a jamais fait la distance de l’épreuve à l’entraînement. C’est à la fois excitant, stressant et rassurant.Excitant parce que c’est un saut dans l’inconnu. Au départ, j’attends avec impatience le moment où les 300km s’afficheront au compteur et où ce saut dans l’inconnu commencera vraiment.Stressant parce qu’on a aucune certitude et beaucoup de questions. Aucune idée de comment notre corps va réagir. Est-ce que la fatigue sera rédhibitoire ? Est-ce qu’une blessure ne viendra pas mettre rapidement fin à cette idée absurde ?Rassurant parce qu’un seul objectif compte : la ligne d’arrivée. Pas de stress de classement, donc.Et puis, j’ai tendance à intellectualiser les choses, alors l’expérience mentale de la fatigue poussée à ses limites, ça m’attire. 

La course s’appelle « L’Equinoxe des Trappistes », 725km à boucler en 48h maximum du lever de soleil du vendredi 20 septembre à celui du dimanche 22 septembre. 725 km à travers les Flandres et la Wallonie en reliant 6 abbayes trappistes : Westvelteren, Westmalle, Achel, Chimay, Rochefort et Orval dans l’ordre. Les trappistes sont malheureusement ici un prétexte, pas de dégustation prévue avant l’arrivée… 725km et le trois quarts du dénivelé sur les 120 derniers km. Pas de ravitaillement en dehors d’un endroit où faire une sieste après 400km, pas de soutien logistique ni mécanique. 

Un logement est prévu la veille du départ et sur le lieu d’arrivée. La veille, les concurrents mangent et dorment ensemble. Je choisis de profiter de l’occasion pour me faire une petite visite d’Ypres et de la région avec mon frère qui me servira gentiment de lift pour cette course. On connait déjà le coin mais ça fait pas de mal de le redécouvrir, c’est un peu une madeleine de Proust de notre enfance.En fin de journée, me voilà au lieu de logement et de départ de la course. L’ambiance est très sympa et je fais connaissance. Il y a seulement 19 partants sur un peu plus de 20 inscrits. Par contre, on va dormir sous tente (aménagée). C’est pas que ça me dérange habituellement, mais cette nuit, le thermomètre devrait descendre jusqu’en dessous de 5°. Heureusement, j’ai prévu des couches et on est nombreux dans un petit espace, tant qu’on ne sort pas de nos sacs, ça devrait le faire.La soirée est sympa et permet de discuter. L’équipe organisatrice semble pas prise de tête, le but est de vivre une chouette aventure et qu’un maximum de coureurs arrivent à bon port. Franchement, ils mettent pas la pression. Le briefing est pareil. Les blagues fusent, ça détend. C’est parti pour une nuit que j’espère bonne. 



La météo prévue est sèche, ça c’est bien, mais avec un vent de face assez consistant sur tout le parcours, ça c’est moins bien. Il viendra de l’Est toute la journée du 20 pour bien nous ralentir à travers des paysages sans arbres et autres dénivellations que quelques haies de jardin, et se tournera petit à petit pour souffler depuis le Sud et l’Ouest pour la fin. Bref, à part entre Achel et une partie de la traversée d’Est en Ouest vers Chimay, il devrait toujours être de face. Ça plombe un peu le moral au départ. 

Réveil à 6h pour un départ prévu à 7h26 précise. Tout le monde se rassemble dans la pénombre pour déjeuner avant le check-in. Il fait froid et on se réchauffe avec du thé ou du café. On discute : « T’as prévu quoi comme ravitaillements ? », « Tu mets combien de couches ? »,… Les partants et l’équipe organisatrice, tout le monde se mélange. En fait, à bien y réfléchir et peut-être un peu naïvement, de l’encadrement ou des coureurs, je me demande à ce moment qui va le plus souffrir ?Personnellement, je suis excité comme une puce, mais avec une petite toile d’araignée dans le coin de la tête. Mes genoux, après une pause d’une dizaine de jours après la Suisse, semblent en partie remis. Mais par précaution, je n’ai plus fait que borner. Et uniquement ça. Sans jamais monter dans les intensités. Il y a rien à faire, je les sens bizarres dès que je pousse fort dans le cardio. Je ne me suis également quasiment plus jamais mis en danseuse depuis mon retour. Mais j’ai roulé des kms, beaucoup, longtemps, mais à un rythme 3ème âge.  

Le temps d’installer les traceurs GPS sur les vélos - qui permettrons de suivre chaque coureur à la trace sur le site de l’organisateur -, de vérifier le matériel obligatoire, et tout le monde se regroupe sur la ligne de départ. Dans la fraîcheur matinale, j’ai hâte que les coups de pédales me réchauffent.  7H26, c’est parti ! Direction l’Ouest pour 7km et l’abbaye de Westvleteren, avant de virer vers l’Est pour longtemps. Le cortège de cyclistes se meut dans la brume déjà automnale des prairies flandriennes. A cet endroit de la Flandre, les casses-vitesses font office de côtes. Quand il fait clair, l’absence d’arbres permet de distinguer les clochers à des kilomètres à la ronde.  Ça, les maisons et les quelques haies de cimetières du Commonwealth jalonnant la région, c’est tout pour le relief. On devait les voir arriver de loin, les casques à pointe en 14. Arrivés à Westvleteren, on nous distribue les capsules de bière locale qui serviront de preuves de passage dans chaque abbaye. Pour le moment, on tournicote les jambes et on discute. Ça me rassure et je serais bien partant pour continuer comme ça jusqu’au bout.



Comme plan d’attaque, je me suis donné pour but de dépasser un minimum les 70% de fcm sur les 300 premiers kms, et de continuer comme ça le plus longtemps possible si mon rythme me le permet. J’espère arriver au ravitaillement, après 400km, suffisamment tôt pour dormir 3h sans trop me mettre en danger pour les délais. Le lendemain, j’imagine que ça sera de la survie.A mon grand désappointement, le rythme augmente sensiblement une fois Westvleteren passé. 27-28 km/h de moyenne. En peloton ça passe crème, mais on sera pas à midi chez nous devant un plat de pâte. Et, avec le vent de face, je peux oublier l’idée de rouler seul à mon rythme. Je dépenserai pas beaucoup moins d’énergie pour me retrouver rapidement à des kms derrière. Un sujet cristallise les discussions : au 135e km, nous devons prendre un bac pour traverser l’Escaut. Hors, il n’y a qu’un seul bac toutes les demi-heures. Certains à l’avant comptent absolument attraper celui de 12h30. Personnellement, je m’en cale. Après le bac, il restera 590km et tout le dénivelé, de quoi allégrement gagner ou perdre toutes les demi-heures du monde. Mais comme déjà expliqué, il est inenvisageable de lâcher le groupe avec ce vent. C’est pas que j’ai du mal à suivre, loin de là, mais c’est que je le trouve beaucoup trop rapide pour la distance. 

100km et nous voilà dans le contournement de Gand, le rythme a encore augmenté depuis le km 80, le compteur ne descend plus en dessous des 28km/h. On passe à côte du stade flambant neuf de La Gantoise. Et voilà la première chute ! C’est un des gars faisant partie de ceux bien décidés à continuer de visser en tête. Tout le monde s’arrête et en profite pour faire une courte pause et se débarrasser de quelques couches encombrantes. Le gars n’a rien et c’est soulagé que le groupe repart. Le mec est quand-même parvenu à se planter dans un petit virage au bas de la première descente de 50m depuis le départ. Directement, ça repart de plus belle ! Il reste un gros 30km avant l’Escaut et les gars tirent comme des malades. Un cycliste laisse tomber un truc, ses lunettes je crois, et il doit s’arrêter. Les gars de devant continuent de tracer ! Ça part en bordure et je m’énerve ! Je remonte le groupe et vais m’expliquer avec les gars en tête. Soit on attend personne en cas de pépin, soit on attend tout le monde ! Mais là, non seulement c’est débile de rouler ainsi mais en plus c’est salaud de pas attendre les gars qui vont ont attendu quand c’ est un de vos potes qui chutait ! Seule réponse « Oui mais il y a le bac !». Bordel de merde, le bac, il était là aussi quand leur pote s’est planté ! Tout le monde est énervé et du coup j’ai l’impression que ça roule encore plus vite. Ça lâche pas mal derrière et je remarque qu’on est plus 9 ou 10 en tête. Je me cale juste derrière les 4/5 mecs de têtes qui prennent des relais, bien décider à n’en prendre aucun. Je rumine. 



Encore 10km et c’est le bac, après j’esp… Pschhhhhht. Et m… Crevaison ! En 20m mon pneu avant est tout plat. J’ai dû choper un saloperie en descendant d’une piste cyclable qui allait se terminer. Putain de merde ! Me faire chier à rouler comme un con pour prendre un bac une demi-heure plus tôt et voilà le résultat ! En deux minutes, les deux groupes de poursuivants passent. Au deuxième, un gars s’arrête et se met à m’aider, spontanément. Super sympa de sa part. Problème, une fois que je termine ma roue avant, je remarque que ma roue arrière a morflé aussi ! Dans l’énervement, je n’avais pas vérifié. J’avais pris deux chambres à air de secours, j’ai plus intérêt à crever d’ici le prochain vélociste que je croise. Avec tout ça, j’ai pris tellement de retard que si on carbure pas comme des malades, on va manquer le bac suivant et se prendre une heure de retard sur la tête de course dans les dents… Alors on trace comme des dératés. 32/34 de moyenne vent de face. Je laisse quasiment pas mon nouvel ami prendre de relais, je lui dois bien ça. Au bout d’un contre-la-montre de 8 bornes, on aperçoit enfin l’Escaut et son bac ! C’est déjà ça de pris. En observant le paysage pendant la traversée, je remarque que, à part mon guidon, j’ai pas regarder grand-chose jusqu’ici.



La traversée est courte, et c’est sans faire de réelle pause que je repars avec mon compagnon. Aucun de nous deux n’a pris la peine de consulter l’évolution de la course et c’est avec surprise qu’au bout d’une dizaine de km nous voyons débarquer dans notre dos un petit groupe de 5/6 collègues. Ils ont pris le bac avant nous mais en faisant un petite pause ensuite. C’est bon pour le moral parce qu’à deux pour chasser dans le vent, on risquait de vite perdre beaucoup de temps et d’énergie.L’ambiance dans le groupe est bonne. Ça blague, ça discute stratégie, fatigue,… Tout en gardant un rythme très correct. Le vent est toujours de face et prendre son relais n’est pas tout à fait reposant. Mais vu l’atmosphère bienveillante du groupe, c’est avec plaisir que chacun met la main à la pâte. N’ayant pas fait de pause avec mon généreux compagnon, nous n’avons pas remplis nos bidons et devons nous arrêter brièvement à cet effet. Mine de rien, il fait 20° passés et c’est pas que la Flandre offre beaucoup d’ombre. Nous laissons le groupe continuer sa route, en forçant un peu nous devrions revenir sur lui rapidement. 

Mais c’est la journée des malheurs et c’est au tour de mon nouvel ami d’avoir des soucis. Sa transmission est HS et il ne peut plus passer sur le gros plateaux. Me voyant mal l’abandonner à son sort je l’accompagne chez un vélociste pour tenter de réparer ça. Aucun de nous n’est un pro en mécanique et il est inutile de chipoter pendant 30 minutes. Mauvaise nouvelle, le premier semble pessimiste pour une réparation minute. Lui n’a pas les pièces et il doute qu’un autre les aient et accepte de le faire à l’instant. C’est un peu la déprime. L’horloge commence à tourner et je l’accompagne chez un autre vélociste pas loin du parcours où je le laisse à son malheur. Non sans convenir qu’il me contacte s’il se remet en route, auquel cas je l’attendrai ou tenterai d’en convaincre les autres si je les rattrape. Mais ça commence à faire beaucoup pour seulement 165 bornes… 

Et avec tout ça, le groupe doit être loin. Il reste 30km jusque l’abbaye de Westmalle, s’ils y font une pause et que je trace comme un pété, il y a peut-être moyen que je les rattrape ! C’est parti pour un clm de 30km, vent de face, en pleine heure de sortie des classes. Me voilà au-dessus des 30km/h, tout seul, à griller des cartouches et jouer à Mario-Kart version vélo dans une périphérie d’Anvers pleine d’écoles et de gamins en vélo. En fait, vu la densité de gamins à vélo sur les routes, je suis pas sûr qu’il y en ait un qui aille à l’école autrement que comme ça.  C’est très impressionnant ! Je mords sur ma chique en me promettant que si je ne rattrape pas le groupe à Westmalle, je me calme et me mets définitivement en mode de survie solitaire. Ce qui est cool, c’est que l’approche de l’abbaye est boisée et m’épargne du vent. Résultat, une heure de selle à une moyenne complétement conne pour ce genre d’épreuve mais un groupe de devant rattrapé à l’instant où il quitte l’abbaye. Autre bonne nouvelle, mon nouvel ami a pu réparer son vélo ! J’en discute avec le groupe qui m’explique qu’ils comptent faire une pause-terrasse de café un peu plus loin. En fait, ils se sont à peine arrêtés à l’abbaye. 200 bornes et l’odeur du sang au fond de la gorge, voilà qui tombe à point… 



Le vent s’est calmé, le soleil descend peu à peu. Le rythme du groupe est tranquille sans être trop relâché. Ce qui est important c’est qu’il est constant. Un petit 70km nous sépare de l’abbaye d’Achel sur des routes plates et des hallages. C’est un groupe sympa et on discute de tout et de rien, mais beaucoup de la course. T’as pas l’impression qu’on a fait n’importe quoi aujourd’hui ? Je vais jusqu’au ravito à Gembloux et j’avise, je vais peut-être m’arrêter là. Et toi ?Personnellement, je mets bien une petite heure à récupérer de ma poursuite. Je n’ai aucun mal à suivre mais je sens que je m’essouffle rapidement dès que je prends un relai. On a vite passé Turnhout et on se dirige vers les Pays-Bas pour une petite incursion. La lumière baisse petit-à-petit, on arrivera à Achel juste avant la tombée de la nuit. Mon camarade, par contre, ne nous a pas rattrapé et végète trop loin pour qu’on l’attende, il est à 50 minutes. La pause-terrasse était loin de suffire. 



A Achel, les groupes se reforment. Il y en avait plusieurs disséminés sur quelques minutes. Je suis dans l’avant dernier, si on compte mon nouvel ami loin derrière. L’ambiance est bonne, détendue. Ceux qui sont là savent qu’ils verront au moins le ravitaillement et c’est déjà une victoire en soit. A part quelques-uns partis devant, tout le monde se regroupe pour un petit bout de route. Il fait nuit et c’est désormais à la lueur des lampes que tout ce beau monde vaque de ravels en ravels, entourés de taillis et traversant champs, bosquets et villages. Certains veulent s’arrêter manger un bout dans un bled appelée Houthalen. L’idée me tente. On en sera à 300km et pousser encore 100km avant un vrai gros repas me semble un peu long. Tant pis si je dois prendre le gruppetto. Ces gens me semblent fort sympathiques et le côté course de l’aventure a depuis longtemps disparu pour ma part. Si tant est qu’il ait existé un jour. 

Un petit resto italien, un bon bolo, et une bonne petite papote. Rien de tel pour monter au max sa motivation.
La patronne : « Vous allez où comme ça ? »
Nous : « Virton. »
La patronne : « Pas d’où vous êtes, mais où vous allez. »
Nous : « Ben c’est ce qu’on vient de dire ».
Rire général.
Moins rigolo, la température a sérieusement baissé. Dehors, il fait hivernal et c’est dur de s’y remettre. Pendant qu’on se met des couches, l’organisation nous propose : « Le dernier devrait arriver à votre hauteur d’ici 20 minutes. Il vient de se taper 130 bornes tout seul, ça vous dit pas de l’attendre ? » Approbation générale et immédiate. J’aime décidément beaucoup ce gruppetto. 300km au compteur, à partir de maintenant, c’est le saut total dans l’inconnu. 

Une fois notre courageux retardataire accueilli, nous repartons destination Gembloux et la Wallonie ! C’est con, mais ça fera du bien de revoir des panneaux de circulation en français. Il fait froid mais la nuit est sans pluie quoique le fond de l’air soit un peu humide. Au km 309, c’est la traversée du domaine de Bokrijk et de sa piste cyclable traversant un petit lac au niveau de l’eau. Impression surréaliste des phares des vélos propageant leur lumière au niveau de l’eau. A s’y méprendre, on serait dedans. Parenthèse enchantée au milieu des bois. Les kilomètres suivant sont plus urbains mais la route nous appartient. Par contre, je n’arrive plus à me ravitailler. J’ai beaucoup de mal à digérer le bolo et, que ça soit salé ou sucré, n’importe quel grignotage me donne la nausée. C’est la foire aux remontées de vomi. Je prends mon mal en patiente mais je n’ai aucune envie de me taper une fringale au milieu de la nuit et du froid. Genk, Hasselt, Saint-Trond, les villes et de nombreux vergers passent et, après 365km, c’en est fini de la Flandre. On a passé la mi-course. Enfin, pour ce qui concerne les kilomètres, parce que question dénivelé, les premiers approchent seulement. L’appétit revient mais les jambes sont faibles. Certains dans mon groupe me semblent au-dessus alors que j’estimais l’inverse il y a encore peu de temps. 



Le givre a fait son apparition et c’est une suite de premières côtes et premiers longs faux-plats qui nous emmène vers Gembloux et son ravitaillement. Le rythme s’accélère et le groupe se morcelle. Tout le monde à envie de se réchauffer et de dormir. Je me croyais dans le dur, et pourtant je suis dans les trois de devant. Puis deux, puis une dernière côte et c’est mon dernier compagnon qui lâche. Les impressions sont parfois trompeuses. Voilà le ravitaillement. 398 km, 19h57 de course. L’accueil est chaleureux, le gruppetto arrive grappe par grappe et se réunit autour d’une bonne grosse assiette de pâte. Je me suis clairement ramassé un belle fringale sur la fin et je prends mon temps pour emmagasiner un maximum. Je m’arrange avec les deux qui m’ont accompagnés sur la fin et un autre coureur arrivé un plus tôt pour dormir 1h30. Soit un cycle de sommeil. La deuxième journée et surtout la deuxième nuit s’annoncent costaudes, autant les aborder sans souci des délais. Il est passé 3h du matin et il me semble avoir fait exactement tout ce que je m’étais promis de ne pas faire sur cette première moitié de parcours… 

Après 1h30 passée à dormir au milieu d’une palanquée de cycliste dans une pièce bien chaude, il faut aller chercher loin sa volonté pour se relever. Le mieux est de ne s’autoriser aucune hésitation. Ne pas réfléchir, pour autant que mon cerveau en soit encore capable. Avant de repartir, une nouvelle grosse assiette de pâtes. J’ai beau en avoir manger une il y a 1h30, je suis affamé. Pâtes, café, et préparation de la seconde journée. J’ai préparé à l’avance tous mes ravitaillements dans des petits sacs de congélation et je n’ai qu’à en remplir mon sac de selle du restant. Je suis arrivé tout juste la première journée, peut-être que je m’arrêterai pour un ou deux achats pour celle-ci, histoire d’être certain. 

Les jambes sont froides, il fait froid, même mon vélo semble froid. Mais le soleil se lève et la journée devrait même être assez chaude. Comme prévu la veille, nous repartons à quatre. Direction Chimay et l’abbaye de Scourmont, 95 bornes plus loin, en passant par les abords des lacs de L’Eau d’Heure et La Platte Taille. Ce n’est pas encore les Ardennes, mais ça change déjà beaucoup des Flandres ! Les jambes ont beaucoup de mal à tourner. Pourtant, je suis content de voir des vallons, d’aligner les petits murs… En plus, l’espace de quelques kilomètres, je retrouverai certaines routes d’entraînement. 



Le coin est particulier. Assez désertique pour la Belgique, il est parsemé de collines sans quasiment aucun arbre. Au point du jour, c’est plutôt joli. Un des gars du groupe est du coin, il propose de commander des sandwichs après 50km dans une boucherie qu’il connaît bien à Thy le Château, quelque part entre Gerpinnes et Walcourt. Des amis à lui l’attendent là-bas qui comptent nous accompagner pour un bout de chemin jusque Chimay. En fait, le type habite en Suisse et n’est ici que pour la course. Je tire la langue. On prend tous deux sandwiches, un pour manger de suite, un autre pour se ravitailler. En fait, on dirait que le besoin de se ravitailler est beaucoup plus présent le deuxième jour. Une fois le casse-croûte avalé, nous repartons sur des vallons de plus en plus longs et raides. Alors que de nouveau il me semblait être le plus faible du groupe, je suis le seul à savoir suivre le régional de l’étape. Celui-là semble une jambe au-dessus de nous et, ultime touche de supériorité, se met à vapoter en roulant avec ses amis. Oui, oui, le mec vient de s’enfiler un truc comme 465 bornes et sort sa vaporette tout en discutant avec ses deux amis, qui semblent avoir plus de mal à le suivre lui que l’inverse. Ce gars est un mutant !Je décide de prendre mon rythme et de ne pas faire attention à eux. C’est ainsi que, des lacs à l’abbaye de Scourmont, je suis parfois devant, parfois derrière eux. Drôle de configuration dans laquelle il me semble que mes jambes vont de mieux en mieux. 



A ce rythme-là, c’est avec quelques mètres d’avance sur notre ami cyclo-vapoteur et ses amis que j’arrive à la 4ème abbaye des 6. Des gars de l’organisation sont là et nous font le point sur la course. Ils sont 5 loin devant et derrière on s’étale par petites grappes sur 1h de route. En ne dormant que 1h30, j’en ai doublé pas mal. Mauvaise nouvelle par contre, mon généreux amis d’hier qui s’était arrêté pour m’aider n’est pas reparti.Nous sommes déjà fin de matinée et la température a largement augmenté. Je profite de la pause pour enlever mes couches, refaire le rangement de ma sacoche de selle et m’enduire de crème solaire. Mes autres compagnons du matin sont également arrivés et nous sommes de nouveaux 4. Mais les deux autres viennent d’arriver lorsque je repars, à mon rythme, en leur disant à tout de suite. Je compte rouloter seul et j’imagine qu’ils vont assez vite me retomber dessus.Au programme jusque Rochefort : descente sur la vallée de la Meuse à Revin, route le long de la Meuse, sortie de la vallée de la Meuse à Givet jusque Houyet puis Rochefort tout en longeant par moment la Lesse. 

Je n’ai pas fait 5km que notre vapoteur me passe comme un avion. Il a laissé à Chimay ses amis et m’invite à coller à sa roue, je décline gentiment. Ce serait du suicide, le type semble deux jambes au-dessus et, s’il s’était un peu intéressé à la course, nul doute qu’il jouerait la gagne. Une vingtaine de kilomètres sur des routes pas géniales et fort empruntées et me voilà à Rocroi, prêt à descendre vers la Meuse. En voilà une qui fait du bien ! Le soleil tape et ces 10 petits kilomètres de descente permettent de se rafraîchir. Il faut dire, entre les couches de transpirations et de crème solaire de presque 30h d’effort, j’ai l’impression de porter une combinaison de crasses qui me tient trop chaud. Le long de la Meuse, je retrouve un vieil ami qui souffle un peu fort : le vent. Il souffle par rafales, ce qui me convient à vrai dire pas mal. C’est juste plus compliqué de prendre mon rythme. Arrivé à Fumay, je m’arrête dans un café pour remplir mes bidons. La tenancière me demande de payer, ce que je fais non sans râler. D’habitude, je l’aurais laissée en plan, mais je n’ai pas le temps pour ces enfantillages. J’ai peur que mes deux derniers amis de ce matin ne passent pendant que je suis à l’intérieur. Je ne voudrais pas rater l’opportunité de rouler groupé.  Je retrouve pour une dizaine de bornes une route empruntée ce printemps lors d’une de mes sorties « test », lorsque j’avais rejoint ma maison depuis le Luxembourg. Les kilomètres passent et toujours pas de poursuivants en vue, ils me rejoignent moins vite que prévu. 



En attendant, je commence à prendre mon rythme et à me faire à ma solitude. J’attends la côte à la sortie de la vallée de la Meuse avec une pointe d’appréhension. Elle est longue et apparemment le long d’une voie rapide très fréquentée. Ça sera un gros test pour la suite, parce qu’après Rochefort, c’est une bonne partie du dénivelé total de la course qui m’attend sur 120 bornes sans quasiment un seul replat. Et, en me mettant en danseuse, je viens de sentir mon genoux droit un peu lâcher, sur du plat. Je vais devoir faire le reste le cul sur la selle. Pourvu que ça tienne…Comme prévu, cette côte est dégueulasse. Pas un pet d’ombre, des voitures qui te frôlent à pleine vitesse, le revêtement qui rend mal et les pourcentages qui montent… Pourtant c’est plutôt un vent d’optimisme qui me pousse. Je n’ai pas de mal à assurer le train sur les gros pourcentages. L’allure est faible mais les genoux ne donnent aucun signe de fatigue tant que je ne me mets pas en danseuse. L’angoisse est passée et c’est tout guilleret que j’entame la descente vers Houyet avant de me tasser sur les longs faux plats en remontant la Lesse vers Rochefort. Juste de quoi me démontrer que j’ai épuise mon carburant puissance. Le reste se fera en souplesse. Je jette de nombreux regards derrière-moi, toujours pas de signe d’un autre compagnon de route. 600km et 34h d’effort, me voilà à Rochefort. J’ai plutôt la pêche, je n’ai pas encore bailler de la journée et la sieste de 1h30 semble avoir été la bonne option. 



A Rochefort, je m’arrête chez un vélociste pour me renflouer juste assez en ravito et passer par ses toilettes. Après deux jours et une nuit de gels et barres en tous genres, je vous dis pas le genre de mélasse qui sort de votre corps. Je tape la discute 5 minutes avec le propriétaire du magasin qui parle avec un accent à couper au couteau. Je lui parle de la course et il va voir la page sur son ordinateur, l’occasion de faire le point sur la course.  En fait, je suis dans un no man’s land. Je pouvais encore regarder longtemps dans mon dos, j’ai mis 1h dans la vue à mes anciens compagnons sur les 107 kilomètres séparant l’abbaye de Chimay de celle de Rochefort. C’est vrai qu’à part pour remplir mes bidons et subvenir à des besoins naturels, je n’ai pas vraiment fait de pause. Devant par contre, ils sont loin. Et particulièrement notre ami vapoteur qui est entrain de littéralement voler. S’il continue comme ça, il pourrait carrément revenir sur les 4 hommes de têtes voire viser le podium. Qui sait ? Il vient facile de leur reprendre 1h sur les 2 qu’il avait de retard. Et le plus dur reste à venir. D’ailleurs, en analysant le parcours, le vélociste me lâche tout en riant « Mais ils sont malââât's !? Ils vous font passer par toutes les pires côtes… ». Le temps de rigoler encore un petit coup avec lui et me voilà reparti. J’ai 25km pas tous plats d’ici la montée du moulin de Daverdisse, qui semble être la pire côte du parcours. J’aimerais bien la grimper avant que le soleil se couche et il est 20h passées. Il termine déjà ses journées tôt fin septembre. Pour la première fois depuis le départ, je lis les messages reçus sur mon téléphone. J'ai des encouragements depuis hier, ça fait plaisir. Je me sens presque égoïste de ne pas y avoir prêté attention jusque maintenant. Mon frère est bien arrivé au lieu d'arrivée et me fait le point sur la situation de la course. Apparemment, les autres sont morts derrière. A part devant où notre vapoteur qui carbure joue au train à vapeur, les positions devraient rester les mêmes. Je suis fixé, pas que je m'inquiète de mon classement, mais plus que je veux savoir si je passerai la nuit à rouler seul ou non. On dirait que oui.


Je quitte Rochefort direction le Sud, presque tout droit vers Orval. Et dès la sortie de Rochefort, c'est une jolie petite côte bien raide de 1km et demi qu'y m'attend. Comme pour celle à la sortie de la vallée de la Meuse, je prend mon rythme tranquillement et ça passe pour les parties à plus de 10%! La lumière commence à embrasser les Ardennes de son atmosphère si particulière, la nuit devrait être plus douce que la veille. Mais elle sera longue. Au sommet,  une douce euphorie m’étreint, je crois bien que je vais terminer cette course ! Comme prévu, j'arrive à la côte de Daverdisse juste avant que le soleil ne se couche. Elle est raide mais, de nouveau, je m'y sens très à l'aise. Les pulsations montent moins haut, sans doute à cause de la fatigue, mais tout se fait en maîtrise. Au sommet, je mets les couches, allume les phares, et jette un œil une dernière fois sur le profil du restant de la route, histoire de me créer un décompte des côtes à venir. Peine perdue, ça monte et ça descend tellement qu'il est difficile de les distinguer. Sur ces pensées, j'oublie là mon dernier sacs de ravitaillement solide. Le temps de le remarquer, je suis 10km plus loin et il n'est pas question de faire demi-tour. Je ferai les 100 derniers kilomètres uniquement au gel.

L'obscurité est vite arrivée et c'est dans une alternance de sommets et de creux que le tracé joue à cache-cache avec la Lesse. Au froid qui m'enveloppe au fur-et-à-mesure de chaque descente, je renifle à chaque fois l'approche de la rivière. Je baigne dans un petit hallo de lumière, je suis dans ma bulle et je me sens profondément bien. Je ne m'attache plus au chrono qui tourne et aux kilomètres qui passent. Au mieux, j'y jette de temps en temps un regard distrait. Je ne me sens toujours pas fatigué. Un peu après avoir traversé Paliseul et passé les 650km, une descente compliquée, agréablement sinueuse mais dont l'état est terriblement mauvais me sort de mes rêveries. Il faut rester concentré, ça serait trop bête de fauter maintenant! Je suis à la fois détaché, et à la fois hyper-connecté. Il me semble que mes gestes sont des réflexes. Je suis en pleine confiance, mon corps semble faire le job sans que mon cerveau ait besoin de l'y aider. Au loin, le faisceau de lumière de mon phare avant croise deux yeux qu'il rend brillants. Il me semble d'abord voir un chat. Le temps de passer à côté de la bête pour remarquer qu'il s'agit de quelque chose de bien, bien plus gros. Un blaireaux, peut-être. Le pauvre se demande peut-être quelle drôle de bête silencieuse et fluorescente il vient de croiser. La nuit, on en croise des bêtes, mais celle-là était particulière. J'ai troqué la Lesse pour la Semois. La Cornette, une côte, Auby-sur-Semois, une côte, et me voilà en approche de Mortehan. Après Mortehan, une côte et encore Sainte-Cécile et Chassepierre puis bien vite la grimpette vers Florenville. Et de Florenville, on approche directement le bois d'Orval! J'égrène les agglomérations qu'il me reste à traverser comme un enfant qui égrène les minutes qu'il lui reste avant d'aller dormir. En fait, je n'ai pas envie que ça s'arrête... A Chassepierre et Florenville, après avoir traversé quelques bois profonds, je me vois traverser ce qui semble être des fins de fêtes de villages. La vie continue donc en dehors de ma bulle? Il me semble traverser ces endroits tel un extra-terrestre. Un long faux-plat, une nouvelle forêt, me voilà à l'approche d'Orval. 



Longue descente vers la pénombre, l'humidité et la froidure de l'Abbaye. Ces Cisterciens trouvaient vraiment les pires endroits pour s'installer. J'ai l'impression que le thermomètre baisse d'un bon 5 degrés. Je passe devant l'abbaye sans demander mon reste! J'accélère même un bon coup pour fuir au plus vite l'endroit et retrouver des températures raisonnables. De là, il me reste 24km vers Virton. Je n'ai plus aucune notion du temps ni de l'heure qu'il peut être. Il s'agit d'une portion du parcours que je n'ai pas étudiée. Dans mon esprit, celle-ci est plutôt plate. Belle erreur de ma part, une côte, deux côtes, trois côtes,... Voilà des montagnes russes qui ne sont pas prévues. Je sens poindre la fringale. Sans ravitaillement solide, j'ai dû m'enfourner un truc comme 5 ou 6 gels depuis 100km. Mon ventre commence à sérieusement gargouiller et, même si je continue de bien me sentir dans ma bulle, je sens que la fin arrive à temps. Une dernière côte et voilà la descente sur Virton. Encore un ou deux km et je verrai l'arrivée. Qu'elles semblent loin les crevaisons et les planifications de la veille! La course en groupe, aussi. Je viens de passer 13h seul, en dialogue avec moi-même. Les idées se bousculent. Je me concentre sur l'instant, tente d'apprécier le plus possible ces derniers hectomètres. Pourtant, reste au fond de moi ce petit sentiment que, dans le fond, je me sens tellement bien dans ma bulle que je n'ai pas envie qu'un intrus m'y dérange.

Une dernière ligne droite, et au loin, quelques gens qui applaudissent et m'accueillent chaleureusement quelques secondes plus tard. Je m'arrête une dernière fois. Je vois mon frère tout sourire, il me dit qu'il est content d'être là. L'équipe d'organisation est super sympa et en plus toutes les bières des six abbayes sont disponibles au bar, même la Westvleteren. Il me demande ce je veux, "ben une Westvleteren alors". Apparemment, c'est passionnant de nous suivre sur l'écran géants nos petites balises avancer kilomètre par kilomètre le long du tracé. Je me retrouve autour d'un brasero avec plusieurs personnes, à déguster une Westvleteren. Je rentre la terminer devant un bon couscous et l'écran géant. J'observe le tracé, les points qui avancent encore pas à pas. Là, enfin, la félicité m'atteint. Ça y est, elle est faite! Les forces m'abandonnent, je ne parviens pas à terminer mon assiette mais bien ma bière. Sortir mon sac de couchage et prendre ma douche s'apparentent à des effort surhumains. Je me rappelle m'être assis dans le vestiaire, un temps indéfini, nu, dans la tiédeur des douches, complètement buggé. Au réveil, je me pose une question. Qu'est-ce que ça fait de faire ça encore deux ou trois jour en plus?...

Récap':
727,12km
42h10 et 30 sec pauses comprises
4.992m de dénivelé positif



A noter que, comme me le suggéraient mes sensations, je me suis vraiment bien senti sur la dernière partie :

Dernière édition par JohanMusée le 08 févr. 2020, 15:13, édité 3 fois.

  • 1
  • 29
  • 30
  • 31
  • 32
  • 33

Et peu importe la prépa, ça va jouer[…]

Le Mme Irma du forum saison 9

Vous devez trouver le 35ème de Liège[…]

Groupama-FDJ 2024

"N’y a-t-il pas une crainte d’en […]

LA CAGNOTTE 2024

Liège-Bastogne-Liège : 31pts

Toute l'actualité cycliste sur notre site   Accéder au site