Le forum cyclisme des pratiquants et cyclosportifs. Pour tout savoir sur le matériel vélo, l'entraînement, la préparation des courses, les récits de vos exploits, ou encore ce qui concerne des outils comme Zwift ou Strava.
  • Page 87 sur 97
  • 1
  • 85
  • 86
  • 87
  • 88
  • 89
  • 97
#3370623
Toujours admiratif devant ce genre d'effort. Bravo pour cette première partie déjà.

Ca serait intéressant d'avoir un focus spécifique sur la prépa justement. On fait quoi pour se préparer à cela ? Déjà des sorties interminables ?
#3370639
Episode 2 :

Première nuit :

La nuit tombe et c’est à la lumière des lampes que je repars. Ceux avec qui j’ai mangés, qui parlaient d’arriver au CP1 il y a quelques heures ont changé de discours. Personnellement, j’aviserai à Aix.
Ce n’est pas encore la haute montagne, mais ça grimpe déjà sur 5/6 km. Je suis dans mon halo de lumière, dans ma bulle. J’apprécie les montées, que je fais en sous-régime, et je reste très prudent dans les descentes. Je décide d’économiser la batterie de ma lampe, ce qui m’oblige à utiliser un mode d’éclairage moins puissant et à descendre plus lentement. Ma lampe ne pouvant se charger et éclairer en même temps, je perdrais plus de temps à devoir m’arrêter pour la recharger qu’en descendant lentement.
A Puyloubier, au pied de Sainte Victoire, c’est une population ivre morte et surexcitée qui me gratifie d’une holà. Je ne suis pas le premier extraterrestre pédalant qu’ils voient passer et ça les amuse.
Eclairée par la lune, Sainte Victoire est magnifique. Je grimpe les yeux fixés sur la montagne pelée. Quel spectacle ! Je perçois le privilège d’en profiter dans ces conditions. Le long faux-plat vers Puyloubier m’avait fait mal, mais de nouveau la vraie côte me fait du bien. C’est avec de bonnes jambes que je descends sur Aix-en-Provence, où le jeu est surtout d’éviter les chauffards alcoolisés qui rentrent des Fêtes de la Musique. En dehors de Cannes, c’est la seule grosse agglomération du parcours et je suis assez content de la traverser de nuit. J’en profite pour m’arrêter dans un night-shop pour y remplir mes bidons. Deux ados le tiennent : « Vas-y, tu es professionnels au moins ? … Non ? Sérieux ? Tu fais ça et tu reçois même pas d’argent ? » C’est à la fois amusant et triste. Les deux sont néanmoins très sympathiques et me chargent les poches de cannettes gratuites.



1h du matin, 350km de fait et 95 km jusqu’au CP1… Le moral est bon, et je prends la décision de pousser jusque-là d’une traite. Je pourrai y dormir dans un vrai lit. Et aborder le Ventoux très peu de temps après une bonne pause. A partir de ce moment, c’est le Géant qui occupe mon esprit.

Au sortir d’Aix, dès le sommet de Puyricard, c’est un spectacle magnifique quoique quelque peu angoissant qui s’offre à moi. Là-bas, vers ce que je m'imagine être le Mont Ventoux, c’est un orage que j'aperçois dont le son me parvient de plus en plus clair et fort au fil des kilomètres. Je peux refaire mes calculs d’orientation dans tous les sens, c’est tout droit vers les éclairs que je me dirige. Et toutes les applications météo de mon téléphone me confirment que ça ne se sera pas calmé le temps d’y parvenir.
Au fur-et-à-mesure des kilomètres, alors que le mental baisse et que les jambes m’abandonnent, je ne sais trop lequel entraînant l’autre, le tonnerre se fait plus menaçant. Au bout d’une quarantaine de kilomètres depuis Aix et alors que mon corps refuse maintenant de s’alimenter, ce qui devait arriver arrive, me voilà sous une pluie intense. L’orage gronde et la lumière de ma lampe suffit à peine. Alors que je traverse un village qui en temps normal devrait être splendide, j’aperçois un coureur arrêté à l’entrée de l'atelier d’une boulangerie. Dans un anglais fatigué, il m’explique avoir chuté dans une petite descente très raide à la sortie du village. Il a cassé des rayons et sa course semble terminée. Voilà qui ne me remonte pas le moral… Je prends le temps de regarder où je me trouve et ce qui me sépare du CP1. Je suis à Roussillon, il me reste le col de Murs à grimper avant le ravito. Je rassemble la volonté qu’il me reste, visualise très fort un matelas et une assiette de pâtes et me relance sous le déluge. La petite descente, après un virage à 300° est effectivement raide et vicieuse. Recouverte de pétales de fleurs tombés sous l’orage, elle offre une parfaite patinoire aux cyclistes fatigués et inattentifs. Je la descends plus que prudemment, et me dirige vers le col de Murs, qui me semble interminable à défaut d’être difficile. Le matin chasse la pluie et, après une longue descente dans la brume, j’arrive au CP1 après un gros 24h de course.

Ventoux :

Au CP1, je ne sais pas comment ont fait les premiers ont fait pour ne pas dormir, ne fut-ce qu’un demi-cycle, pour aller se jeter directement sur un Ventoux balayé par l’orage… Pour moi, ça sera repas tranquille, papote avec les race angels et camarades d’aventure (ça fait bcp de bien après une nuit à pédaler seul), messages avec madame et la famille pour rassurer et raconter, douche et sieste d’1h30. L’un dans l’autre, ça me fait une pause de largement plus de 3h. Gros ravito sommeil et moral, en somme.

J’ai 30km jusque Bédoin, où je prévois de prendre un copieux petit déj’ avant l’ascension du monstre. Quelques petites côtes jusque-là, juste de quoi remarquer que ça grince du côté de mon genou droit. Voilà pour épuiser les ressources morales en moins d’1h. Je fais beaucoup d’efforts pour relativiser, et ça semble fonctionner puisque c’est avec la délectation d’un passionné de vélo que je découvre Bédoin « en vrai ». Ces endroits qu’on connaît sans connaître, parce que tellement vus et revus. Je me goinfre dans une boulangerie, assaisonne le tout d’un petit café serré, fais le plein de ravito chez un vélociste et pars sans plus me poser de questions à l’assaut du Géant.

Affronter pour la première fois ce genre de monstre sacré est toujours intimidant, le faire avec 475km dans les jambes et un "léger" manque de sommeil n’arrange rien à l’affaire. Mon genou grince dès les premières rampes mais, paradoxalement, cette douleur me rassure. Ça ne ressemble pas définitivement pas à une tendinite et, rampe après rampe, je trouve le moyen de passer par-dessus.
« Le Ventoux, c’est à part », cette phrase qu’on entend souvent, on en prend vite la mesure quand, harnaché à son vélo, on rampe plus qu’on ne roule sur ces lignes droites infâmes qui s’étendent du virage de Saint-Estève au Chalet Reynard. Après deux ans sans haute montagne, je réalise de nouveau à quel point on ne « vainc » jamais un grand col, on obtient sa clémence.



D’un côté, je suis soulagé parce que ma douleur semble gérable, d’un autre je suis dans le dur. La particularité d’un ultra, c’est surtout cette succession de félicités et de trous. Sur le Ventoux, je suis dans le trou. Mais j’ai rarement vu plus beau trou. Je suis venu surtout pour profiter, je ne vais pas m'encombrer d'une humeur morose dans un tel endroit. Passé le chalet, où je me suis arrêté plus pour remplir les gourdes et profiter des sanitaires que par réel besoin de me poser, le spectacle dépasse mes plus hautes attentes. C’est à couper le souffle. Je suis tout à la fois dans le mal et dans le bonheur. Au sommet, la vue à 360 degrés me saisit et l’émotion me monte aux yeux. J’y resterais plus longtemps si le vent frais ne m’attaquait pas les os. Le temps de profiter une minute de la vue, d’enfiler ma veste coupe-vent, et je me lance dans la descente avec l’envie de trouver un bon sandwich à Malaucène. Après, c’est la pampa et je ne connais pas bien les localités sur ma route.

Vaucluse et Baronnies provençales :

A Malaucène, je suis soulagé. J'ai atteins la mi-course et ça passe pour les grands cols, même quand je suis mal. Il faut juste espérer que les sensations reviennent. Ce n’est pas pour tout de suite, les petits casse-pattes et la fournaise du Vaucluse me font plus mal au genou que le Mont Chauve.
Du moins pendant une heure. Une pause à une fontaine, et la félicité arrive. Comme par miracle, mon genou se tient à carreau. Je ne sais si c’est mental ou physique, mais le résultat est pareil. Mieux, je me sens aérien. Alors que le long faux plat de 30km pour aller chercher l’enchaînement Perty-Saint Jean m’angoissait, je parviens à le passer en enroulant bien le braquet, m’évitant l’épreuve classique du faux plat franchi à une allure d’escargot, quand le jus se fait rare.
Je me fixe alors comme objectif de terminer l’enchaînement et d’atteindre les gorges de la Méouge avant la nuit. Le col de Perty, en plus d’être facile, est splendide. La lumière du soir, la beauté des lieux, les jambes qui répondent,… Je suis entièrement dans le moment présent et je profite. C'est exactement pour pouvoir vivre ce genre de moment que je me suis entraîné, c’est une joie d’y parvenir.



Saint Jean est plus dur, plus pentu, mais les jambes continuent d’être aussi qualitatives que le spectacle. En plus de l’aspect de l’environnement, je n’ai croisé que des biches depuis l’approche de Perty. La nuit tombe, et je ne suis pas mécontent de profiter des derniers instants de clarté pour descendre le col Saint Jean. Route étroite, gravillons, pentes sévères, cette descente a tout pour être un cauchemar de nuit.
Pas une voiture, pas un humain. Si j’apprécie la chose, le ventre commence à gargouiller. Je réalise peu à peu que mes réserves seront justes pour la nuit et je me promets de m’arrêter au premier endroit que je croiserai où de la nourriture sera disponible. Hôtel, restaurant, ou les deux à la fois, ou même particuliers si je croise âme qui vive. C’est chose faite à Serre des Ormes où j'aperçois de la lumière aux fenêtre d'un hôtel-restaurant. La salle est vide, mais la cuisine toujours ouverte. Je commande une grosse assiette de pâtes. Alors que la télé fonctionne à fond de balle, je me rends compte à quel point, en deux jours, je me suis écarté du monde « réel ». Peut-être le fait que j’ai passé la journée sans croiser personne, le passage des infos me paraît incongru, étranger.

Je ne suis pas assis depuis 10 minutes qu’un concurrent s’arrête. Il a réservé une chambre pour la nuit, il est rincé. J’en profite pour faire le point. 600km de faits, encore 135 jusqu’au CP2 à Guillestre. Dilemme, les jambes sont bonnes, mais la route est longue et le profil piégeux jusque-là. La remontée vers le lac de Serre-Ponçon et les Hautes Alpes constituent exactement le genre de choses que j’exècre. Ça monte sans vraiment monter, c’est insidieux, ça favorise la puissance et c’est épuisant mentalement. Sur un coup de tête, alors que j’étais plus parti dans l’idée de pousser jusqu’au CP2, je demande à l’aubergiste si une chambre est disponible pour y dormir 2h. La réponse est affirmative et je décide de prendre une douche et de faire une sieste.

Vers le CP2 :

Le réveil pique. Il fait nuit et frais. En plus du profil, j’ai à l’esprit des réserves de nourriture un peu courtes. Bref, plus vite je serai au CP2, mieux ce sera. Malheureusement, la sieste semble m’avoir plus coupé les jambes qu’autre chose et je me traîne péniblement de petites côtes et longs faux-plats en plus petites descentes et faux-plats descendants. Ainsi va la lente prise d'altitude. Déjà deux points d’eaux que j’ai notés sur mon parcours qui sont taris. En plus de la bouffe, me voilà à cours de liquide. Comme la veille, la période de 4 à 6h du matin est très compliquée mentalement. Il fait très froid et je n’ai pas de jus.
Enfin arrivé à l’approche du lac et alors que le soleil se lève, je sais que j’ai deux petits cols à franchir avant de rejoindre Embrun. Le premier, Saint Apollinaire, semble facile sur papier, le second plus raide. En fait, le premier est assez irrégulier? ce qui le rend plus compliqué en réalité que sur papier, et le second est une horreur. Après le trou, la félicité. Après la félicité, le trou,… Néanmoins, je préfère de nouveau quand ça grimpe franchement.
Au sommet de Saint Apollinaire, j’aperçois un panneau qui me fait sourire. Il m’indique Réallon, un village dans lequel j’ai passé une semaine de vacances scolaires il y a de ça tout juste 20 ans. Si on m’avait dit que j’y repasserais quelque part autour de mon 700e km d’affilée d’une course de vélo…
Le parcours n’y passe toutefois pas et me fait redescendre vers le lac. Vue sublime mais moral un peu au bout, à l'image de mes réserves de nourriture. Au pied de la descente, juste avant le pont traversant le lac jusque Savine-le-Lac, le parcours nous fait bifurquer vers le village de Puy-Sanières via une côte infâme. Evidemment, je l’aurais adorée en d’autres circonstances. J’aurais ri de ses pentes infernales sur environ 5km, pas de quoi se fatiguer, juste de quoi s’amuser dans un décor de dingue. Mais l’humeur n’est pas à la fête, ni même à la blague. En pénétrant dans l’agitation matinale d’Embrun, je m’arrête dans le café le plus vide pour me faire servir un café le plus rapidement possible et, si possible, un petit-déjeuner. Je dois attendre 5 bonnes minutes pour passer commande et 20 bonnes de plus pour la recevoir alors que les croissants promis sont finalement absents ce matin-là. J’avale mon café et repars d’une humeur massacrante. J’ai tout juste 20km jusqu’au CP2 et je viens de perdre une grosse demi-heure pour rien. Je n’ai plus rien à avaler et je suis en fringale totale. Ces 20km sont un calvaire. Evidemment, la trace nous emmène de point de vue en point de vue sur la vallée. Mais les côtes m’y amenant ne constituent plus dans mon esprit que des obstacles sur ma route jusqu’au CP2. Auquel j’arrive complètement vidé.
En levant les yeux, je croise le regard de Vars, imagine celui la Bonette derrière...
Dernière édition par JohanMusée le 17 août 2021, 13:23, édité 1 fois.
#3370640
CopeauDeFausti a écrit :
14 août 2021, 12:29
Les photos sont .... :ouch: :w00t:

On attend la suite, beau récit, et quelle aventure! :agenou:
Les photos sont là grâce à l'organisation, qui est vraiment top de chez top. Il faut vraiment le souligner. Que des sourires, que des mots justes aux moments justes. Bref, si vous voulez vous lancer dans l'aventure, aucun souci à se faire de ce côté-là.
Du coup je mets en lien la vidéo de la reconnaissance de l'épreuve faite il y a un an

https://www.youtube.com/watch?v=HyVAsXj ... =BikingMan
#3370643
On3 a écrit :
16 août 2021, 09:36
Et les mecs qui étaient au resto après 100km, t'es sûr qu'ils étaient bien sur l'épreuve ? :elephant:
Avec les plaques de cadre, les vélos chargés et les frontales sur les casques, les participants de ce genre de courses sont pas très discrets :hehe:
Beaucoup sont partis beaucoup trop vite et l'ont doublement payé avec le coup de chaud de l'aprem. Beaucoup d'abandons la première nuit de gars qui avançaient plus et plus capables de s'alimenter, j'ai l'impression.
En regardant l'évolution de live en temps réel après l'épreuve (ce qu'il est possible de faire via le site), sur l'aprem et la nuit de la première journée, je suis remonté d'une cinquantaine de places. Juste en gardant mon rythme
#3371203
Dernier épisode :

Deux monstres :

Au CP, les idées se bousculent. Premièrement, trouver de quoi me ravitailler quand je repartirai, deuxièmement, combien de temps dormir ? Troisièmement, se préparer mentalement à ce qui vient tout de suite : l’enchaînement Vars-Bonette. 2500m de dénivelé jusque pas loin de 2800m d’altitude, et quelques heures de col à peine interrompues par la descente Vars-Jausiers. Je discute avec les gens présents, me rassure quelque peu. 50 minutes d’une sieste un peu lâche, une très grosse portion de pâtes, et un crochet par une boulangerie, me voilà au pied du pinacle du parcours. Comme au pied du Ventoux, c’est dans un mélange de stress et d’impatience que j’aborde les premières rampes. « Lentement, à ton rythme. C’est régulier, si ça se passe bien maintenant, ça se passera bien dans 20 bornes ». La chaleur de Guillestre me quitte assez vite pour une fraîcheur de plus en plus piquante. L’altitude et les nuages se font sentir. La station de Vars, désertée, me laisse une impression glauque. Les jambes sont bonnes, et la tactique du mètre après mètre fonctionne. Comme quoi, ma fin de nuit compliquée résultait sans doute surtout d’un manque d’alimentation. J’arrive au sommet sans problème et en n’ayant mis pied à terre que pour remplir un bidon à une fontaine. Je suis heureux de passer Vars facilement, mais je reste conscient qu’il s’agit seulement d’un apéritif.



La Bonette arrive. 22km, de l’altitude, de la fatigue,… Et toujours ce même mélange d’impatience et d’appréhension. Les premiers kilomètres se passent sans encombre, sur le même rythme que Vars. Le décor, de très beau, se fait petit à petit grandiose. La végétation se raréfie, la nature bombe le torse. Quel bonheur de se dire que j’en suis à pas loin de 800km et encore en état de grimper des grands cols, d’en profiter ! Je vais peut-être bien la terminer, cette course ! Puis d’un coup net, en l’espace de quelques centaines de mètres, c’est le trou noir. Je n’ai pas mal aux jambes, mais je n’ai plus de jus. Comme si les plombs avaient sauté d’un coup. Je suis à quasiment 10km d’ascension, presque la moitié, et c’est le moment providentiel choisi par la voiture du cameraman de l’organisation pour me retrouver.
« Ca va ?
Je suis dans le dur.
Oui ?
Oui, ça fait un kilomètre, d’un coup. D’ici quelques centaines de mètres on est à mi-pente, je vais faire une pause ».
Ni une, ni deux. La voiture s’arrête aussi et c’est en discutant sous l’œil mi-voyeur, mi-compatissant mais totalement sympathique de la caméra que je me pose. On discute, et finalement je profite du spectacle que m’offre l’endroit.
Au bout d’un gros quart d’heure, je repars. Mais le courant ne revient pas. Je me traîne jusqu’aux cimes, sous le regard circonspect de dizaines de marmottes.



J’ai froid, mon GPS m’indique 2 degrés. Avec pour surcouche mon seul coupe-vent, je suis heureux de passer la Bonette encore de jour. Je m’arrête au sommet, à peine le temps de prendre une photo, je suis frigorifié. La descente ne fait bien sûr rien à l’affaire. Il n’est plus question de profiter de quoi que ce soit, juste d’arriver le plus vite possible en bas, à Saint-Etienne de Tinée. Où, toujours congelé malgré les 25 degrés, j’ère d’hôtel en hôtel pour trouver un lit. Au quatrième, miracle : « On est complet, mais j’ai un appartement neuf si vous voulez ? » Tu parles que je veux. Quelle joie ! Je commande la pizza la plus calorique, l’avale en 5 minutes chrono, et me rue jusqu’à l’appartement. La douche, mon dieu quel bonheur ! Un quart d’heure pour me réchauffer sous ses jets brûlants.

De nouveau les calculs. Il me reste 210km. J’ai passé la Bonette, mais il me reste plus de 4000m de dénivelé et encore de très gros morceaux. Surtout que les 80 derniers kilomètres sont en descente ou plats. Donc plus de 4000m en 130km… Je décide de dormir 3h, et la prochaine pause sera au Cannet.

Dernier round :

Le réveil pique de nouveau, mes vêtements sont encore humides de transpiration et les réenfiler ne se fait pas dans la gaieté. Heureusement, le fond de l'air est tiède malgré les 1100m d’altitude. En plus, c’est 30km de descente qui m’attendent jusqu’au pied du prochain grand morceau : la Couillole. Mais merde, ça veut dire 4000m de dénivelé en 100km, ça ? Il faudra encore prendre mètre après mètre.
Après Saint Etienne de Tinée, Saint Sauveur sur Tinée pour aller chercher le pied du dernier col HC. De tout en bas, alors qu’il fait nuit noire, on aperçoit perché sur la montagne le village de Roubion, éclairé dans la nuit. Je ne vois rien, juste ce point lumineux, qui paraît beaucoup trop haut et proche à la fois pour que la route y mène sans prendre des échelles. Cette route, dans un état très moyen, semble creusée dans la roche. Des tunnels m’en confirment l’idée. Mètre après mètre, dans mon halo de lumière, j’avance. Je ne sais pas si je suis bien, si je suis mal. Je sais juste que j’avance. La pente est raide, mais chaque coup de pédale, facile ou pas, me rapproche de l’arrivée. A mon grand désappointement, Roubion n’est pas le sommet du col et il me reste encore quelques kilomètres des 16 à franchir avant d’arriver réellement au sommet.
Passé le sommet, pas vraiment de descente, ou à peine. Juste de quoi m’amener au pied du Valberg. Qui ressemble plus à un faux plat qu’à autre chose quand on le grimpe après la Couillole. Je descends le col de Valberg sous les dernières ombres de la nuit. Au bas, le soleil se lève sur le Var. Quel pied ! Je sais qu’il me reste l’enchaînement col du Buis – col de Bleine, et que Buis est terrible, mais je prends surtout conscience qu’après ça, c’est tout droit vers la Côte d’Azur! Et pour ne rien gâcher, on dirait que mes jambes tournent de mieux en mieux. Profiter de la route à flanc de falaises jusqu’à Entrevaux dans ces conditions, je n’en rêvais pas dans mes plus beaux rêves…



A Entrevaux, je me dirige tout droit vers la première boulangerie ouverte. Je ne suis pas son premier client. Fluorescent, un camarade de course termine son déjeuner sur le porche. On s’échange quelques paroles avant qu’il parte. Il me dit qu’il est dans le dur et que je ne devrais pas tarder à le rattraper. Je veux bien le croire, mais Buis me fait peur. En plus, je dois faire la grosse commission et la boulangerie n’a pas de toilettes. Je perds 10 minutes dans un café qui ne me donne accès aux sanitaires que sous réserve d’une commande. 920 bornes dans les pattes ne semblent pas suffisantes pour attirer la générosité.
Le col du Buis, c’est 3km à 12% de moyenne. De quoi ravir des guiboles quelque peu usées par les jours de selle. Mais pour y accéder, la trace nous fait d’abord passer par une addition de raidards via une petite route perdue. Et là, sur les premières pentes à 10%, je sens que j’ai des jambes de feu. C’est con, mais maintenant qu’il me l’a dit, je veux le rattraper, ce concurrent. Le calcul est vite fait : après ça, c’est Bleine, et après Bleine, c’est que de la descente.
Au carrefour qui situe le pied du col du Buis, un autre cyclo me passe, venant de l’autre route. Dans ses vêtements tout frais, il me prend rapidement 20m. Je ne cherche pas spécialement à m’accrocher, mais je vois qu’il plafonne et, vu que mes jambes semblent bonnes, je me prends au jeu. Sans doute un peu chatouillé par ce cyclo chargé qui s’accroche à ses guêtres, mon nouvel ami en remet une. A mon grand bonheur, je n’ai aucun mal à le suivre et mes jambes semblent décidément avoir décidé de défier la logique et la fatigue. Mieux, je le remonte et le dépose alors que les pourcentages flirtent avec les 20%. Je pète des flammes et j’en remets à chaque fois que la route passe de 10 à 14/15% ! Merde, un troupeau de moutons ! Je suis obligé de mettre pied à terre, de traverser le troupeau, et de me relancer sur une pente à plus de 10%... Mais le premier virage passé, j’aperçois mon concurrent. Il zigzague sur toute la largeur de la route, je le passe en quelques coups de pédale alors que le sommet arrive juste.
Strava me confirmera plus tard que je suis sans doute celui de la course à avoir passé le Buis le rapidement, et d’assez loin. Malgré les moutons. Je serai même le premier chrono de la semaine…
Dans la descente pour rejoindre le col de Bleine, je m’arrête à une fontaine. Mon ami cyclo me rattrape et on engage la conversation, il est hollandais. Je lui explique pourquoi je suis chargé et, presque honteusement, que j’en suis presque à 950 km de course… Devant son air un peu désabusé, je m’excuse en lui expliquant que je ne comprends pas non plus ce qui m’arrive.
Alors que mon concurrent nous a aussi rejoints dans la descente, ils explosent dans ma roue dès les premiers mètres de Bleine. Les pourcentages y sont beaucoup moins terrifiants et me conviennent moins, mais je pense que le Buis les a cramés. De mon côté, c’est en pleine euphorie que je grimpe ce dernier col du périple et que je bascule pour une descente de plus de trente bornes. Presque déçu que le col soit déjà terminé.

Je profite de mon état de forme pour apprécier les paysages. J’ai hâte d’apercevoir les premiers reflets de cette mer que j’ai quittée des yeux il y a plus de 70 heures ! Hâte de revoir ma compagne, de passer des moments avec elle. De se dire que ces weekends à se lever à 5/6h, pour aller rouler au lieu de profiter des grasses matinées avec elle, étaient pas toujours faciles mais qu’ils ont payés.
C’est un torrent de pensées et d’émotions qui bouillonnent en moi sur ces kilomètres de descente. Je l’ai fait bordel ! Comme dirait un célèbre un consultant sportif belge.
Très vite, la mer est là. Encore 30km de front de mer avant l’arrivée. Malheureusement, dans ce coin du monde, qui dit mer dit aussi circulation de dingue. Les embouteillages, mais aussi un vent à décorner les bœufs rythment les derniers instants du périple. Un autre concurrent, que j’avais dépassé sans le voir, me rejoint et me double. Il s’excite un peu dans les embouteillages et joue à l’acrobate entre les tonnes d’aciers. Ce n’est pas mon truc et je le laisse filer assez vite. Je n’ai pas l’intention de passer mes derniers kilomètres dans le stress, je veux en profiter. De toute façon, face au vent, il est bien plus puissant et meilleur que moi.
Quelques kilomètres, Cannes, la remontée vers le Cannet, le tapis rouge… Ça y est. 78h de vélo, 20.000m de dénivelé positif, des paysages à n’en plus finir,… Mais aussi des mois de préparation physique et mentale. Un long chemin à travers soi-même qui en valait la peine
Dernière édition par JohanMusée le 17 août 2021, 14:39, édité 1 fois.
#3371599
Un peu HS et geek, mais j'ai capté qu'on pouvait faire des profils sympas avec nos sorties strava, simplement en utilisant le site La-Flamme-Rouge! Il suffit d'exporter puis d'importer le GPX. Je trouve que c'est cool pour marquer le coup après une grosse sortie.

Exemple, en reprenant la sortie de On3 et Allobroges :

Image

Image
#3371620
Xav_38 a écrit :
17 août 2021, 22:12
Faire monter par Puy Sanière depuis Savine, avec les kilomètres que vous avez dans les pattes... je dois avouer que c'est un peu du vice de la part des organisateurs...
C'était involontaire de leur part. C'est un détour de dernière minute dû à une route fermée.
On s'en serait bien passé :sweat: , même si c'est exactement le genre de route que j'aurais adorée dans un contexte "normal"
#3371621
Oui alors, je tiens à préciser qu'Allobroges n'a fait qu'Hautacam, et il s'est arrêté au parking.

Essayons d'être un peu factuels. :elephant: :elephant:

(Allez, à sa décharge il avait pris une maxi pelle en VTT quelques jours avant, et comme dirait un célèbre commentateur "une chute n'est jamais anodine"
À ce propos Allobroges, ta femme a continué de t'aider à enfiler tes chaussures et de te nettoyer le dos après cette sortie ? Ou le subterfuge a pris fin et tu as du participer de nouveau aux tâches ménagères ? :elephant: )
#3371629
C'est pire que ça: je suis allé faire des radios le lendemain et je crois que cette sortie n'a pas arrangé ma contusion à la cuisse (qui attaque mon genou à l'heure où j'écris...) Je dors très mal avec l'impression que ma jambe est difficilement alimentée par le flux sanguin habituel... :reflexion:

J'ai rdv demain avec le médecin pour faire le point mais mes trails de septembre sont plus que compromis... :sarcastic:
  • 1
  • 85
  • 86
  • 87
  • 88
  • 89
  • 97
Groupama-FDJ 2024

Le problème pour Kung à la GFDJ, c'e[…]

De la famille de Lotte ? De la famille de Toma[…]

ITZULIA BASQUE COUNTRY 2.WT2

BIANCHI ROGLIČ Primož PRICE-PEJTERSEN Johan[…]

élimination 2024 féminine

583 encore en course 1664 27271 53x12 55-13 7LM A[…]

Toute l'actualité cycliste sur notre site   Accéder au site