- 14 juin 2022, 09:07
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La dernière interview de Jéjé dans Ouest-France :
"Jérôme Pineau, le manager de l’équipe B&B Hôtels, n’avait pas hésité à hausser le ton depuis quelques semaines après le début de saison manqué de son équipe. Il a notamment critiqué à de nombreuses reprises ses coureurs. Alors que le Critérium du Dauphiné l’a rassuré, il fait le point. Et assure avoir fait son mea culpa devant ses troupes.
Après une première partie de saison très moyenne, l’équipe B&B Hôtels a rectifié le tir, sur le Critérium du Dauphiné, la semaine dernière. La formation bretonne, qui évolue en Continental Pro (D2 mondiale), a placé de nombreux hommes à l’avant toute la semaine. Et Pierre Rolland (35 ans) a décroché le maillot de meilleur grimpeur.
Jérôme Pineau, quel bilan faites-vous de ce Dauphiné ?
Le bilan est bon. Si l’on compare à ce qu’on faisait il y a trois mois, c’est même excellent ! Les coureurs ont retrouvé des couleurs. On a fait le Dauphiné qu’on doit faire, je rappelle qu’on était les plus petits sur cette course. On a beaucoup mis en avant mon coup de gueule, mais ça n’est pas ça, ce sont les coureurs qui ont compris que ça suffisait de se faire taper dessus tous les week-ends. Ça n’est encore pas excellent, on vient pour gagner des courses, pas pour faire deuxième, mais on a retrouvé leur vrai visage. On a retrouvé le vrai Pierre Rolland. Franck Bonnamour va très bien, on a eu des révélations comme Schönberger. Voilà, on a loupé toute la première partie de saison, mais comme par hasard, à l’approche des grands rendez-vous, des grandes sélections, certains se réveillent. Tant mieux, mieux vaut tard que jamais. Après, on a remis les doigts dans la prise au moment où il faut, comme sur Paris- Nice d’ailleurs. Mais on l’a fait une fois, deux fois, et à un moment donné ce raisonnement-là ne passera pas toujours.
Qu’est-ce qui a manqué ?
On a manqué notre hiver, oui. Peut-être que le départ de deux cadres (Coquard et Pacher) a fait que certains se sont imaginés être au Tour plus facilement. Malheureusement, ils ont oublié une chose, de travailler. Quand on a des coureurs de talents mais qui ne sont pas des supers champions, quand on n’est pas à 100 % de ses capacités, on ne peut pas briller. Mais peut-être que moi aussi, j’ai été mauvais. J’ai dit des choses à mes gars, mais ils ont trop parlé et ça a fini dans la presse. Ce que je leur ai dit, c’est de se remettre au travail. On s’est tous remis au travail. J’ai aussi fait mon mea culpa en disant « Ai-je été trop absent ? » On avait besoin d’un capitaine et peut-être que j’étais trop occupé à faire d’autres choses, à assurer la pérennité du projet. Me voir plus, ça leur a fait du bien aussi, et je l’ai compris.
« Les coureurs, si on ne les pousse pas au c... »
Vous avez ressenti le besoin de pousser un gros coup de gueule, notamment dans une interview au journal Le Télégramme…
Oui, comme tout patron qui sent que sa société ne va pas bien. C’est mon rôle. Je suis avant tout chef d’entreprise, et quand l’entreprise est financée par des beaux partenaires qui ne retrouvent plus les valeurs du projet, la manière, il faut pousser un coup de gueule. Il y avait un état d’endormissement général. On était en état léthargique, on attendait que ça nous tombe dessus en fait.
Vous ne vous êtes pas accrochés avec vos propres coureurs ?
Il y en a eu, hein, bien sûr ! Certains se sont plaints de petites choses, bien sûr. Après, j’ai parlé à mes gars, mais après certains de mes mots se sont retrouvés dans la presse… Et je sais ce que j’ai dit. J’ai dit à certains qu’ils étaient en fin de contrat, donc qu’ils devaient se bouger. Et à certains, j’ai aussi dit que s’ils en avaient marre, je ne les forçais pas de rester… Voilà, là, on a fait ce qu’il fallait pour redresser la barre. On est de nouveau dans les clous sur des courses comme le Dauphiné. On revient à hauteur de nos amis d’Uno-X, qu’on veut présenter comme une meilleure équipe que nous. J’ai dit aux coureurs qu’ils n’étaient pas plus beaux que nous.
Avez-vous eu le sentiment d’avoir été trahi par des coureurs ?
Non, car j’aurais pu être à leur place. Je n’ai pas oublié qui j’étais. Quand on a, parfois, cette sensation de faire ce qu’on veut. Les coureurs, ce sont des bêtes fragiles. Si on ne les pousse pas au cul, ils restent dans une zone de confort. Mais n’oubliez pas, aussi, qu’on a eu Bonnamour deux mois arrêté à cause d’une blessure, Schönberger aussi, Barthe l’a été également, et dix-huit coureurs ont été positifs au Covid. On a dû jongler sans arrêt avec l’effectif.
« Il nous faut un sprinteur qui gagne sur du plat »
La pérennité de l’équipe va-t-elle dépendre du Tour ?
Non. Elle dépend beaucoup de moi, si je bosse bien ou pas (rires). Mais oui, évidemment qu’elle dépend du sport. Il faut faire attention à ce qu’on peut promettre et pas promettre. On est en train de travailler, d’avancer. On est tous très ambitieux. Si les coureurs m’aident en ayant de bons résultats, ça va me faciliter les choses, mais il faut savoir que B & B est encore engagé, que d’autres partenaires le sont aussi. Après, on arrive à un croisement des chemins. On voit que pour être dans les deux premiers de Continental Pro, il faut 15 millions d’euros de budget, le nôtre c’est 7,8 millions. Donc il en manque. C’est à moi de travailler.
Quelle va être la ligne de votre prochain recrutement ?
On sait qu’il va falloir se renforcer. On va essayer d’aller chercher des coureurs capables de briller sur des courses par étapes. C’est primordial. On doit se renforcer dans tous les domaines. Un sprinteur ? Même si Luca Mozzato va rester pendant longtemps, on sait ce qu’il est capable de faire mais on sait aussi ce qu’il n’est pas capable de faire. Et il nous faut donc aussi un sprinteur capable de gagner quand il y a 200 mecs, à plat. On recherche des coureurs qui ont nos valeurs, de la simplicité. Encore une fois, on a beau passer à la télé, on ne fait que du vélo, on n’a rien inventé, on est là pour distraire les gens et se faire plaisir…"
On voit que le ton change et qu'il fait son auto-critique, ce qui est vraiment appréciable. On est sur de l'apaisement avant d'entamer les grosses échéances à venir. La bonne nouvelle, en espérant que ce soit acté, c'est que Mozzato resterait, son départ ferait quand même du mal à l'équipe car c'est un profil difficile à retrouver en Conti Pro. Seul bémol, qu'il soit tomber dans le panneau de la pseudo-rivalité, montée par les journalistes et les suiveurs, avec Uno-X. Rivalité que je ne trouve pas super saine car on est sur des projets différents et des armes sportives différentes mais bon, en soit, ce n'est pas le plus important de l'article, loin de là.
Le canard, c'est la vie.