Je n'ai pas voulu mettre l'article au départ car le journal était en vente aujourd'hui (respect pour le travail effectué par le Télégramme concernant le cyclisme) mais puisque la journée se termine, voici cette interview de Barguil :
Il ne s’était pas confié depuis longtemps… Avant de s’envoler pour l’Italie où, la semaine prochaine, il disputera les deux dernières courses de sa saison, Warren Barguil s’est livré, mercredi après-midi, à deux pas de la Cité de la voile Eric-Tabarly, à Lorient. Sans éluder aucune question. Le meilleur grimpeur et double vainqueur d’étape sur leTour de France 2017 attendait autre chose de la « saison d’après ». Il sait qu’il bénéficie de circonstances atténuantes. Affecté par les critiques, le Morbihannais se dit également persuadé qu’il en sortira plus fort.
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Warren Barguil, vous avez abandonné les Mondiaux d’Innsbrück sur chute, dimanche dernier. Prenons d’abord de vos
nouvelles ?
Je me suis bien brûlé sur tout le côté droit, ma tête a également tapé le sol, je suis encore un peu courbaturé mais ça va. En Autriche, j’étais davantage touché moralement que physiquement.
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Racontez-nous votre chute et ses conséquences…
Je venais de changer de vélo, je remontais la file des voitures et, dans un virage à angle droit, ma roue arrière s’est dérobée. Je n’ai pas trop compris. Il y avait une pellicule de peinture sur la route, c’est peut-être dû à cela. Plus tard, j’ai appris que Roglic était tombé au même endroit et Tony (Gallopin) m’a avoué qu’il avait également failli partir à la faute
dans ce virage. Sur le coup, j’étais un peu sonné mais j’espérais reprendre ma place dans le peloton. Malheureusement pour moi, un commissaire a fait barrage. Je lui ai montré que j’étais éraflé de partout, il n’a rien voulu savoir, j’ai été contraint d’abandonner. Roglic, lui, a pu bénéficier de l’abri des voitures pour rentrer. Deux poids, deux mesures. C’est frustrant.
> Quand vous vous êtes retrouvé à terre, vous paraissiez dépité, comme si une sorte de malédiction ne vous quittait pas
cette saison…
C’est exactement ça… Dans ma tête, je me disais que ce n’était pas possible, que je n’avais vraiment pas de chance. Depuis le Tour d’Allemagne (6e),j’étais reparti sur de bonnes bases, j’avais obtenu un podium en Wallonie (3e), j’avais répondu présent en Italie (deux places de 10e), j’étais parti en stage à Nice, j’avais bien travaillé afin de réussir ce come-back, j’avais eu cet ascenseur émotionnel avec ma non-sélection puis ma sélection pour les Mondiaux et là, je tombe ! L’an dernier, je ne serais jamais tombé dans ce virage.
> Dimanche soir, n’étiez-vous pas tenté de tourner la page et de mettre un terme à votre saison ?
Non, surtout pas ! Franchement, si je m’étais arrêté à cela, j’aurais pu finir ma saison après le Tour de France. Certains l’ont déjà fait. Moi, je ne lâche rien, je ne lâcherai rien ! À cette période de la saison, beaucoup ont débranché. Personnellement, je suis encore super motivé. Je vais disputer Milan-Turin, mercredi, et le Tour de Lombardie, samedi.
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Ce sera le point final d’une saison qui n’a pas été simple….
Pour ne rien vous cacher, je m’attendais à vivre une année compliquée. J’en avais parlé avec mon entourage, je sais très bien que ce n’est jamais facile de confirmer. Bon, je ne m’attendais quand même pas à cette saison un peu galère. L’an dernier, tout me souriait, j’avais réalisé un super Tour, j’avais été super encouragé, je m’étais marié. Cette année, je
n’ai pas eu les résultats espérés, j’ai connu des problèmes de santé, j’ai perdu ma mamie et j’ai été énormément critiqué. Énormément.
> On vous sent blessé…
La critique était parfois justifiée, mais beaucoup de gens ont profité des réseaux sociaux comme d’un défouloir et je leur ai servi de punching ball. Cela m’a blessé, c’était parfois d’une telle violence, c’était cruel. Toutes ces conneries m’ont flingué. Bon, c’est un peu de ma faute, je leur ai donné beaucoup trop d’importance. Ma femme me l’a dit, je me suis beaucoup trop pris la tête avec tout ça. C’est fini, je saurai désormais faire la part des choses.
> Sportivement, pourquoi ça ne l’a pas fait ?
En termes de résultat, je n’ai jamais été à la rue, j’étais souvent parmi les 20-30 premiers. J’étais même assez régulier (il sourit). Évidemment, j’attendais beaucoup mieux que ça, j’espérais des tops 10. Après, tout s’explique. Sans chercher
d’excuses, j’ai changé d’équipe, de matériel, d’entraîneur et j’ai re-changé d’entraîneur en cours de saison. Et puis, je n’ai pas été épargné : j’ai eu cette bactérie à l’estomac en mars qui m’empêchait de monter dans les watts, j’ai été embêté par mes allergies au pollen en avril et il y a eu le décès de ma grand-mère avant le Tour de France.
> Avez-vous l’impression de vous êtes dispersé l’hiver dernier ?
Il ne faut jamais rien regretter dans la vie. Maintenant, j’ai peut-être un peu trop décompressé en fin de saison dernière. J’ai également voulu profiter au maximum de ma lune de miel, je n’ai repris l’entraînement que fin novembre. Est-ce que cela a joué sur mes résultats ? Je n’en sais rien. J’aurais peutêtre dû parfois dire non à certaines sollicitations. Maintenant, contrairement à ce que j’ai pu lire, je ne me suis pas moins entraîné, j’ai été aussi studieux, j’ai juste effectué moins d’intensité. Au haut niveau, cela se joue tellement sur des détails : il ne me manquait peut-être que 5 % pour terminer dans
le top 10 de Paris-Nice et du Tour de Catalogne. Et ces 5 %, je les ai sans doute perdus sur l’aspect mental, en me prenant la tête sur les réseaux sociaux ou pour des raisons diverses. Je ferai bien attention à tout cela en 2019.
> Vous aviez surpris tout le monde, l’an dernier, en signant chez Fortuneo-Samsic. Regrettez-vous votre choix ?
Je suis assez grand pour me fixer ma ligne de conduite. Soyons clairs, je n’ai jamais regretté ma décision. Chez Fortuneo-Samsic, j’ai trouvé ce que j’étais venu chercher, je m’y sens bien. Même si mon choix d’équipe m’a empêché de disputer le
Tour d’Espagne et que j’avais un peu les boules de le suivre dans mon canapé, je n’ai aucune intention de partir.
> Avant le Tour d’Espagne, il y a eu le Tour de France où vous étiez attendu au tournant. Comment jugez-vous votre
prestation ?
Correcte. Après le décès de ma mamie, je ne voulais pas aller au Dauphiné. J’y suis quand même allé, j’ai réalisé un prologue complètement nul, je n’avais pas la tête à cela et je me suis encore fait assassiner sur les réseaux. J’ai relevé la tête aux championnats de France (7e) puis je me suis mis beaucoup trop de pression sur le Tour à vouloir aller toujours dans les échappées. J’aurais dû cibler davantage, j’ai fait un peu n’importe quoi.
> Vous auriez peut-être dû jouer un bon classement général, non ?
Oui, je reconnais que j’ai fait une erreur. J’aurais dû me prendre au jeu du général. Quand je vois que je termine 17e du Tour sans avoir joué le classement général, je me dis que j’aurais peut-être fini dans le top 10 si je m’étais concentré là-dessus. Physiquement, je n’étais sans doute pas très loin de mon niveau de 2017. Malheureusement, je suis arrivé avec une confiance quasi nulle au départ. Je me suis battu avec mes moyens.
> Et sur votre nouveau vélo… Cette histoire (Fortuneo-Samsic a cassé son contrat avec Look dix jours avant le Grand
départ de Vendée) vous a-t-elle perturbé ?
Qu’est-ce que j’en ai entendu, là encore… Ce n’était pas un caprice de ma part. Si j’avais eu un problème avec cette marque, je ne serais jamais venu chez Fortuneo-Samsic. Il y avait des soucis entre l’équipe et Look, le contrat a été rompu, point. Je n’en suis pas responsable.
> On vous imagine déjà revanchard en 2019…
Je l’espère. Je vais d’abord bien me reposer, physiquement et mentalement. J’en ai besoin. Je reprendrai ensuite l’entraînement début novembre, presque un mois plus tôt que d’habitude. Evidemment, Je pense déjà à la saison prochaine. Je sais que je ne suis pas fini.