- 24 avr. 2022, 20:43
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Manager général de l’équipe B & B Hôtels-KTM, Jérôme Pineau n’est pas du tout satisfait du début de saison de son équipe. La veille du départ du Tour de Bretagne, il ne s’en cache pas et hausse le ton.
On imagine que vous n’êtes pas satisfait du début de saison de votre équipe…
On n’est pas dans le positif, on ne va pas se le cacher… On a fait un bon Paris-Nice et des classiques flandriennes satisfaisantes mais à part deux ou trois coups d’éclat sur le Circuit de la Sarthe où l’on a manqué de chance, on n’a pas brillé sur des courses qui sont à notre niveau. Et oui, cela m’enquiquine beaucoup. Je suis déçu, très déçu.
Comment l’expliquez-vous ?
Comme toutes les équipes, on a été touché par le covid : 18 de nos 24 coureurs ont attrapé le virus en deux mois. À l’image de Franck Bonnamour, on n’a pas non plus été épargné les chutes. On a aussi perdu deux de nos meilleurs éléments sur blessures lourdes (Schönberger et Barthe). Quand une équipe comme la nôtre perd ses coureurs les plus importants, vous savez… Je suis déçu des résultats mais je n’oublie pas tous les pépins que l’on a eus.
J’attends plus au niveau de l’engagement
Certains de vos coureurs vous déçoivent-ils ?
Oui, je ne vais pas citer de nom. Ils le savent. Certains ont eu du mal à remettre en route, certains ont également du mal à se remettre en question et ça, c’est plus embêtant. Le peloton avance de plus en plus vite et il faut être au millimètre. Lorsque l’on n’y est pas, cela se ressent dans les résultats. Il ne faut pas attendre que cela nous tombe dessus. Il faut travailler à la maison… On a fait tout ce qu’il fallait l’hiver en stage et je pense que certains de mes coureurs manquent de rigueur lorsqu’ils sont à la maison. J’attends plus au niveau de l’engagement.
Êtes-vous monté au créneau ?
Oui, j’ai tapé du poing sur la table, il n’y a pas si longtemps. En interne. Ils ont pris… On n’a pas le budget d’Ineos ni d’Arkéa. Mais vis-à-vis de mes partenaires, j’estime recevoir en retour un investissement minimum d’un coureur professionnel. Je ne l’ai pas toujours. J’ai demandé à mes gars de se ressaisir, d’être fier de l’équipe, de leur métier. Ils font quand même un beau métier. Quand on voit la période que l’on traverse, c’est sympa d’être coureur cycliste. Il faut qu’ils en soient conscients et qu’ils aient envie que cela continue. Parce que pour certains, cela ne durera peut-être pas longtemps… Cela me fait chier de m’excuser auprès de mes partenaires parce que l’on n’est pas bon.
Certains de vous coureurs ne sont pas assez impliqués ?
J’attends des confirmations que je ne vois pas venir. Il ne faut pas qu’ils s’endorment. Il faut que certains se sortent les doigts… J’attends des comportements de meneur dans le bon sens du terme chez certains. Il y a aussi des coureurs qui devraient être plus honnêtes, dire « je coince, c’est fini ». On ne peut exister que si chacun donne 200 %. C’est quand même con de ne pas se donner les moyens. Attention, on n’est pas Arkéa ni TotalEnergies mais on peut et on doit faire beaucoup mieux. On n’est pas à notre niveau, tout simplement.
Actuellement, mon équipe ne donne pas envie
Vous leur avez mis la pression ?
La pression… Je leur ai demandé d’être plus professionnels. Je veux que l’on soit digne de notre rang. Je ne dis pas que l’on va gagner des courses tous les week-ends. Si on en gagne cinq ou six cette année, ce sera génial. Mais il faut se donner les moyens et pour l’instant, on ne se les donne pas. Actuellement, mon équipe ne donne pas envie, mes coureurs ne m’aident pas dans mon boulot de commercial. Au classement UCI, notre place devrait 4e. Or, on est beaucoup plus loin (7e).
Avez-vous commis des erreurs de recrutement ?
Je ne pense pas. Maintenant, lorsque l’on perd des coureurs comme Bryan (Coquard) et Quentin (Pacher), cela pèse évidemment. Quand j’ai recruté Victor (Koretzky, le vététiste), je me doutais bien qu’il n’allait pas tout dégommer d’entrée. Je ne suis donc pas spécialement surpris.
Est-ce que ce début de saison contrarié ne met pas encore plus la pression sur les épaules de Franck Bonnamour, votre leader ?
Ah c’est sur que cela n’aide pas. Je l’ai dit aux garçons, je l’ai dit à Franck. Franck doit aussi dire à ses collègues que s’ils ne sont pas sérieux à la maison, s’ils ne sont pas au niveau, ça lui met encore plus la pompe. Si le job est fait, pas de problème. Mais là, ce n’est pas le cas. Quand je vois le niveau affiché par certains de mes coureurs…
À titre d’exemple, lors de la dernière Route Adélie, la première course bretonne de la saison, les choses s’étaient mal passées…
Tu es en Bretagne (à Vitré), tu as un projet breton et tu n’as pas un coureur parmi les 25 premiers d’une manche de la Coupe de France… Ce jour-là, certains de mes coureurs m’ont fait honte. Je leur ai dit. C’était un coup de gueule, ça passe. Mais à un moment donné, c’est bon, ça va ! Ils n’ont pas aimé (le coup de gueule) mais moi non plus, je n’aime pas donner des rapports des courses lorsque l’on me demande où sont nos coureurs.
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L’équipe est la cible des critiques…
Les réseaux sociaux, j’y vais peu. Je laisse les gens parler. Moi, je travaille. Il y a toujours des gens qui savent. Eux, ce sont des « pipes ! »
Bryan (Coquard), c’était peut-être l’arbre qui cachait la forêt
La saison dernière, le début de saison était meilleur ?
On n’avait pas non plus été étincelant. Après, on avait effectué une belle deuxième partie de saison. En 2021, on avait Bryan (Coquard), c’était peut-être l’arbre qui cachait la forêt. Maintenant, mes garçons ne sont pas cons, ils ont compris. On va bientôt arriver dans une autre partie de la saison avec le Tour de France et puis on va récupérer nos blessés. Ça va repartir, la roue va tourner.
Actuellement, on n’est pas digne (de l’invitation pour le Tour de France)
Le rayon de soleil de ce début de saison, c’est l’invitation pour le Tour de France.
Avec le Tour de France que l’on avait réalisé l’an dernier, je n’étais pas trop inquiet. Maintenant, il faut être digne de cette invitation et actuellement, on n’en est pas digne.
Quelles sont les ambitions de votre équipe sur le Tour de Bretagne ?
On espère déjà retrouver une dynamique positive. On aligne des jeunes coureurs, des coureurs en découverte du milieu professionnel. On a une belle équipe. Maintenant, le Tour de Bretagne n’est pas une course facile, loin de là. Les gars sont motivés. L’an dernier, la course nous avait échappé au dernier moment, on aimerait gagner. On a déjà gagné le Tour de Bretagne (avec Lorenzo Manzin), c’est une course qui compte. On a envie de se donner les moyens de réussir. Est-ce que l’on va y arriver ? S’ils prennent le Tour de Bretagne par-dessus le bras, je ne comprends plus rien !
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