- 17 juin 2023, 14:44
#3592051
La chronique hebdo de P. Lefevere, consacrée comme vous vous en doutez à 100% au tragique événement en Suisse:
"J’ai envoyé aujourd’hui un message à mes coureurs en Suisse. Littéralement : les gars, je me sens triste de ce qui s’est passé. Cela me fait revenir à ce que nous avons ressenti avec Fabio et Remco. Quelle que soit la décision que vous preniez – courir ou pas – je suis derrière vous. J’ai aussi envoyé un message personnel à Evenepoel.
On peut depuis longtemps être impliqué dans le milieu et avoir le cuir aussi épais que le mien, mais quand un coureur décède, c’est un coup très dur pour chacun dans le peloton. Je n’oublierai jamais l’état dans lequel était l’équipe au Tour de Pologne après l’incident avec Jakobsen. Chacun était dévasté de chagrin. Notre coach mental Michael Verschaeve a en conséquence pris l’avion et a fourni de l’excellent travail sur place. J’ai incité Geert Van Bondt, notre directeur sportif en Suisse à faire certainement appel à Michael si nécessaire. Nous avons eu la chance que Remco et Fabio ont pu récupérer de leurs chutes, mais aussi près d’une tragédie, je ne veux plus jamais le vivre. Nous avons entretemps mis au point des protocoles sur la façon dont nous devons réagir face de tels crashes aussi graves. Chacun sait qui est à contacter in case of emergency. Mais quand on y est confronté, un protocole n’est aussi jamais qu’un protocole.
Avec Wouter Weylandt, nous y avons aussi été indirectement confrontés. Il courait alors sa première année pour l’équipe Trek, après sept ans chez nous. Pour beaucoup de gens qui étaient proches de lui, nous étions encore toujours le premier point de contact. On est alors confrontés à une peine à laquelle on n’est jamais préparés.
Dans ma carrière comme manager, j’ai une seule fois connu un décès à l’intérieur de l’équipe. Pas un coureur, mais bien notre chauffeur de bus Ecossais Alexander James. Il est mort dans son lit, peu après une petite fête pour son cinquantième anniversaire en Malaisie. Chaque année, il y allait après la saison en voyage. Aussi cela fut pour chacun dans l’équipe particulièrement pénible.
Je trouve beau que le peloton ait roulé vendredi en groupe les vingt derniers kilomètres. Comme hommage, mais aussi comme thérapie. On peut très cyniquement dire que l’organisation était obligée d’offrir quelque chose à la ville d’arrivée, mais ça n’a pour moi rien à voir. Ça fait du bien aux coureurs d’être ensemble, comme autour d’un café lors d’une réception d’après funérailles. Gageons qu’on aura vraiment beaucoup parlé de Gino Mäder durant ces vingt kilomètres.
Je ne le connaissais moi-même pas personnellement, mais il était bien quelqu’un qui était certainement dans nos radars. Notre scout José Matxin le nommait en son temps toujours dans le même élan qu’Attila Valter, deux coureurs que nous devions garder à l’œil. C’est évidemment devenu sans objet, mais le cyclisme perd certainement aussi un grand talent.
Evidemment, viennent maintenant les questions : la descente était-elle trop dangereuse ? Une descente doit-elle figurer juste avant le finish ? Mais je vais me garder de répondre à de telles questions. Des accidents vont toujours survenir en course. Je remarque seulement qu’avec les équipes, nous avons voulu il y a trois ans tracer une ligne à ne pas dépasser. Assez d’accidents mortels en course. Ensemble avec mon collègue Richard Plugge, nous voulions confier la sécurité à un interlocuteur externe spécialisé. Des gens qui pourraient approuver et authentifier les parcours. Nous parlions de filets de sécurité, de coussins amortisseurs, d’une safety car. L’UCI et ASO ont ensuite repris les choses à leur compte, dans leur éternel conflit d’arrière-garde vis-à-vis d’initiatives que les équipes prendraient de façon autonome. Mais soyons de bon compte : depuis, des choses ont changé dans le bon sens. Les clôtures de protection en polymère, les safety totems, sont d’incontestables pas en avant. La question est seulement : est-ce assez et cela va-t-il assez vite ? La réponse à cela est deux fois non. A l’heure actuelle, le cyclisme est ce qu’était la Formule 1 d’il y a vingt ans. Et il faut urgemment y faire quelque chose."
"J’ai envoyé aujourd’hui un message à mes coureurs en Suisse. Littéralement : les gars, je me sens triste de ce qui s’est passé. Cela me fait revenir à ce que nous avons ressenti avec Fabio et Remco. Quelle que soit la décision que vous preniez – courir ou pas – je suis derrière vous. J’ai aussi envoyé un message personnel à Evenepoel.
On peut depuis longtemps être impliqué dans le milieu et avoir le cuir aussi épais que le mien, mais quand un coureur décède, c’est un coup très dur pour chacun dans le peloton. Je n’oublierai jamais l’état dans lequel était l’équipe au Tour de Pologne après l’incident avec Jakobsen. Chacun était dévasté de chagrin. Notre coach mental Michael Verschaeve a en conséquence pris l’avion et a fourni de l’excellent travail sur place. J’ai incité Geert Van Bondt, notre directeur sportif en Suisse à faire certainement appel à Michael si nécessaire. Nous avons eu la chance que Remco et Fabio ont pu récupérer de leurs chutes, mais aussi près d’une tragédie, je ne veux plus jamais le vivre. Nous avons entretemps mis au point des protocoles sur la façon dont nous devons réagir face de tels crashes aussi graves. Chacun sait qui est à contacter in case of emergency. Mais quand on y est confronté, un protocole n’est aussi jamais qu’un protocole.
Avec Wouter Weylandt, nous y avons aussi été indirectement confrontés. Il courait alors sa première année pour l’équipe Trek, après sept ans chez nous. Pour beaucoup de gens qui étaient proches de lui, nous étions encore toujours le premier point de contact. On est alors confrontés à une peine à laquelle on n’est jamais préparés.
Dans ma carrière comme manager, j’ai une seule fois connu un décès à l’intérieur de l’équipe. Pas un coureur, mais bien notre chauffeur de bus Ecossais Alexander James. Il est mort dans son lit, peu après une petite fête pour son cinquantième anniversaire en Malaisie. Chaque année, il y allait après la saison en voyage. Aussi cela fut pour chacun dans l’équipe particulièrement pénible.
Je trouve beau que le peloton ait roulé vendredi en groupe les vingt derniers kilomètres. Comme hommage, mais aussi comme thérapie. On peut très cyniquement dire que l’organisation était obligée d’offrir quelque chose à la ville d’arrivée, mais ça n’a pour moi rien à voir. Ça fait du bien aux coureurs d’être ensemble, comme autour d’un café lors d’une réception d’après funérailles. Gageons qu’on aura vraiment beaucoup parlé de Gino Mäder durant ces vingt kilomètres.
Je ne le connaissais moi-même pas personnellement, mais il était bien quelqu’un qui était certainement dans nos radars. Notre scout José Matxin le nommait en son temps toujours dans le même élan qu’Attila Valter, deux coureurs que nous devions garder à l’œil. C’est évidemment devenu sans objet, mais le cyclisme perd certainement aussi un grand talent.
Evidemment, viennent maintenant les questions : la descente était-elle trop dangereuse ? Une descente doit-elle figurer juste avant le finish ? Mais je vais me garder de répondre à de telles questions. Des accidents vont toujours survenir en course. Je remarque seulement qu’avec les équipes, nous avons voulu il y a trois ans tracer une ligne à ne pas dépasser. Assez d’accidents mortels en course. Ensemble avec mon collègue Richard Plugge, nous voulions confier la sécurité à un interlocuteur externe spécialisé. Des gens qui pourraient approuver et authentifier les parcours. Nous parlions de filets de sécurité, de coussins amortisseurs, d’une safety car. L’UCI et ASO ont ensuite repris les choses à leur compte, dans leur éternel conflit d’arrière-garde vis-à-vis d’initiatives que les équipes prendraient de façon autonome. Mais soyons de bon compte : depuis, des choses ont changé dans le bon sens. Les clôtures de protection en polymère, les safety totems, sont d’incontestables pas en avant. La question est seulement : est-ce assez et cela va-t-il assez vite ? La réponse à cela est deux fois non. A l’heure actuelle, le cyclisme est ce qu’était la Formule 1 d’il y a vingt ans. Et il faut urgemment y faire quelque chose."