Ce que l'on sait de la protestation des coureurs avant la 19e étape du Giro
La dix-neuvième étape du Tour d'Italie a été raccourcie de 259 à 124,5 kilomètres suite à une protestation des coureurs survenue ce vendredi matin, juste avant le départ.
Via lequipe.fr
Que s'est-il passé ?
Ce vendredi matin, quelques minutes avant le départ de la 19e étape du Tour d'Italie - la plus longue de l'épreuve avec 259 kilomètres au programme, un parcours encore étiré cette semaine par rapport au tracé initial (253 km) suite à l'effondrement d'un pont -, plusieurs coureurs ont longuement discuté avec Mauro Vegni, le directeur du Giro, et les commissaires de l'UCI, sous une tente près de la ligne. Le peloton a fini par s'élancer de Morbegno avec plusieurs minutes de retard, mais s'est arrêté huit kilomètres plus tard, à la sortie de la ville. Sous la pluie, les coureurs ont attendu que leurs cars fassent demi-tour pour les récupérer, une scène ubuesque, et ont repris le trajet de la course, mais dans les véhicules de leurs équipes qui les ont emmenés 140 kilomètres plus loin, à Abbiategrasso, où a été fixé le nouveau départ de l'étape.
Pourquoi les coureurs ont-ils protesté ?
Le peloton est mécontent du programme qui leur est réservé en cette troisième semaine du Giro, et a demandé au CPA, le syndicat des coureurs, d'exiger des organisateurs qu'ils raccourcissent la 19e étape. D'un point de vue sportif, d'abord, car les coureurs ont passé plus de six heures sur le vélo mardi, mercredi et jeudi, avec chaque jour un dénivelé positif supérieur à 4 500 m (5 600 m jeudi avec le Stelvio en point d'orgue), et qu'ils ont jugé qu'une étape de transition aussi longue ne se justifiait pas. D'un point logistique, aussi et surtout, car les coureurs subissent de longs transferts, matins et soirs, qui affectent leur récupération et qu'ils jugent inutiles.
Au lendemain de l'étape-reine, la plupart des équipes ont ainsi quitté leur hôtel vers 7 heures du matin (et se sont donc réveillés au moins une heure plus tôt) ce vendredi. « Une heure trente de bus ce matin, six heures trente sur le vélo et encore deux heures trente de bus ce soir : si vous vous demandez pourquoi on ne fait pas le spectacle dès le kilomètre zéro, au moins maintenant vous avez une idée », a écrit Jacopo Guarnieri (Groupama-FDJ) en début de semaine sur son compte Twitter.
Qui s'est opposé au maintien de l'étape ?
La quasi-majorité des équipes étaient favorables au raccourcissement de l'étape. Mais pas toutes. Selon la Rai, Ineos-Grenadiers et Bora-Hansgrohe faisaient partie des formations favorables au maintien de l'étape sous sa forme initiale. « Certains gueulent un peu parce qu'il y a 260 kilomètres à se taper sous la pluie mais nous, on n'a rien dit quand on avait le Stelvio à monter, a par ailleurs contesté Arnaud Démare (Groupama-FDJ) au micro de la chaîne L'Équipe. Personnellement, j'étais préparé à cette longue étape. »
Pendant le long transfert en car vers la nouvelle ligne d'arrivée, plusieurs coureurs d'expérience ont justifié leurs colère sur les réseaux sociaux, comme Adam Hansen (Lotto-Soudal) ou Larry Warbasse (AG2R-La Mondiale), qui ont avancé la longueur injustifiée des dernières étapes et les risques élevés, avec une météo pareille, de tomber malade dans un contexte de pandémie mondiale. « La santé est la priorité, surtout en période de Covid-19 : réduire l'étape du jour ne va pas affecter le spectacle mais ne mettra pas, au moins, les défenses immunitaires des coureurs en danger », a justifié le CPA.
Pourquoi ont-ils attendu ce matin ?
Selon RCS, la société organisatrice du Giro, le désordre perceptible ce vendredi matin au départ de l'étape est dû aux plaintes très tardives des coureurs et de leurs représentants (« nous n'avons découvert leurs requêtes que ce matin à neuf heures », assure l'un de ses membres). « Nous n'avons reçu aucune plainte hier (jeudi), a ainsi réagi Mauro Vegni, très remonté au micro de la Rai. Nous avons été approchés (ce matin) par quelques coureurs (pour raccourcir l'étape). Nous leur avons fait remarquer que les bus n'étaient pas là et qu'ils seraient bloqués dans le froid. » Le patron de RCS, la société organisatrice de l'épreuve, a déjà fait savoir que « quelqu'un payera pour cela ».
Plusieurs coureurs ont toutefois évoqué des discussions entamées dès jeudi avec les organisateurs. « À travers la plateforme de communication du syndicat, j'ai vu un nombre important de messages hier soir, a confirmé Pascal Chanteur, président de l'Union nationale des cyclistes professionnels. Des coureurs faisaient part d'une grande fatigue, d'une situation de transferts très délicate. Il faut bien comprendre que la situation est très explosive. Et quand vous ajoutez la fatigue, vous arrivez à ces extrémités. »
Quelles conséquences sur la course ?
Après un improbable convoi de plus de deux heures sur le trajet de la course, le peloton s'est rassemblé à Abbiategrasso, à 124,5 kilomètres de l'arrivée, pour une étape nettement réduite. Il ne s'est élancé qu'à 14 h 30, soit quatre heures et dix minutes après l'horaire de départ initialement prévu. « Ce qu'il s'est passé aujourd'hui va gâcher tout ce qu'on a réussi à faire jusqu'ici, a regretté Mauro Vegni. Tout le monde savait que le Giro se déroulait en octobre et qu'il allait faire 13 °C aujourd'hui. J'ai écouté de nombreux coureurs qui n'étaient pas d'accord (avec la protestation). Mais vous savez comment ça marche, certains ne veulent pas et les autres suivent. »
Pour Marc Madiot, le manager de l'équipe Groupama-FDJ, cet incident ne sera pas sans conséquences. « Je préconise la mise en place d'une instance indépendante qui valide les parcours, a-t-il ainsi proposé sur la chaîne L'Équipe. On savait bien qu'il y aurait de gros transferts sur ce Giro, que cette étape de 250 km pouvait présenter des conditions difficiles parce qu'on est au mois d'octobre... On peut toujours raccourcir une étape, mais on ne le fait pas dans un bazar comme aujourd'hui. Ce qui se passe est la mise en évidence d'un problème de gouvernance, et la démonstration qu'on a besoin de cette instance indépendante. »
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