Pour une fois, j’ai décidé de mettre à l’honneur non pas une course palpitante, un feu d’artifice d’attaques, de tactiques audacieuses, de retournements de situation, mais bel et bien une journée en demi-teinte, qui aurait pu (certains diront aurait dû) connaître un aboutissement tout différent, surtout pour un des protagonistes qui connut là sa plus grande désillusion.
Si l’on y ajoute le fait que c’était aussi une dernière pour un grand du peloton, on comprendra aisément que cette course trouve sa place dans ce topic « la mémoire des courses ».
Tour de France 1959
- (1ère partie)
Favoris et outsiders au départ du Tour :
- Le vainqueur de l’an passé, Charly Gaul. Le luxembourgeois vient de remporter son second Giro en retournant la course l’avant-dernier jour, causant la perte de Jacques Anquetil alors porteur du maillot rose. Un duel intense.
- Jacques Anquetil, donc. Sorti très fatigué du Tour d’Italie achevé à la 2ème place, il s’aligne malgré tout sur le Tour de France. Il l’a gagné il y a deux ans pour sa première participation.
- Roger Rivière. Alors détenteur du record de l’heure, c’est son premier tour. Il est sélectionné au sein de l’armada bleue-blanc-rouge.
- Federico Bahamontes. L’aigle de Tolède est seul leader de son équipe nationale. Il est débarrassé de son éternel rival ibérique, Jesus Lorono.
- Ercole Baldini. Redoutable rouleur et auteur d’une saison 1958 remarquable : champion d’Italie, vainqueur du Giro, champion du monde. Il traversera la France avec l’arc-en-ciel autour de la poitrine.
- Vito Favero et Raphael Geminiani. Moins incontournables peut-être, le transalpin et le grand Gem était respectivement 2ème et 3ème l’an dernier.
- Henri Anglade. Sélectionné dans la sélection Centre-Midi, le puncheur lyonnais est devenu champion de France au printemps et a remporté le Dauphiné Libéré.
Deux grimpeurs d'exception qui planent sur ce Tour.
Résumé du début de Tour de France.
Dès les deux premières étapes, à la surprise générale, c’est Bahamontès qui prend les devants. L’espagnol s’adjuge une avance intéressante sur les autres favoris lors de la première étape. 1’30 à son profit.
Lors du premier chrono du côté de Nantes, Roger Rivière confirme qu’il est LE rouleur à même de contrer Jacques Anquetil. Il s’impose pour 21 secondes devant Baldini, et presque 1 minute devant Anquetil. On observe la bonne opération de Gaul, qui ne perd que 1’36. De bon augure avant la montagne ?
Dans l’étape qui mène les coureurs de Nantes à la Rochelle, c’est Anglade qui en profite pour se replacer. Il s’échappe en compagnie d’une dizaine de coureurs et prend 4’48 à tous les grands favoris !
Arrivés dans les Pyrénées et notamment dans le Tourmalet, les duettistes des cimes Bahamontès et Gaul s’échappent. Premier aperçu de leur incontestable supériorité quand la route s’élève. Sans forcer outre mesure, ils reprennent 3’24 à l’armada française à l’exception de Geminiani qui en perd le double.
Dans l’étape d’Aurillac, qui mériterait un article à elle seule, Baldini, Anquetil, Bahamontes, Anglade s’échappent. Rivière est piégé, il termine à 4 minutes. Quant à Gaul, touché par la chaleur qu’il exècre, il enregistre un débours de 20 minutes sur cette seule étape. L’ange de la montagne est éliminé de la course au maillot jaune.
A l’arrivée, Anglade bat Anquetil au sprint et empoche une minute de bonification. Il apparaît comme un candidat crédible à la victoire finale. Alors 2ème du général, il a 3’15 d’avance sur Baldini, 3’19 sur Bahamontes et 3’42 sur Anquetil.
L’espagnol sait qu’il a une carte à abattre : le contre-la-montre en côte au Puy-de-Dôme. En 12,5 km seulement, il creuse des écarts monstrueux. 1’26 sur Gaul, 3’ sur Anglade, 3’37 sur Rivière, 3’41 sur Anquetil. L’espagnol s’affirme comme le grand favori. Il est à 4 secondes de Hoevenaars, paré de jaune suite à une échappée dans les Pyrénées.
Dans l’étape arrivant à Grenoble, c’est l’estocade. C’est le retour des duettistes. Gaul et Bahamontes s’échappent et ne sont pas revus. A Gaul l’étape, à Bahamontes le jaune. 3’42 d’avance plus 30 secondes de bonifications pour sa 2ème place, et il se retrouve leader avec 4’51 d’avance sur Anglade, et 9’16 sur Anquetil. Baldini et Rivière sont au-delà des 11 minutes.
C'est alors qu'arrive la 18ème étape...