Le forum dédié aux fans d'histoire du cyclisme, de palmarès de coureurs, de courses, mais aussi de nombreux jeux organisés par nos animateurs. Vous retrouverez aussi ici les débats autour du cycle historique mis en place par David

Modérateur : Modos VCN

Par fred30
#3263952
Salut tout le monde,

J'avais envie de créer un topic mais je ne sais pas combien d'entre vous seraient motivés pour y contribuer. Je me lance.

Je voudrais compiler des récits de courses mémorables (légendaires peut-être, simplement atypiques ou dont on se rappelle, quelle qu'en soit la raison). Il s'agirait de posts un peu développés comme on en trouve dans le forum HP, c'est un peu ce que fait CPT Matros sur les anciens tours, mais pas tout à fait. Chacun est libre d'adopter le style qu'il veut bien sûr, mais quand je vois certaines plumes sur ce forum, (au hasard ... GinoBart, Wallers, le vrai-dufaux ... j'en oublie forcément, je le sais, sorry :jap: ) je me dis que ça pourrait être un bon endroit pour rendre la chose littéraire, un peu comme si vous étiez Jacques Goddet au soir d'une course formidable, qu'elle soit une étape dans un Tour ou une classique.

J'ai un récit qui est tout prêt, écrit il y a trois ans, et pour l'instant je n'ai que ça. Mais ce sera l'occasion de replonger dans des souvenirs enthousiasmants. Vous êtes partants ?

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Par levrai-dufaux
#3264265
Excellente initiative fred :super:
Je m'étonne d'ailleurs que le forum ne compte pas déjà un sujet compilant les grandes courses et exploits du passé.

En revanche, je risque de ne pas beaucoup contribuer au sujet dans les semaines à venir mais j'essayerai de l'alimenter lorsque je disposerai d'un peu plus de temps. D'ici là, je vous lirai avec grand plaisir :wink:
Par fred30
#3265315
Ok ! Merci de vos encouragements, les copains. :smile:
Je vais donc commencer. Le premier billet ne nous emmènera pas très loin en arrière, preuve qu'il peut y avoir de beaux moments aussi à l'époque contemporaine.
Par fred30
#3265327
Tour des Flandres 2017
La perpétuation d'un mythe

[instagram]Le cyclisme est un sport mythologique, où les lieux décident parfois de leurs champions. Le Tour des Flandres, qui n’a pas attendu l’appellation officielle « Monument » pour en être un aux yeux des connaisseurs, ne fait pas exception. Le Mur de Grammont, Kapelmuur pour les Flamands, est au Tour des Flandres ce que la tranchée d’Arenberg est à Paris-Roubaix ou le Mont Ventoux au Tour de France. Etre un héros dans la mythologie du vélo, c’est aussi avoir un comportement mémorable, parfois homérique afin de rester dans la légende. C’est précisément ce qu’a fait le vainqueur avec panache de ce Tour des Flandres 2017.

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Au départ, deux grands favoris attiraient pourtant les regards : Peter Sagan, vainqueur en 2016, double champion du monde en titre. Avec ce maillot arc-en-ciel qu’il porte sans interruption depuis octobre 2015 (sic !), on dirait le Roi Soleil au milieu de sa cour. Ses facéties et sa décontraction ne doivent pas faire oublier qu’il a réussi un bon début de saison : vainqueur de Kuurne-Bruxelles-Kuurne, victoire d’étape à Tirreno-Adriatico, de nombreuses places d’honneur. Il a aussi connu quelques désillusions, et notamment face à l’autre grandissime favori Greg Van Avermaet, qui s’est joué de lui comme d’un cadet à l’arrivée du Het Nieuwsblaad, avant d’enchaîner les victoires au GP E3 et à Gand-Wevelgem. Parce que tout héros connaît un jour le déclin, Tom Boonen est encore là pour son dernier Tour des Flandres, une semaine avant son dernier Paris-Roubaix. L’idole du peuple flamand connaît cette course par cœur, lui qui l’a gagnée trois fois. Une autre idole belge, coéquipier de « Tommeke », est aussi en grande forme : Philippe Gilbert, qui vient de remporter les trois jours de la Panne.

Deux palmarès longs comme le bras qui s’associent sur une course de légende, les promesses sont telles qu’elles peuvent parfois décevoir. Pas cette fois-ci.
Les lieux décident parfois de leur champions, donc. C’est à 95 kilomètres de l’arrivée sur le Mur de Grammont, qu’une vingtaine de coureurs se sont portés à l’avant. Derrière la traditionnelle échappée matinale, c’est Boonen la légende qui donna l’impulsion et déclencha la course. Rien de surprenant à voir Boonen monter en tête l’Olympe du Tour des Flandres, ces pavés disjoints qui rejoignent la petite chapelle. Divin tremplin pour qui souhaite s’élever. Plus surprenant en revanche, fut de constater les absences de Sagan et Van Avermaet. Les Goliath de 2017 étaient mal placés au pied de cette difficulté historique, piégés, comme si leur aura naissante était trop jeune pour connaître ce lieu stratégique. On en doute évidemment, mais les mythes s’accompagnent parfois d’erreurs. Celle-ci leur coûta rapidement une minute…

Le mythe du Tour des Flandres aurait pu se contenter de ça. Deux immenses champions qui piègent leurs adversaires directs, dominent la course et s’associent intelligemment pour que l’un deux gagne. Mais il aurait manqué l’échappée solitaire, l’épopée. Il aurait manqué le risque, le romantisme. Nous n’aurions pas été impressionnés par la puissance de Gilbert sur les pavés du Vieux Quaremont. Nous n’aurions pas douté, en voyant qu’il restait 55 kilomètres à parcourir, seul. Nous n’aurions pas vu un homme vêtu des couleurs de la Belgique, porté par tout un peuple le long de ce fleuve plus ou moins agité, ce Styx qui choisit de vous engloutir ou qui tolère que vous le chevauchiez.

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Il faut aussi des rebondissements dans une épopée. Après avoir compté jusqu’à 1 min 15 secondes d’avance, Gilbert dut puiser dans ses réserves pour maintenir une cinquantaine de secondes. Sagan revenu aux affaires était passé à l’attaque dans le dernier passage du Vieux Quaremont. Seuls Oliver Naesen, star en devenir des classiques belges, et Greg Van Avermaet avaient pu suivre. Mais les lieux décident parfois de leur champion… Le champion du monde Sagan, patron du peloton, l’acrobate qui ne tombe jamais et qui en 2016, « sautait » par-dessus Cancellara tombé sur les pavés de Paris-Roubaix, chuta. Seul. En roulant trop près des barrières, des spectateurs, il entraîna dans sa chute les deux coureurs qui l’accompagnaient. Van Avermaet repartit, et l’on pensa alors que le temps perdu dans la chute avait scellé définitivement la victoire du héros solitaire.

Mais si les lieux décident parfois de leur champion, les Dieux peuvent hésiter. Ceux du Tour des Flandres ont dû hésiter… Cette terre de Flandre où tout s’arrête un dimanche par an a pour habitude de sacrer des Belges, certes, mais surtout des Flamands. Elle a idolâtré Johan Museeuw, le Lion des Flandres, elle a adoubé Tom Boonen (6 victoires à eux deux), elle a applaudi les victoires de Stijn Devolder et Nick Nuyens, et tout ceci depuis une vingtaine d’années. Elle entretient ainsi la fierté d’être flamand autant que celle d’être un Flahute : ces cyclistes que rien n’effraie et qui voient les pavés secouer les vélos avec un léger sourire en coin. Ces coureurs qui jouent avec le vent plus qu’ils ne le subissent.

Philippe Gilbert, lui, est Wallon. Les dieux du Tour des Flandres ont dû hésiter… Sur les dix derniers kilomètres parcourus avec le vent de trois quart face, on a pu se demander si le champion de Belgique allait tenir, les secondes s’égrenant au profit de ses poursuivants. La mythologie réserve des moments de tension extrême : s’est-il vu trop beau, Philippe Gilbert, en s’imaginant passer la ligne en vainqueur avant même de l’apercevoir ? S’est-il admiré, en pensée, tel Narcisse qui vit son reflet dans l’eau ? N’a-t-il pas senti le souffle de Greg Van Avermaet, l’épouvantail de ce printemps ? Car enfin, il a bien changé, l’ancien besogneux abonné aux places d’honneur ! Sa victoire d’étape sur le Tour de France en 2015 (devant… Sagan !) fut un déclic qui l’amena en quelques mois au titre olympique et à la victoire en patron sur Gand-Wevelgem. Les dieux du Tour des Flandres ont forcément hésité. En flanquant le champion olympique du valeureux Dylan Van Baarle et de Niki Terpstra, un autre équipier de Gilbert revenu d’on ne sait où, ils permirent à Van Avermaet de revenir à 30 secondes du héros solitaire. Le Tour des Flandres a dû hésiter mais qui s’en souviendra ? Un Wallon vainqueur tous les 30 ans est un rythme auquel on peut consentir, même en Flandre. En 1987, Claudy Criquelion, autre chasseur de classiques émérite, s’imposait. Philippe Gilbert, admirateur du bonhomme, lui succède donc trente ans plus tard, avec la manière. En champion qu’il est. Si Greg Van Avermaet fait un magnifique deuxième, digne et opiniâtre, sprintant avec succès pour la deuxième place, qui s’en souviendra ?

De quoi se souviendra-t-on ? Tout juste aura-t-on un pincement au cœur pour Tom Boonen, qui méritait mieux qu’un double saut de chaîne au pied du Taaienberg, pour sa dernière apparition lors de la course qui fut la première grande classique qu’il remporta, douze ans plus tôt. On ne se souviendra pas vraiment de la chute de Sagan dans le Vieux Quaremont, ni de celle inexplicable du valeureux Sep Vanmarcke, éliminé prématurément de la course. On se souviendra d’un champion, vainqueur parce que l’audace et le courage l’ont fait quitter la chaleur du peloton, parce que la légende porte aux nues ceux qui déjouent les attentes, ceux qui risquent de tout perdre pour gagner. Les Icares de la bicyclette qui parfois déploient leurs ailes sans les brûler.
C’est de cela que la légende du cyclisme se nourrit. Elle se délecte de ces moments et de ces images. Elle se rappellera qu’au Tour des Flandres 2017, un Wallon, après 55 kilomètres d’échappée solitaire et maillot de champion de Belgique sur le dos, a franchi la ligne en vainqueur à pied, portant à bout de bras son vélo vers les cieux de son sport. Mythique.
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Dernière édition par fred30 le 01 déc. 2020, 11:24, édité 1 fois.

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Par levrai-dufaux
#3265444
Un vrai régal, merci fred :super:

J'ai beau avoir adoré cette course, elle reste aussi un souvenir douloureux pour moi qui soutenais Sagan et Naesen :sylvain84:
D'ailleurs, je ne pense pas que la chute de Sagan soit rapidement oubliée. A mon avis elle va rester au panthéon des incidents de course, un peu à l'image du sprint Bauer-Criquielion ou plus proche de nous de celui d'Alaphilippe :contador1:
Par fred30
#3265468
Merci à vous :wink:

Oui, Sagan a forcément influencé le scénario de la fin de course. Gilbert a eu du mal à terminer (bien légitime après la chevauchée qu'il avait menée) et on ne le saura jamais mais on aurait pu avoir un final à 4.
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Par AlbatorConterdo
#3265476
Un texte bien trop beau pour l'improbable performance réalisée. :rabbit:
Je n'en dirai pas plus afin de ne pas m'attirer les foudres de la modération ou de Jicébé. :elephant:
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Par jicébé
#3265843
Bonjour Albator, comment vas-tu? :hello:

@fred: très beau texte, qui rappelle de grands moments de vélo et que j'ai eu beaucoup de plaisir à lire.
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Par gradouble
#3266119
AlbatorConterdo a écrit :
01 déc. 2020, 17:10
Un texte bien trop beau pour l'improbable performance réalisée. :rabbit:
Je n'en dirai pas plus afin de ne pas m'attirer les foudres de la modération ou de Jicébé. :elephant:

Le rabat-joie :elephant:
(ou clown blanc peut-être :reflexion: )


Très beau texte fred :super:
Par albo
#3266138
Bien sur Gilbert a eu de la "chance" ce jour là.
Bien sur le résultat aurait pu être tout autre sans la chute.
Bien sur tout ça...

Il n'en reste pas moins qu'à vélo, ce sont souvent les memes (champions) qui ont de la chance, peut être parce qu'ils savent la provoquer?

On dit toujours que les flandriennes comportent une grosse part de chance, mais on a quand meme quelques multiples vainqueurs qui étaient capables de les écraser... ou un Hinault capable de gagner Paris Roubaix pour dire qu'il l'avait fait.

Ce jour là, il l'a 100% mérité sa course, et comme disait je sais plus qui, les gagnants trouvent des moyens, les perdants des excuses...
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Par AlbatorConterdo
#3266220
jicébé a écrit :
02 déc. 2020, 16:47
Bonjour Albator, comment vas-tu? :hello:

@fred: très beau texte, qui rappelle de grands moments de vélo et que j'ai eu beaucoup de plaisir à lire.
Toujours au fond du trou, ce n'est pas prêt de changer...merci de t'en soucier néanmoins. :jap:
Par fred30
#3266547
Merci pour vos commentaires.
Si le format vous plaît tant mieux. Je n'écrirai pas de si grandes tartines tout le temps, je pense.

N'hésitez pas à alimenter le topic si vous avez des idées, et du temps pour le faire bien sûr.
Sinon, vous pouvez aussi me faire parvenir vos idées si vous avez envie de revivre une course en particulier.
Perso, il y en a sur lesquelles j'aimerais écrire, mais il y en a aussi beaucoup que je découvre en archives et qui me font envie :love:
En ce moment, je lorgne sur une étape de GT des années 70. A suivre :wink:
Par fred30
#3267005
gradouble a écrit :
05 déc. 2020, 19:14
fred30 a écrit :
04 déc. 2020, 18:16

En ce moment, je lorgne sur une étape de GT des années 70. A suivre :wink:

Tour 71 ou 73?
Peut-être :wink: ou peut-être pas :wink:
Il est clair que les deux tours que tu cites ne manquaient pas de moments forts. J'ai lu attentivement le résumé détaillé que tu as fait de l'étape des Orres en 73, sur le topic du vrai-dufaux : les grimpeurs français. Des batailles, des chantiers !
En voilà un résumé en vidéo d'ailleurs.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=HRKkxkQYS-A[/youtube]
Mais je m'aperçois en ce moment qu'il y a eu des jours dont on a moins parlé (du moins, c'est l'impression que j'ai) et qui ont été palpitants aussi.
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Par levrai-dufaux
#3267798
En attendant que Fred nous emmène dans les années 1970, je vous propose aujourd’hui un petit zoom sur le Paris-Tours 1921 dont nous fêterons le centenaire l’an prochain. :wink:

Il s’agit de l’une des éditions les plus légendaires de la "classique des feuilles mortes" qui, à l’époque, se disputait au printemps. Généralement courue deux à trois semaines après Paris-Roubaix, la course se présente alors comme une sorte de revanche de l’Enfer du Nord, bien que les difficultés soient tout autre.
D’ailleurs, de prime abord, les embûches du parcours ne sautent pas yeux. Le profil est relativement plat, le kilométrage modéré. On a souvent écrit que la principale difficulté de Paris-Tours était précisément son absence de difficultés. La course n’est-elle pas la seule grande classique internationale à manquer au palmarès du grand Eddy Merckx ? Celui-ci, bien que rarement présent, ne s’est pourtant pas désintéressé de l’épreuve. Dans ses carnets de route, il résume l’opinion générale : "Paris-Tours est une course spéciale. Il faut réunir beaucoup d’éléments de son côté pour réussir à y opérer une sélection. Les conditions atmosphériques y jouent, en premier lieu, un rôle important. Dans la plupart des courses en ligne, le problème impératif est, pour moi, de me débarrasser des sprinters avant la ligne d’arrivée. Une seule solution pour y atteindre : durcir la course, en exploitant les difficultés du parcours. Les difficultés de profil ou de terrain sont absentes à Paris-Tours. On ne peut compter, donc que sur le mauvais temps. La pluie ou le vent.". Comme nous allons le voir, il aurait pu ajouter la neige. :w00t:

En 1921, le cyclisme sur route se relève doucement de la Première Guerre mondiale qui a vu la mort de plusieurs grands champions. Lapize, Faber, Petit-Breton (trois vainqueurs du Tour de France), Oriani (vainqueur du Tour d’Italie) parmi bien d’autres sont tombés sur les champs de bataille. La situation économique catastrophique a poussé les principales équipes de cycles à se réunir au sein d’un consortium : c’est la naissance de l’équipe La Sportive dirigée par l’autoritaire Alphonse Baugé. L’idée était de permettre aux firmes de mutualiser les frais de course et de matériel.
En début d’année 1921, les frères Pélissier entrent en conflit avec Baugé et quittent avec fracas le consortium. Ils se retrouvent dans une petite structure (J.B Louvet), avec tous leurs adversaires ligués contre eux. Sur Paris-Roubaix, ces circonstances ne les empêchent pas de signer un doublé exceptionnel, Henri devançant Francis, après avoir vaincu à deux une opposition de plus de cent coureurs ! Le camouflé est monumental pour La Sportive et la revanche s’annonce brulante sur ce Paris-Tours.

Image La complicité des frères Pélissier sur le Tour 1923

Parmi les favoris, on retrouve, outre les frères Pélissier, le vieux Gaulois Christophe, vainqueur de l’édition 1920 et encore maudit sur le Tour 1919 alors qu’il filait vers la victoire. Sont également présents le formidable coureur de classiques, Louis Mottiat (vainqueur de Bordeaux-Paris, de Paris-Bruxelles, de Paris-Brest-Paris et de Liège Bastogne-Liège entre autres) ainsi que son compatriote Albert Dejonghe (vainqueur de Paris-Roubaix l’année suivante). On peut aussi noter la présence de Louis Heusghem, victorieux de Paris-Tours en 1912 et encore 2e sur Bordeaux-Paris en 1919 (son frère d’Hector est connu pour avoir écopé d’une pénalité d’une heure pour un changement de vélo alors qu’il était en tête au général sur le TDF 1922 !), Léon Scieur qui gagnera le Tour en cette année 1921 ainsi que d’Émile Masson, Firmin Lambot ou encore Jean Alavoine. En résumé : tous les meilleurs Belges et Français sont là, seuls les Italiens manquent à l’appel, comme cela sera malheureusement la norme durant la période fasciste.

Au départ de ce Paris-Tours, une soixantaine de coureurs s’élance peu après deux heures du matin sous un temps abominable. Près de 350 km les attendent. Sur des routes très mauvaises, un premier groupe se porte rapidement à l’avant, au sein duquel on retrouve les frères Pélissier, Mottiat ainsi que le solide Tiberghien. Transis de froid, ce groupe de 8 coureurs n’atteint le km 50 qu’à 5h37, avec une maigre avance sur un second peloton tandis qu’Alavoine figure en tête d’un troisième groupe.
À Chartes, au km 88, la situation devient invraisemblable. Les coureurs sont littéralement pris dans une gigantesque tempête de neige ! En quelques kilomètres, ce ne sont pas moins de 43 coureurs qui posent pied à terre, découragés par le froid glacial, les énormes rafales et les flocons qui s’abattent sur eux. À l’avant, le groupe de tête vole en éclat. Seul le Belge Mottiat est encore en mesure d’accompagner les frères Pélissier qui semblent partis pour rééditer leur exploit de Paris-Roubaix.
Et soudain, surprise : au kilomètre 135, alors qu’il se trouve tête, Henri abandonne à son tour, à bout de forces. Dépité, son frère veut lui emboîter le pas mais Henri l’en dissuade vivement : "Continue ! Moi je n’ai plus besoin d’un Paris-Tours pour m’imposer (il a déjà tout gagné). Il n’en est pas de même en ce qui te concerne. Accroche-toi. Tu dois gagner ! Va de l’avant ! Tu verras que tu en seras récompensé.".

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Galvanisé par son frère, Francis se porte seul à l’avant. Il distance Mottiat, lequel se fait dépasser par l’éternel Christophe, toujours redoutable dans des conditions apocalyptiques. Au km 197, après déjà plus de dix heures de selle, un regroupement s’est opéré en tête. À environ 150 km de l’arrivée, on retrouve Francis Pélissier, accompagné de nouveau de Mottiat et par Dejonghe. Christophe est encore en embuscade à moins de dix minutes.
Décidément inusable, le père « Cricri » refait petit à petit son retard tandis que Dejonghe, après s’être retrouvé seul en tête, est finalement distancé par ses trois adversaires. Ainsi, à 40 kilomètres de l’arrivée, Pélissier, Mottiat et Christophe sont encore ensemble, Dejonghe pointe à 15 minutes, tandis que le soleil a fait une timide apparition.

Quelques kilomètres plus loin, à la sortie de Chinon, Pélissier profite d’une cote pour placer un démarrage. Il distance Christophe et Mottiat. Rapidement il prend plus de deux minutes d’avance et semble filer vers la victoire. Hélàs ! La fin de cette course folle ne pouvait être que folle. Le voilà qui crève et perd en un clin d’œil le bénéfice de ses deux minutes. Ses deux poursuivants ne font pas priés pour le laisser sur place. Pélissier s’engage alors dans une formidable poursuite et, au pied de la cote d’Azay-le-Rideau, il n’a plus que 80 mètres de retard qu’il parvient à récupérer dans l'ascension. Tout est à refaire !

Le trio de tête arrive alors dans la dernière côte répertoriée. Une nouvelle fois, Francis projette sa grande carcasse à l’avant et distance ses deux rivaux. Cette fois-ci c’est la bonne, il file vers son premier grand exploit. Au vélodrome de Tours, il devance finalement Mottiat d’1’32 et Christophe d’1’40 après pratiquement 15h d’efforts :applaud: :applaud:
Seulement huit coureurs terminent cette course dantesque et, 100 ans plus tard, leurs noms méritent bien d’être mentionnés : Dejonghe, 4e à 9’10, auteur également d’une très belle course, devance Moulet (5e à 58’40), Heusghem (6e à 1h04’00), Muller (7e à 2h44’00) et Herbette, arrivé la nuit tombée à 4h21 des premiers ! :agenou:

Par la suite, preuve de sa résistance, Francis deviendra un véritable spécialiste de Bordeaux-Paris, que ce soit en tant que coureur ou que directeur sportif. C'est également lui qui, des années plus tard, fera signer à Anquetil son premier contrat.
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Par runnz
#3267933
Merci, je n'avais jamais lu le détail de cette édition de Paris-Tours. À partir de quel livre tu t'es inspiré pour ce très beau récit.

Assez d'accord avec ton analyse sur Lapeira, et su[…]

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