dolipr4ne a écrit : ↑11 déc. 2018, 22:07
Oui tu as raison concernant SK.
Par contre, j’y crois toujours pas au super grimpeur.
Et j’ai meme envie de dire que j’ai pas envie d’y croire car le gars aura les oreilles qui vont rapidement siffler s’il arrive à museler le train Sky.
Mais bon, je suis assez résigné pour les GT, je pense qu’on est dans une autre epoque, et que le faux suspense actuel sur chaque GT arrange beaucoup de monde. Les organisateurs ne souhaitent plus de grands écarts, je pense. C’est vrai, c’est tellement incongru des ecarts qui se comptent en minutes sur une course de 3 semaines en 21 etapes....
Déjà, pour nuancer ton point de vue, ce que tu dis ne s'applique qu'au Tour de France et pas à l'ensemble des GT. Il n'y a pas besoin de remonter très loin pour se rendre compte que beaucoup des éditions récentes du Giro et de la Vuelta nous ont offert un beau spectacle et une bonne dose de suspense. Sur le Giro, on reste sur 3 éditions extrêmement serrées avec 2 retournements de situation mémorables. Sur la Vuelta, on peut penser à Valverde qui est encore à 25 secondes de Yates à 3 jours de l'arrivée cette année ou bien à Aru qui renverse Dumoulin la veille de l'arrivée il y a 3 ans.
Ensuite, sur la question des "grosses armadas" et la possibilité d'avoir un cyclisme offensif, je ne pense pas que l'existence de grosses armadas soit la principale explication de l'absence actuelle de spectacle sur les étapes de montagne. Des grosses armadas qui écrasent le Tour pendant plusieurs années, depuis le retour des équipes de marques, c'est la norme plus que l'exception. Sky a perfectionné une stratégie de course mise en place par la Banesto dans les années 90 et reprises dans les années 2000 par US Postal/Discovery. Avant cela, l'équipe Renault avait gagné 6 TDF en 7 années d'existence au tournant des années 1980. Et au début des années 1970, Merckx et la Molteni avaient également la main mise sur la course (37 victoires d'étape à 8 participations au Tour dont 20 pour le seul Merckx).
Et pourtant, malgré l'existence d'équipes dominatrices, des attaques sur les étapes de montagne, il y en avait plus et de plus loin sur le Tour de France. Pour moi, le fait que le nombre d'attaques soit moins important qu'auparavant et que ces attaques interviennent de plus en plus près de l'arrivée ne s'explique pas principalement par l'existence d'une équipe dominatrice. L'évolution à laquelle nous assistons traduit une évolution des qualités des grimpeurs. La tendance à laquelle nous assistons en montagne depuis une dizaine d'années, c'est la mise au second plan du facteur "endurance". On a des grimpeurs de moins en moins endurants et de plus en plus explosifs. Ils se rapprochent de plus en plus des puncheurs à tel point que l'on a du mal à parfois les distinguer (il n'y a qu'à lire les discussions sur "machin est-il un grimpeur-puncheur ou bien un puncheur-grimpeur ?"
).
L'autre jour, je revisionnais l'étape d'Hautacam du Tour de France 1996 (oui, j'aime me faire du mal
). C'est anecdotique, mais très révélateur à mon sens, à l'arrivée, Virenque, 2ème de l'étape déclare "aujourd'hui, c'était une ascension plutôt pour puncheurs [...] mon avantage, c'est monter plusieurs cols dans la journée". Qui oserait dire aujourd'hui qu'Hautacam est une arrivée pour puncheurs ?
Notre perception des étapes de montagne s'est totalement modifiée. Ce qui faisait l'essence du grimpeur c'était son endurance. Dans les années 90, la distinction entre les grimpeurs et les puncheurs était à mon avis beaucoup plus nette qu'aujourd'hui. Actuellement, on est rentré dans l'ère du concours de watts avec des mecs capables de démarrage fulgurants sur des pourcentages toujours plus extrêmes. En revanche, nos grimpeurs modernes sont moins bons que les générations précédentes pour soutenir un effort sur la durée. Cela donne des courses à l'image de l'évolution des grimpeurs. Biquet nous dit que le problème est qu'aucun coureur n'est capable de décrocher les autres sur une ascension. Pour moi, c'est poser le problème à l'envers. Si on reste dans ce schéma de courses, les écarts ne peuvent être qu'en secondes parce qu'on a des coureurs qui bataillent sur une poignée de kilomètres et évoluent dans la même filière. Pour que la montagne refasse des écarts en minutes, il faut remettre le facteur "endurance" au coeur des étapes.
Je pense que, malheureusement, l'évolution récente des qualités du grimpeur est très fortement liée à la question du dopage. Le cyclisme sur route a toujours été un sport d'endurance. Il n'y a qu'à voir la longueur des étapes à l'origine du Tour et du Giro. Ce qui impressionnait, ce n'était pas la capacité à accélérer des coureurs (pour ça, il y a la piste), mais leur capacité à maintenir sur la durée un rythme élevé. L'EPO a totalement rebattu les cartes car, en permettant une réoxygénation artificielle du sang des coureurs, elle a rendu caduque la course en son point le plus fondamental. Les différences d'endurance et de récupération des coureurs ont été totalement brouillées. Une conséquence inattendue de la lutte contre l'EPO est que les grimpeurs ont cherché à développer d'autres qualités et une autre manière de courir lorsque ce n'était plus "open-bar".
Maintenant, pour nuancer un peu mon point de vue, on voit encore de grandes et belles attaques. Le spectacle en montagne n'est pas mort, même sur le Tour. Rien que cette année, on a eu une très belle étape du Tourmalet ou un SK qui tente sa chance à l'ancienne dans l'étape de l'Alpe d'Huez