- 09 oct. 2016, 23:03
#2466328
Challenge in Costa Brava, 250 km, 4000 D+ (selon les organisateurs), classé sur 4 montées chronométrées (pour 16 km et 1110 D+ en tout)
Prologue (scène surréaliste)
- J’arrête, je n’en peux plus !
- Tu l’as voulu, tu continues.
- Mais c’est trop copieux !
- Tu le savais quand tu l’as commandé.
- En plus, c’est encore plus que ce qu’ils ont dit !
- Arrête de discuter et continue à pédaler !
- Mai-euh !
…
Deux parcours, 125 km avec 1800 D+ et 250 km avec 4000 D+, 500 inscrits, dont 172 sur le grand parcours - dont 69 classés, du moins dans les limites de temps.
Strava, ce n’est pas seulement pour les KOMs, ça fait aussi rencontrer du monde.
Deux cyclistes que je connais depuis quelques mois, suite à des excursions de chasse dans le Lauragais, sont Samuel Leguevaques (Tarabel) et Richard Peters (Perpignan).
Après quelques rencontres sur des cyclos (jamais tous les 3, pourtant), quelques messages échangés sur Strava et facebook, il est clair que nous recherchons les mêmes choses dans le vélo: les défis, le dénivelé, des plans en dehors des sentiers battus, et le partage (et les KOMs).
Ce « Challenge in Costa Brava », dégoté par Sam, qui cherchait « une cyclo sympa en Espagne », nous voit donc réuni pour la première fois au départ d’une compétition. Compétition d’autant plus sympa à faire à plusieurs, qu’il y a la possibilité de s’attendre en haut des cols sans pour autant perdre sa place ! Et - sérieux, 250 km de « course » pour des non-pros, il ne faut peut-être pas exagérer non plus !
Quelques semaines avant, nous avions fait un entrainement tous les trois. Sam n’était pas trop dans son assiette, il avait pris du poids, il disait avoir déjà fini sa saison - en gros. Mais je connais Sam. Qui gagne la Castraise 2016 avec une échappée de 110 km solo, a de la réserve. Puis nous avions en été fait une sortie ensemble dans les cols pyrénéennes lors de laquelle j’ai pu me rendre compte des qualités hors normes du grimpeur Sam.
J’étais un peu plus circonspect en ce qui concerne Richard. Arrivé au vélo sur le tard, à 40 ans, avec seulement 2 années de pratique dans les pattes, malgré un potentiel certainement énorme, je me posais des questions sur ses capacités de gérer et d’encaisser un tel « morceau ». D’autant plus que lors de la « Gravel de fer », samedi dernier, il avait eu un gros passage à vide à mi-parcours. Et puis Strava lui avait sorti un score d’endurance de plus de 400 (!!!), tellement il a batifolé pendant des heures en haut du cardio, puisant dans ses réserves jusqu’au fin fond du fond du trou.
(Pour ceux qui se posent la question: au delà de 400 de score d’endurance, ça reste « épique » - il n’y a pas de catégorie supérieure genre « chtarbé » - où alors peut-être au dessus de 500, mais je préfère ignorer certaines choses.)
Mais bon, tout comme la « Gravel de fer », le « Challenge in Costa Brava » n’étant pas chronométré, on pourrait toujours « aviser ».
Quant à moi, après toutes mes longues sorties en solo, et une autre semaine « light » je me sentais à la hauteur de la tâche, bien que les chiffres inspirent le respect, pour ne pas dire la crainte.
RDV donc le vendredi soir sur place, à Blanes, sur la Costa Brava. J’arrive avec toute la famille, il y avait à peine la place pour le biclou dans le break. Heureusement que Sam et Richard m’ont déjà retiré mon dossard et repéré un peu le départ dans l’après-midi.
Dîner dans un superbe resto à tapas dans Llloret del Mar (contrairement à la France, repas « Tapas » en Espagne ne veut pas (forcément) dire qu’on se fait voler à bouffer des trucs décongelés rikiki et dégoulinant de friture à des prix exorbitants)….). Sam est venu avec sa femme, mes enfants sont sages (pour une fois), on passe une excellente soirée, ça commence bien. Entre les calories, le Rouge Catalan et le Ratafia (je recommande) on se remplit les stocks de glycogéne de façon décomplexé.
Le lendemain au petit dej, ça devient un peu plus sérieux - pour certains. Tandis que je me jette sur un superbe « gâteau du sportif » merveilleusement préparé par Richard, Sam, lui, attaque au saucifflard.
Tellement on enchaîne sur les ripailles de la veille, qu’on est finalement un peu juste pour le départ - de Lloret del Mar à Blanes, il y a tout de même 10 bornes (pas plats).
Nous arrivons une minute pile avant le départ officiel, devant des barrières déjà remplis à craquer de cyclistes prêts à en découdre.
Dilemme ! Nous n’avons aucune envie d’avoir à remonter tout le paquet ! On se doute quand même que ce ne sont pas tous des pros, et qu’on a nos chances de jouer de bonnes places. Allez, a contre-coeur, on fait donc nos gros blaireaux mal élevés de Français, on déplace les barrières pour ce glisser parmi les premiers partants. Voilà. J’ai avoué. Personne ne s’en est offusqué, du moins visiblement.
Départ neutralisé dans Blanes. Qu’est-ce que c’est moche quand même, ces villes touristiques de la Costa Brava. Enfin, ce n’est pas un scoop. De zones touristiques en zones commerciales, nous avons hâte de rejoindre le fameux arrière-pays de la Costa Brava. S’il y a tant d’équipes de pros et autres qui viennent s’entraîner ici, ça ne peut pas être dû uniquement aux hébergements à prix cassés en basse saison !
Premier constat: Les routes !!! Ce n’est pas de l’asphalte, c’est du marbre. Incroyable ! Et moi qui avais gonflé mes pneus à 6,5 bar seulement en prévision d’un mauvais revêtement… Bon, sur les 250 km de parcours (officiels), il y a tout de même une exception notable, j’y viendrai…
Premières bosses en sortie de ville, évidemment, ça flingue devant. Un tas de coureurs qui ont revêtu le maillot officiel du « challenge », ça faisait un peu équipe - mais ce n’est peut-être qu’un hasard. N’empêche qu’un bon groupe de coureurs fait du tempo devant. Surtout en début de montée (souvent dans les 7%), il faut s’accrocher, après ça faiblit assez vite… Au bout d’un moment, nous nous retrouvons à une bonne vingtaine, avec toujours les mêmes maillots bleus du challenge, + 3 noires et un jaune fluo (délavé) devant.
Tiens, ce coureur en jaune fluo. Au début, il m’a bien fait rire. (Très) petit, trapu, toujours les mains en bas du guidon, il est en survélocité tout le temps. Quand il se met en danseuse, il gigote tellement qu’on se demande comment il fait pour ne pas tomber de son (petit) vélo… Froome à côté, c’est une statue, c’est dire.
Nous passons donc les premiers 40 km comme ça. Ca monte, ça descend, beaucoup de virages, de jolis paysages avec vu sur mer. J’ai de bonnes sensations, je prends (un peu) de plaisir…Mais rien de transcendant. Blasé ? Peut-être l’absence de compétition ? Je ne sais pas. J’ai un peu de mal à me mettre dans le bain.
La première montée chrono approche, au bout de 40 km, le col de St. Grau (mais pas en intégralité), 280 de D+ pour 5km. Avant l’entame du col, ça beepe de partout. Des GPS ? Des scans de plaques ? Je ne sais pas. Dans l’épingle qui marque le début du chrono, 3 bandes traversent la route. Gêné par d’autres coureurs, je dois couper la route et ne réussis à passer que sur 2 des bandes. Confusion (je semble abonné à ce genre de déconvenue en course, après des accidents cons sur ma dernière cyclo et un embranchement loupé sur mon dernier chrono…). Je me dis: Mieux vaut perdre quelques secondes que ne pas être classé. Je fais donc demi-tour, et je repasse sur les TROIS bandes.
Deux mecs (maillots noires), sont partis devant, ils ont une petite centaine de mètre d’avance.
Je mets les gaz. Les gaz arrivent. Copieusement. Cool ! Assez vite, je remonte Sam, qui s’était lancé à la poursuite des 2 chaudières. Sam se colle dans ma roue sans difficulté. C’est roulant (depuis la « Gravel de fer » et ses cols à 11% dans de la caillasse, j’ai tendance à tout trouver « roulant » :-)…).
Le cardio monte. 160, 165, 167… ça va vite, et ça va haut. En même temps, j’arrive à rester sur une respiration d’un cycle inspiration / expiration sur 2 tours complets de pédalier. J’ai de la marge. Idem pour Sam.
Ca monte sur une jolie route au revêtement de rêve, il y a des replats qui permettent de faire (un peu) descendre le coeur. Mais nous en profitons surtout pour foutre des gros coups d’accélérateur.
Nous nous permettons même un petit hommage à Armstrong, en claquant un freinage d’urgence pour éviter de sortir d’une épingle surprise au bout d’une partie en faux-plat montant :-)
Ainsi, nous rattrapons les deux mecs en noir. Ca respire nettement plus vite et plus bruyamment. Mais ça s’accroche. Ayant encore 210 km et 3 chronos devant nous, Sam et moi ne faisons pas de zèle et contrôlons la situation. Nous arrivons tous les 4 avec le même chrono, juste en dessous de 12 minutes pour 25,17 de moyenne (les chiffres, nous ne les aurons qu’à l’arrivée).
Richard prend une minute de retard. Il est vert, il est trop resté en réserve. Il aurait pu s’accrocher.
Gros échange de félicitation avec les 2 Espagnols et d’autres qui arrivent peu à peu. En Espéranto approximatif, nous apprenons que les 2 gars en noir sont sur la « petite » - c’était leur seule montée chrono.
Sam et moi nous disons donc que, si nous arrivons à nous gérer sur les « quelques » 210 km restants, ça pourrait bien se jouer entre nous deux. Cool !
Nous faisons les quelques lacets plus raides (mais non-chronométrés) jusqu’en haut du col, où il y a le premier ravito.
C’est le moment d’insérer un petit paragraphe de louanges à l’organisation de ce challenge (avec toutefois deux, voir trois bémols dont je parlerai). Déjà, le plus important d’abord: Le parcours était magnifique. Il était de surcroit bien et clairement indiqué, avec des flèches jaune fluo de taille suffisante, fixées à hauteur de vue et de façon bien visible sur des lampadaires et autres panneaux de signalisation. J’insiste, car entre ça et des flèches rikiki au sol, des ramassis de petits cartons de signalisation de récup de toutes les couleurs fixés n’importe où n’importe comment, ou l’absence de tout ça, que j’ai pu voir sur d’autres cyclos cette année, ça fait carrément la différence. Idem pour les signaleurs. Ils signalaient vraiment des directions claires et nettes. Et non pas le ciel avec une main et leur pied gauche (ou droit, ou les deux) avec l’autre.
Puis l’encadrement. 100% police en moto. Des mecs qui connaissent leur métier, et qui savent se faire respecter. Rien à voir avec ces motard du dimanche qui passent leur temps à remonter le peloton tous les 5 minutes à coups de claxon en mettant tout le monde en danger, en rogne, et dans le pire des cas dans le vélo de leur voisin de peloton.
En plus de ça, des ravitos en nombre largement suffisant, avec eau et boissons énergétiques pour tout le monde, gobelets et grandes bouteilles pour recharger les bidons. Seul au niveau de la bouffe, ce n’était pas trop ça. A vrai dire, on aurait dit un anniversaire d’enfant. Des bonbons coca, des fraises tagada, des cookies, des viennoiseries… il ne manquaient plus que des ballons de baudruche et des poches en papier avec des nounours colorés pour emporter tout ça, et c’était parfait. Le seul truc plus« à propos » étaient des figues séchés.
La zone d’arrivé était, elle aussi superbe, mais ne grillons pas les étapes !
De ce premier, très joli col, descente dans la plaine de Girone. Et là, c’est tout de suite moins sexy. Beaucoup moins. Une plaine entre industrie et agriculture, avec d’énormes routes nationales (dont nous emprunterons certaines), et une odeur omniprésente et franchement pas appétissante d’élevages porcines.
Heureusement que devant, ça roule, nous sommes entre 40 et 50 km/h en permanence. Tout contraire à mon habitude, je ne mets pas le nez à la fenêtre. Nous sommes, Richard, Sam et moi, bien au chaud. Ce sont les coureurs de la petite boucle qui nous amènent. Et à vrai dire, je me fais chier. C’est pas pour moi, de rouler comme ça en peloton. Paradoxalement, ça me fatigue. C’est probablement plus de la fatigue morale que physique, mais j’ai les jambes qui deviennent lourdes, les genoux qui se grippent. A croire qu’à rouler seul si souvent (et en forçant), j’ai du mal à gérer de rouler de façon relâchée. Ca serait bien de l’apprendre, pourtant :-)
A un moment, j’en ai marre, je remonte la file et je me mets au vent. Mais juste après arrive un rond point, le peloton se compacte, je me retrouve à nouveau dans le paquet, et pour une fois personne ne semble vouloir profiter de mon côté volontaire. Tant pis. Comme dit Sam: On se retrouvera bien assez devant plus tard…
Ce passage interminable parmi les futures charcuteries sous vide finit par passer. Les deux parcours se séparent, et tout de suite ça lève le pied. Nous sommes une bonne dizaine de coureurs. Depuis 30 km, je me traine une horrible envie de pisser. Mais je n’ai pas envie de griller des cartouches à remonter seul sur plusieurs kilomètres. Pourtant, avant d’être contraint d’abandonner sur explosion de la vessie, je m’arrête, et je pisse un lac. Ca ne veut plus s’arrêter. Bon. C’est un CR de cyclo, pas d’urologie. Je remonte sur mon biclou, et je vois disséminé sur le bord de la route les copains qui n’ont probablement qu’attendu que quelqu’un ouvre le bal du soulagement. Nous continuons donc notre route sans consentir d’efforts inutiles - il reste 150 bornes. Drôle de sentiment, de se dire: On a fait 100 bornes - il reste 150 :-/
Au détour d’un lac de barrage, longé par une belle route malheureusement bien défoncée, nous approchons la deuxième montée chronométré, la Mountagna del Coll, 3 km avec 220 D+.
Et ça attaque très fort, avec du 11%. Sam et moi prenons le large d’emblée, personne n’essaie de suivre. Au bout de 100km, c’est pas pareil. Faux. Ca ne « devrait » pas être pareil. Mais nous déchaînons les fauves l’un comme l’autre. Selon Strava, nous montons ce petit col dans les 350W et 400W respectifs - ce qui est bidon, car nous faisons le même poids - disons donc 375W, pour 10 minutes à presque 18 km/h de moyenne.
Personne ne lâche un cm sur l’autre. Nous montons ce mur tantôt en danseuse, tantôt au train, Sam plus en souplesse (36 devant), moi en force (39), chacun fait ce qu’il sait faire le mieux. Sur le petit replat au milieu, pas question de relâcher. On accélère ! Moi, je suis au rupteur, et Sam semble bien taper dans le dur lui aussi. Pour l’arrivée, je m’offre 2 secondes en anaérobie, fait rarissime pour moi (pas que je ne veuille pas y aller - je n’y arrive tout simplement pas en temps normal). Arrivé en haut, je dis à Sam que ça va se jouer à la fraîcheur sur les deux montées suivantes. Gros éclat de rire. « Sur le dernier, on aura 230 km dans le jambes, et tu parles de fraîcheur ? ». Bon. Fraîcheur relative, alors.
Un Espagnol, Alberto, arrive 45 seconds après nous, et encore 30 seconde plus tard, Richard.
Il me surprend, le bougre ! Il a la rage, il envoie du lourd. Rien à voir avec le Richard qui était à l’agonie dans les cols, à s’accrocher désespérément à me roue samedi dernier ! Tout ce qui se monte de pas chronométré, il suit le train tranquille (plus tranquille que d’autres), et sur les chronos, il ne lâche pas grande chose. Bon. Il reste 150 bornes. Voyons. Mais cette affaire commence à se présenter sous des auspices fort sympathiques pour notre trio tricolore !
Suite à ce deuxième chrono (et son ravito à bonbons), nous attaquons pour une bonne centaine de km un paysage de moyenne montagne très beau et très varié, entre au nord l’espace naturel des Guilleries-Savassona et au sud le parc naturel de Montseny, sur de superbes routes.
Vers le km 130, je commence à me sentir vraiment très bien - peut-être le fait de savoir la moitié du parcours derrière nous ? Ce sont de longs cols au pentes douces, souvent en forêt. Le vent souffle de différentes directions, mais jamais de façon trop forte et gênante, il fait beau mais pas trop chaud, tout le monde semble être en forme. Au bout d’un moment, un peloton d’une dizaine de coureurs se forme à nouveau. Il faut dire que notre trio n’est pas trop pressé aux ravitos, du coup on remonte pas mal de monde qu’on avait battu aux chronos, mais qui avaient repris la route avant nous. Il y a aussi le petit en jaune fluo (délavé). Je me rends compte qu’il est tout jeune ! Probablement même pas 18 ans ! Sa cadence frénétique a baissée de façon perceptible, mais il tient la route. Respect. En découvrant son âge et son choix de parcours, je ne le trouve plus du tout ridicule.
Sam, Richard et moi tirons le peloton. La prévision de Sam était correcte. On allait avoir l’occasion de mettre le nez à la fenêtre. Mais avec une telle vue ! :-)
Richard est infatigable. Il prend les relais à la douzaine.
A l’approche du troisième chrono, qui marque aussi le point culminant du parcours à 1650 m d’altitude, la Turo de l’Home, on tombe sur quelques vrais cols avec des pourcentages aux alentours de 8%. J’ai trouvé un rythme à 144 pulsations pour 13-15 km/h, je suis sur mode automatique. Ca tourne tout seul. Le pied absolu. Dire qu’il y a quelques mois seulement que j’étais incapable à monter un col sans me foutre au seuil, pour des vitesses pas forcément beaucoup plus élevées !
Mon corps en a appris des « skills » cette année !
En fait, la seule chose que je savais faire jusqu’à l’année dernière, et ce de longue date, était d’écraser les pédales entre cadence et seuil jusqu’à l’arrivée, ou jusqu’à l’épuisement, selon lequel des deux arrivait en premier.
De plus, grâce à Strava et la chasse aux KOMs, j’ai appris à fournir des efforts bien plus violents pendant de courtes périodes.
La plus grosse progression s’est faite au niveau du foncier: Avec la première préparation hivernale de ma vie et 14.000 km au compteur à ce jour, j’ai constitué des réserves insoupçonnés. Fut un temps où une sortie de 100 km constituait un exploit. Maintenant, c’est une sortie d’entrainement lambda.
Dernier progrès en date: Il semblerait donc à ce que j’arrive désormais à tenir de bonnes cadences sur longtemps, sans que pour autant mon coeur ressente le besoin d’envoyer la cavalerie.
Magnifique machine que ce corps humain, surtout si tout se passe si bien, sans passages à vide et sans blessures !
Enfin. Derrière, ça commence un peu à râlouiller (en espéranto… personne ne parle ni l’Anglais ni le Français, donc c’est un peu avec les pieds et les mains qu’on communique…)
« Eh, il n’y a pas de chrono sur ce col ! », voilà en gros le propos. A ma grande surprise, le redoutable Sam dit être naze. Tiens donc.
Donc je temporise… un peu. Sur un raidar à 10%, je maintiens la cadence de pédalage, mais forcément, étant limité avec mon 39/28 sur ce point là, ça envoie un peu plus de W. Ca explose derrière. En haut du col, je fais une petite boucle pour patienter, mais ça se répète plus loin. Cette fois-ci, je descends sur une centaine de m. Je préfère ça que de casser mon rythme.
La troisième fois, je trace. Etant seul en tête de course, j’ai une moto de la police devant moi et 2 derrière. Le pied :-) C’est pas tous les jours qu’on fait du vélo dans de telles conditions. En plus, la montée est superbe, en surplomb d’une vallée dans la brume, dans la forêt, la route superbe comme à l’accoutumé, quelques rayons de soleil percent par ci et par là la brume et les feuillages automnales. Par moment, c’est presque irréel.
J’arrive donc au pied de la Turo de l’Home (4km pour 370 de D+) seul. Ravito. Il est temps, car je suis à sec. Je remplis un bidon avec de la boisson isotonique, vide le reste de l’autre dans mon gosier, et à l’attaque.
Là, c’est hard. La route est complètement défoncée, et c’est raide, très raide, jusqu’à 14%. Je suis limité avec mon 39/28, obligé de monter en force, et incapable de me mettre en danseuse. J’ai 190 bornes dans le pattes, et la fraîcheur (n’est-ce pas), semble s’en être allé. Le cardio monte péniblement et très lentement pour plafonner à 162 (j’avais tapé un 174 sur le chrono précédent). Il y a un fort vent tantôt latéral, tantôt de dos (heureusement !) qui envoie des morceaux de nuage déchiqueté sur la route, la visibilité passe par endroit en dessous des 10m, et il fait de plus en plus froid. Sans repères, je fais ce que je peux. Dans la mesure du possible, je ne lâche rien. Je sais que le reste du parcours sera presque exclusivement en descente, donc autant tout donner et faire la dernière montée (au km 230) en mode survie.
Je vois l’arrivée juste avant de franchir la ligne.
Sur ce bâtard de col, je fais 16:40 pour une moyenne de 14,4 km/h. Mais une fois de plus, je ne le sais pas. En fait, je ne sais rien. Je ne sais pas quand vont arriver les autres, ni combien d’avance j’avais à l’entame du col, ni si je suis monté bien, ni si eux du coup arriveront mieux reposé. Tant pis. Je prends une grosse gorgée dans ma gourde fraîchement remplie.
Aaaahrrrg ! BEURK ! Qu’est-ce que c’est que ça ? On dirait du PAIC citron ! C’est épais, c’est gluant, c’est insupportablement sucré et acide en même temps ! Deux possibilités: soit, ils m’ont servi directement du bidon prévu pour la préparation d’environ 100 l de boisson isotonique, soit il n’y comprenaient rien et ont cru bien faire de mélanger eau et poudre dans une ratio de 1:1.
Mais il n’y a rien d’autre à boire !
Et j’ai vraiment soif ! Donc j’en bois quelques gorgées, en me forçant.
Un jeune homme à l’arrivée du chrono me dit qu’il faut continuer la montée de la Turo de l’Homo jusque tout en haut, et faire demi-tour à la voiture du directeur de la course. Sérieux ? J’avais dit que la route du col était défoncé ? Là, ce n’est plus une route, mais un chemin de rando vaguement asphalté. D’ailleurs, des randonneurs et des VTTistes (complètement collés), ce n’est pas ce qui manque dans ce paysage de montagne.
Bon, ils veulent faire découvrir le pays et faire monter les touristes au point le plus haut. C’est de bonne guerre. En route, alors. De toute façon, personne n’arrive, et c’est toujours mieux que de prendre froid. Au bout de quelques encablures dans le brouillard, j’arrive dans des pâturages de chèvres. Et là, la « route » est crépi, mais vraiment crépi de merde. Impossible d’éviter les crottes, il y en a vraiment partout. Je roule dans la merde. Avec du PAIC Citron dans mon bidon. Y a comme un problème, là. Heureusement que la route (la merde) est sèche. Sinon, on aurait tous fini aussi crépi de crottes de bique que la route elle même.
Ce n’est pas long, heureusement, et moins brutalement raide que la partie chronométré aussi. J’arrive donc en haut parmi des randonneurs un brin incrédules. Je demande au directeur de la course s’il a de l’eau, pour remplacer le PAIC Citron. Il regarde dans le coffre de sa voiture: Non, juste du Cava (champagne espagnol, pour ceux qui ne connaissent pas). J’aurais limite préféré…
Pour ne pas prendre froid et en attendant les compères, je commence à m’étirer, et qui vois-je arriver ? Ex-aequo Alberto (le 3ème du précédent chrono), un autre Espagnol et… Richard ! Devant Sam ! J’hallucine. Il me scotche, ce Richard. En même temps, je commence à vraiment m’inquiéter pour Sam. Je sais par expérience que, si Sam prend un coup au morale, ce n’est pas chose aisée de le remettre en route.
Alberto râle. N’importe quoi de nous avoir fait monter ici, c’est quoi ce bordel ? (Pas besoin de parler l’Espagnol pour comprendre…) Il fait demi-tour et descend illico. Nous, on attend Sam. Qui ne tarde pas trop à pointer son nez. Je m’inquiète. A raison (pour le moment), mais à tort aussi (pour la suite des évènements). Il me dit que sur la montée, il n’a pas réussi à faire monter le cardio au dessus de 130. Aïe ! Et moi qui croyais être collé…
Ils ont vécu la même mésaventure avec le PAIC Citron, mais ils ont tous les deux une boisson de substitution, donc leur bidon de détergent a fini dans les buissons.
Nous descendons ensemble dans le brouillard et le froid, dans la merde, et sur une route déchiquetée, qui comme par miracle s’abstient à crever nos pneus.
D’un deuxième passage au ravito en bas de la Turo de l’Home, je reprends de la boisson digne de ce nom.
Au fur et à mesure que nous descendons, le froid devient moins préoccupant, mais je commence à avoir un mal de bide qui monte crescendo. Ca devient vraiment dur. Je n’en profite presque pas de la descente, magnifique et interminable. Nous y passons d’autant plus de temps que le vent souffle de face, et malgré l’impressions de très grande vitesse que cela nous confère, nous ne dépassons en fait à peine les 70 km/h sur des descentes à près de 10% !
Mais ce ventre qui fait mal ! A un moment, je sens que je vais lâcher un rot libérateur, mais il se coince dans mes entrailles. C’est comme si j’avais une bulle visqueuse de lave là en bas qui gonfle, qui gonfle, mais qui ne veut pas éclater. Je commence à avoir un sentiment de suffocation quand enfin, ça part. S’il y avait des chasseurs dans les parages, ils ont dû prendre ça pour le brame du cerf. Putain de PAIC Citron.
Après la descente, commence la partie la plus magnifique du parcours, avec heureusement un mal de ventre qui commence à devenir plus supportable.
C’est du délire. On dirait un grand 8, ou alors un single-track, mais pour vélo de route. Une toute petite route toute étroite, mais lisse comme un billard, qui zigzague dans une forêt de petits chênes. Des montées super raides, mais super courtes, des descentes du même acabit, des virages hyper-serrés - on dirait presque une route miniature, tout est à échelle 1:2, voir 1:3 (y compris les arbres). Je n’y vois personne à part nous, mais je ne serais pas surpris d’y croiser des nains. On en oublie le fait d’avoir déjà 200 bornes dans les pattes ! Parlant de 200 bornes, le dénivelé total du parcours était donné avec 4000m. Avant d’attaquer la dernière montée chronométrée, nous avons entre 4400 et 4600m sur nos altimètres barométriques…
Sortis du merveilleux monde miniature, une transition dans la plaine, et nous attaquons la dernière montée chronométré (Sant Feliu, 4km avec 240 D+), au bout de 230 km (par rapport au parcours, nous avons 10 de plus aux compteurs, dû à l’allée matinale). Mon mal de bide m’a enfin quitté. Je n’aurai pas su puiser dans mes derniers réserves, plié en deux.
La ligne de départ franchi, je tente une accélération. Cool. Ca marche encore. Derrière, j’entends Sam gueuler: « T’es un gros bourrin ! » Je prends ça pour un compliment. Sam qui s’est par ailleurs refait une santé, heureusement ! Je le vois me suivre pas loin derrière, il est le seul. En bas de la montée, nous étions encore 5: nous 3, et 2 Espagnols.
Mon cardio monte encore plus timidement que sur la Turo de l’Home. 150, 155… et j’atteins de nouveau les 162. Pendant une poingnée de secondes. Au bout de quelques lacets, je ne vois plus Sam, donc je me permets de lever un peu le pied dans les replats. Il reste 30 km pour rentrer, vent de face ! Sam arrive 20 secondes après moi, et Richard encore une minute plus tard. Il a encore du jus, Satanas (son petit surnom…). Pas de trace des deux autres Espagnols.
En haut, c’est le dernier ravito, nous ne voulons pas perdre de temps. Quelques figues et quelques bonbons plus tard, nous traçons. Richard, chaud comme une bouilloire, veut franchir la ligne d’arrivée en premier, même si ce n’est que symbolique. Et il y a Alberto devant nous. Alors Richard se met devant dans un faux plat montant face au vent et nous claque une de ces accélérations ! Quand Sam et moi l’accrochons au prix de grands efforts, je lance à Sam « Dis donc, Richard s’est fait une deuxième jeunesse !» Suite à quoi le sus-nommé est transi de crampes foudroyantes. Fallait pas faire le malin :-) Il hurle, se tape les cuisses, et trouve tout ça de façon générale beaucoup moins drôle que Sam et moi… Je m’excuse, lui disant que je me suis trompé, ce n’était pas une deuxième jeunesse, mais une première vieillesse.
Les crampes passées, nous nous relayons face au vent avec un bon rythme, cramant par là les dernières calories. Richard dit « C’est pas possible, on aurait du le choper là l’Alberto, il ne peut pas avoir tant d’avance seul face au vent ». Ben si. Suffisait de ne pas s’arrêter aux ravitos, en fait…
A l’approche de Blanes, la ville départ/arrivée, nous sommes encadrés de nouveau par 2 motos de la police. Avec gyrophare et tout le tremblement. Nous sommes l’échappée du Tour de France ! C’est grisant.
Petit coup d’oeil sur les compteurs: 260 bornes, et ça tourne. Hmmm. 10 bornes d’aller + 250 km.. Il y a comme un problème. On arrive tout juste dans les zones indus de Blanes. Ca n’en finit pas de finir. Une dernière montée (bien raide !), descente vers le centre ville, une succession interminable de ronds points, on longe la promenade de la plage avec l’arrivé dans le sens inverse, on tourne…. et nous franchissons l’arche de la ligne d’arrivée en se tenant les mains. Les trois mousquetaires.
Nous avons survécu. Et nous sommes fatigués, mais pas exténués. Nos femmes et mes enfants nous attendent, et tiens - Alberto est là aussi. Depuis 2 minutes. En tout cas, moi, je suis très ému. En plus, je me doute bien d’avoir gagné.
Le résultat tombe quelques demi heures plus tard. En fait, suite à mon état de grâce aux alentours des km 130-190, j’ai cassé la baraque sur la 3ème montée, celle de la Turo de l’Home, mettant 2:30 min au deuxième et 4:30 à Sam.
En attendant le podium, nous profitons tous de la superbe zone d’arrivée face à la mer. Du pan con Tomate aux saucisses, ainsi que de la salade aux pâtes et au thon à volonté, de la bonne bière, de la bonne musique (!!! un autre point très important à travailler pour de nombreuses cyclosportives Françaises), la plage, le soleil. En un mot: Chouette !
En ce qui me concerne, je leur pardonne volontiers la grosse bourde informatique qui a fait que le podium a pris allègrement 2 bonnes heures de retard, si bien qu’il n’y avait quasiment plus personne pour y assister. Ca ne nous a pas empêché de nous marrer comme des baleines, quand les podium-girls m’ont lesté de 3 grosses coupes d’un coup pour les 3 montées sur 4 de gagnées. La quatrième était pour Sam, qui fait d’ailleurs 2ème au général.
Richard, quant à lui, échoue de justesse au pied du podium. 3ème place prise par Alberto, qui malheureusement en avait eu marre d’attendre le podium et était parti.
La prochains fois, ils réfléchiront à deux reprises avant d’ouvrir leur épreuve aux coureurs étrangers :-)
https://www.strava.com/activities/738559752/overview
Prologue (scène surréaliste)
- J’arrête, je n’en peux plus !
- Tu l’as voulu, tu continues.
- Mais c’est trop copieux !
- Tu le savais quand tu l’as commandé.
- En plus, c’est encore plus que ce qu’ils ont dit !
- Arrête de discuter et continue à pédaler !
- Mai-euh !
…
Deux parcours, 125 km avec 1800 D+ et 250 km avec 4000 D+, 500 inscrits, dont 172 sur le grand parcours - dont 69 classés, du moins dans les limites de temps.
Strava, ce n’est pas seulement pour les KOMs, ça fait aussi rencontrer du monde.
Deux cyclistes que je connais depuis quelques mois, suite à des excursions de chasse dans le Lauragais, sont Samuel Leguevaques (Tarabel) et Richard Peters (Perpignan).
Après quelques rencontres sur des cyclos (jamais tous les 3, pourtant), quelques messages échangés sur Strava et facebook, il est clair que nous recherchons les mêmes choses dans le vélo: les défis, le dénivelé, des plans en dehors des sentiers battus, et le partage (et les KOMs).
Ce « Challenge in Costa Brava », dégoté par Sam, qui cherchait « une cyclo sympa en Espagne », nous voit donc réuni pour la première fois au départ d’une compétition. Compétition d’autant plus sympa à faire à plusieurs, qu’il y a la possibilité de s’attendre en haut des cols sans pour autant perdre sa place ! Et - sérieux, 250 km de « course » pour des non-pros, il ne faut peut-être pas exagérer non plus !
Quelques semaines avant, nous avions fait un entrainement tous les trois. Sam n’était pas trop dans son assiette, il avait pris du poids, il disait avoir déjà fini sa saison - en gros. Mais je connais Sam. Qui gagne la Castraise 2016 avec une échappée de 110 km solo, a de la réserve. Puis nous avions en été fait une sortie ensemble dans les cols pyrénéennes lors de laquelle j’ai pu me rendre compte des qualités hors normes du grimpeur Sam.
J’étais un peu plus circonspect en ce qui concerne Richard. Arrivé au vélo sur le tard, à 40 ans, avec seulement 2 années de pratique dans les pattes, malgré un potentiel certainement énorme, je me posais des questions sur ses capacités de gérer et d’encaisser un tel « morceau ». D’autant plus que lors de la « Gravel de fer », samedi dernier, il avait eu un gros passage à vide à mi-parcours. Et puis Strava lui avait sorti un score d’endurance de plus de 400 (!!!), tellement il a batifolé pendant des heures en haut du cardio, puisant dans ses réserves jusqu’au fin fond du fond du trou.
(Pour ceux qui se posent la question: au delà de 400 de score d’endurance, ça reste « épique » - il n’y a pas de catégorie supérieure genre « chtarbé » - où alors peut-être au dessus de 500, mais je préfère ignorer certaines choses.)
Mais bon, tout comme la « Gravel de fer », le « Challenge in Costa Brava » n’étant pas chronométré, on pourrait toujours « aviser ».
Quant à moi, après toutes mes longues sorties en solo, et une autre semaine « light » je me sentais à la hauteur de la tâche, bien que les chiffres inspirent le respect, pour ne pas dire la crainte.
RDV donc le vendredi soir sur place, à Blanes, sur la Costa Brava. J’arrive avec toute la famille, il y avait à peine la place pour le biclou dans le break. Heureusement que Sam et Richard m’ont déjà retiré mon dossard et repéré un peu le départ dans l’après-midi.
Dîner dans un superbe resto à tapas dans Llloret del Mar (contrairement à la France, repas « Tapas » en Espagne ne veut pas (forcément) dire qu’on se fait voler à bouffer des trucs décongelés rikiki et dégoulinant de friture à des prix exorbitants)….). Sam est venu avec sa femme, mes enfants sont sages (pour une fois), on passe une excellente soirée, ça commence bien. Entre les calories, le Rouge Catalan et le Ratafia (je recommande) on se remplit les stocks de glycogéne de façon décomplexé.
Le lendemain au petit dej, ça devient un peu plus sérieux - pour certains. Tandis que je me jette sur un superbe « gâteau du sportif » merveilleusement préparé par Richard, Sam, lui, attaque au saucifflard.
Tellement on enchaîne sur les ripailles de la veille, qu’on est finalement un peu juste pour le départ - de Lloret del Mar à Blanes, il y a tout de même 10 bornes (pas plats).
Nous arrivons une minute pile avant le départ officiel, devant des barrières déjà remplis à craquer de cyclistes prêts à en découdre.
Dilemme ! Nous n’avons aucune envie d’avoir à remonter tout le paquet ! On se doute quand même que ce ne sont pas tous des pros, et qu’on a nos chances de jouer de bonnes places. Allez, a contre-coeur, on fait donc nos gros blaireaux mal élevés de Français, on déplace les barrières pour ce glisser parmi les premiers partants. Voilà. J’ai avoué. Personne ne s’en est offusqué, du moins visiblement.
Départ neutralisé dans Blanes. Qu’est-ce que c’est moche quand même, ces villes touristiques de la Costa Brava. Enfin, ce n’est pas un scoop. De zones touristiques en zones commerciales, nous avons hâte de rejoindre le fameux arrière-pays de la Costa Brava. S’il y a tant d’équipes de pros et autres qui viennent s’entraîner ici, ça ne peut pas être dû uniquement aux hébergements à prix cassés en basse saison !
Premier constat: Les routes !!! Ce n’est pas de l’asphalte, c’est du marbre. Incroyable ! Et moi qui avais gonflé mes pneus à 6,5 bar seulement en prévision d’un mauvais revêtement… Bon, sur les 250 km de parcours (officiels), il y a tout de même une exception notable, j’y viendrai…
Premières bosses en sortie de ville, évidemment, ça flingue devant. Un tas de coureurs qui ont revêtu le maillot officiel du « challenge », ça faisait un peu équipe - mais ce n’est peut-être qu’un hasard. N’empêche qu’un bon groupe de coureurs fait du tempo devant. Surtout en début de montée (souvent dans les 7%), il faut s’accrocher, après ça faiblit assez vite… Au bout d’un moment, nous nous retrouvons à une bonne vingtaine, avec toujours les mêmes maillots bleus du challenge, + 3 noires et un jaune fluo (délavé) devant.
Tiens, ce coureur en jaune fluo. Au début, il m’a bien fait rire. (Très) petit, trapu, toujours les mains en bas du guidon, il est en survélocité tout le temps. Quand il se met en danseuse, il gigote tellement qu’on se demande comment il fait pour ne pas tomber de son (petit) vélo… Froome à côté, c’est une statue, c’est dire.
Nous passons donc les premiers 40 km comme ça. Ca monte, ça descend, beaucoup de virages, de jolis paysages avec vu sur mer. J’ai de bonnes sensations, je prends (un peu) de plaisir…Mais rien de transcendant. Blasé ? Peut-être l’absence de compétition ? Je ne sais pas. J’ai un peu de mal à me mettre dans le bain.
La première montée chrono approche, au bout de 40 km, le col de St. Grau (mais pas en intégralité), 280 de D+ pour 5km. Avant l’entame du col, ça beepe de partout. Des GPS ? Des scans de plaques ? Je ne sais pas. Dans l’épingle qui marque le début du chrono, 3 bandes traversent la route. Gêné par d’autres coureurs, je dois couper la route et ne réussis à passer que sur 2 des bandes. Confusion (je semble abonné à ce genre de déconvenue en course, après des accidents cons sur ma dernière cyclo et un embranchement loupé sur mon dernier chrono…). Je me dis: Mieux vaut perdre quelques secondes que ne pas être classé. Je fais donc demi-tour, et je repasse sur les TROIS bandes.
Deux mecs (maillots noires), sont partis devant, ils ont une petite centaine de mètre d’avance.
Je mets les gaz. Les gaz arrivent. Copieusement. Cool ! Assez vite, je remonte Sam, qui s’était lancé à la poursuite des 2 chaudières. Sam se colle dans ma roue sans difficulté. C’est roulant (depuis la « Gravel de fer » et ses cols à 11% dans de la caillasse, j’ai tendance à tout trouver « roulant » :-)…).
Le cardio monte. 160, 165, 167… ça va vite, et ça va haut. En même temps, j’arrive à rester sur une respiration d’un cycle inspiration / expiration sur 2 tours complets de pédalier. J’ai de la marge. Idem pour Sam.
Ca monte sur une jolie route au revêtement de rêve, il y a des replats qui permettent de faire (un peu) descendre le coeur. Mais nous en profitons surtout pour foutre des gros coups d’accélérateur.
Nous nous permettons même un petit hommage à Armstrong, en claquant un freinage d’urgence pour éviter de sortir d’une épingle surprise au bout d’une partie en faux-plat montant :-)
Ainsi, nous rattrapons les deux mecs en noir. Ca respire nettement plus vite et plus bruyamment. Mais ça s’accroche. Ayant encore 210 km et 3 chronos devant nous, Sam et moi ne faisons pas de zèle et contrôlons la situation. Nous arrivons tous les 4 avec le même chrono, juste en dessous de 12 minutes pour 25,17 de moyenne (les chiffres, nous ne les aurons qu’à l’arrivée).
Richard prend une minute de retard. Il est vert, il est trop resté en réserve. Il aurait pu s’accrocher.
Gros échange de félicitation avec les 2 Espagnols et d’autres qui arrivent peu à peu. En Espéranto approximatif, nous apprenons que les 2 gars en noir sont sur la « petite » - c’était leur seule montée chrono.
Sam et moi nous disons donc que, si nous arrivons à nous gérer sur les « quelques » 210 km restants, ça pourrait bien se jouer entre nous deux. Cool !
Nous faisons les quelques lacets plus raides (mais non-chronométrés) jusqu’en haut du col, où il y a le premier ravito.
C’est le moment d’insérer un petit paragraphe de louanges à l’organisation de ce challenge (avec toutefois deux, voir trois bémols dont je parlerai). Déjà, le plus important d’abord: Le parcours était magnifique. Il était de surcroit bien et clairement indiqué, avec des flèches jaune fluo de taille suffisante, fixées à hauteur de vue et de façon bien visible sur des lampadaires et autres panneaux de signalisation. J’insiste, car entre ça et des flèches rikiki au sol, des ramassis de petits cartons de signalisation de récup de toutes les couleurs fixés n’importe où n’importe comment, ou l’absence de tout ça, que j’ai pu voir sur d’autres cyclos cette année, ça fait carrément la différence. Idem pour les signaleurs. Ils signalaient vraiment des directions claires et nettes. Et non pas le ciel avec une main et leur pied gauche (ou droit, ou les deux) avec l’autre.
Puis l’encadrement. 100% police en moto. Des mecs qui connaissent leur métier, et qui savent se faire respecter. Rien à voir avec ces motard du dimanche qui passent leur temps à remonter le peloton tous les 5 minutes à coups de claxon en mettant tout le monde en danger, en rogne, et dans le pire des cas dans le vélo de leur voisin de peloton.
En plus de ça, des ravitos en nombre largement suffisant, avec eau et boissons énergétiques pour tout le monde, gobelets et grandes bouteilles pour recharger les bidons. Seul au niveau de la bouffe, ce n’était pas trop ça. A vrai dire, on aurait dit un anniversaire d’enfant. Des bonbons coca, des fraises tagada, des cookies, des viennoiseries… il ne manquaient plus que des ballons de baudruche et des poches en papier avec des nounours colorés pour emporter tout ça, et c’était parfait. Le seul truc plus« à propos » étaient des figues séchés.
La zone d’arrivé était, elle aussi superbe, mais ne grillons pas les étapes !
De ce premier, très joli col, descente dans la plaine de Girone. Et là, c’est tout de suite moins sexy. Beaucoup moins. Une plaine entre industrie et agriculture, avec d’énormes routes nationales (dont nous emprunterons certaines), et une odeur omniprésente et franchement pas appétissante d’élevages porcines.
Heureusement que devant, ça roule, nous sommes entre 40 et 50 km/h en permanence. Tout contraire à mon habitude, je ne mets pas le nez à la fenêtre. Nous sommes, Richard, Sam et moi, bien au chaud. Ce sont les coureurs de la petite boucle qui nous amènent. Et à vrai dire, je me fais chier. C’est pas pour moi, de rouler comme ça en peloton. Paradoxalement, ça me fatigue. C’est probablement plus de la fatigue morale que physique, mais j’ai les jambes qui deviennent lourdes, les genoux qui se grippent. A croire qu’à rouler seul si souvent (et en forçant), j’ai du mal à gérer de rouler de façon relâchée. Ca serait bien de l’apprendre, pourtant :-)
A un moment, j’en ai marre, je remonte la file et je me mets au vent. Mais juste après arrive un rond point, le peloton se compacte, je me retrouve à nouveau dans le paquet, et pour une fois personne ne semble vouloir profiter de mon côté volontaire. Tant pis. Comme dit Sam: On se retrouvera bien assez devant plus tard…
Ce passage interminable parmi les futures charcuteries sous vide finit par passer. Les deux parcours se séparent, et tout de suite ça lève le pied. Nous sommes une bonne dizaine de coureurs. Depuis 30 km, je me traine une horrible envie de pisser. Mais je n’ai pas envie de griller des cartouches à remonter seul sur plusieurs kilomètres. Pourtant, avant d’être contraint d’abandonner sur explosion de la vessie, je m’arrête, et je pisse un lac. Ca ne veut plus s’arrêter. Bon. C’est un CR de cyclo, pas d’urologie. Je remonte sur mon biclou, et je vois disséminé sur le bord de la route les copains qui n’ont probablement qu’attendu que quelqu’un ouvre le bal du soulagement. Nous continuons donc notre route sans consentir d’efforts inutiles - il reste 150 bornes. Drôle de sentiment, de se dire: On a fait 100 bornes - il reste 150 :-/
Au détour d’un lac de barrage, longé par une belle route malheureusement bien défoncée, nous approchons la deuxième montée chronométré, la Mountagna del Coll, 3 km avec 220 D+.
Et ça attaque très fort, avec du 11%. Sam et moi prenons le large d’emblée, personne n’essaie de suivre. Au bout de 100km, c’est pas pareil. Faux. Ca ne « devrait » pas être pareil. Mais nous déchaînons les fauves l’un comme l’autre. Selon Strava, nous montons ce petit col dans les 350W et 400W respectifs - ce qui est bidon, car nous faisons le même poids - disons donc 375W, pour 10 minutes à presque 18 km/h de moyenne.
Personne ne lâche un cm sur l’autre. Nous montons ce mur tantôt en danseuse, tantôt au train, Sam plus en souplesse (36 devant), moi en force (39), chacun fait ce qu’il sait faire le mieux. Sur le petit replat au milieu, pas question de relâcher. On accélère ! Moi, je suis au rupteur, et Sam semble bien taper dans le dur lui aussi. Pour l’arrivée, je m’offre 2 secondes en anaérobie, fait rarissime pour moi (pas que je ne veuille pas y aller - je n’y arrive tout simplement pas en temps normal). Arrivé en haut, je dis à Sam que ça va se jouer à la fraîcheur sur les deux montées suivantes. Gros éclat de rire. « Sur le dernier, on aura 230 km dans le jambes, et tu parles de fraîcheur ? ». Bon. Fraîcheur relative, alors.
Un Espagnol, Alberto, arrive 45 seconds après nous, et encore 30 seconde plus tard, Richard.
Il me surprend, le bougre ! Il a la rage, il envoie du lourd. Rien à voir avec le Richard qui était à l’agonie dans les cols, à s’accrocher désespérément à me roue samedi dernier ! Tout ce qui se monte de pas chronométré, il suit le train tranquille (plus tranquille que d’autres), et sur les chronos, il ne lâche pas grande chose. Bon. Il reste 150 bornes. Voyons. Mais cette affaire commence à se présenter sous des auspices fort sympathiques pour notre trio tricolore !
Suite à ce deuxième chrono (et son ravito à bonbons), nous attaquons pour une bonne centaine de km un paysage de moyenne montagne très beau et très varié, entre au nord l’espace naturel des Guilleries-Savassona et au sud le parc naturel de Montseny, sur de superbes routes.
Vers le km 130, je commence à me sentir vraiment très bien - peut-être le fait de savoir la moitié du parcours derrière nous ? Ce sont de longs cols au pentes douces, souvent en forêt. Le vent souffle de différentes directions, mais jamais de façon trop forte et gênante, il fait beau mais pas trop chaud, tout le monde semble être en forme. Au bout d’un moment, un peloton d’une dizaine de coureurs se forme à nouveau. Il faut dire que notre trio n’est pas trop pressé aux ravitos, du coup on remonte pas mal de monde qu’on avait battu aux chronos, mais qui avaient repris la route avant nous. Il y a aussi le petit en jaune fluo (délavé). Je me rends compte qu’il est tout jeune ! Probablement même pas 18 ans ! Sa cadence frénétique a baissée de façon perceptible, mais il tient la route. Respect. En découvrant son âge et son choix de parcours, je ne le trouve plus du tout ridicule.
Sam, Richard et moi tirons le peloton. La prévision de Sam était correcte. On allait avoir l’occasion de mettre le nez à la fenêtre. Mais avec une telle vue ! :-)
Richard est infatigable. Il prend les relais à la douzaine.
A l’approche du troisième chrono, qui marque aussi le point culminant du parcours à 1650 m d’altitude, la Turo de l’Home, on tombe sur quelques vrais cols avec des pourcentages aux alentours de 8%. J’ai trouvé un rythme à 144 pulsations pour 13-15 km/h, je suis sur mode automatique. Ca tourne tout seul. Le pied absolu. Dire qu’il y a quelques mois seulement que j’étais incapable à monter un col sans me foutre au seuil, pour des vitesses pas forcément beaucoup plus élevées !
Mon corps en a appris des « skills » cette année !
En fait, la seule chose que je savais faire jusqu’à l’année dernière, et ce de longue date, était d’écraser les pédales entre cadence et seuil jusqu’à l’arrivée, ou jusqu’à l’épuisement, selon lequel des deux arrivait en premier.
De plus, grâce à Strava et la chasse aux KOMs, j’ai appris à fournir des efforts bien plus violents pendant de courtes périodes.
La plus grosse progression s’est faite au niveau du foncier: Avec la première préparation hivernale de ma vie et 14.000 km au compteur à ce jour, j’ai constitué des réserves insoupçonnés. Fut un temps où une sortie de 100 km constituait un exploit. Maintenant, c’est une sortie d’entrainement lambda.
Dernier progrès en date: Il semblerait donc à ce que j’arrive désormais à tenir de bonnes cadences sur longtemps, sans que pour autant mon coeur ressente le besoin d’envoyer la cavalerie.
Magnifique machine que ce corps humain, surtout si tout se passe si bien, sans passages à vide et sans blessures !
Enfin. Derrière, ça commence un peu à râlouiller (en espéranto… personne ne parle ni l’Anglais ni le Français, donc c’est un peu avec les pieds et les mains qu’on communique…)
« Eh, il n’y a pas de chrono sur ce col ! », voilà en gros le propos. A ma grande surprise, le redoutable Sam dit être naze. Tiens donc.
Donc je temporise… un peu. Sur un raidar à 10%, je maintiens la cadence de pédalage, mais forcément, étant limité avec mon 39/28 sur ce point là, ça envoie un peu plus de W. Ca explose derrière. En haut du col, je fais une petite boucle pour patienter, mais ça se répète plus loin. Cette fois-ci, je descends sur une centaine de m. Je préfère ça que de casser mon rythme.
La troisième fois, je trace. Etant seul en tête de course, j’ai une moto de la police devant moi et 2 derrière. Le pied :-) C’est pas tous les jours qu’on fait du vélo dans de telles conditions. En plus, la montée est superbe, en surplomb d’une vallée dans la brume, dans la forêt, la route superbe comme à l’accoutumé, quelques rayons de soleil percent par ci et par là la brume et les feuillages automnales. Par moment, c’est presque irréel.
J’arrive donc au pied de la Turo de l’Home (4km pour 370 de D+) seul. Ravito. Il est temps, car je suis à sec. Je remplis un bidon avec de la boisson isotonique, vide le reste de l’autre dans mon gosier, et à l’attaque.
Là, c’est hard. La route est complètement défoncée, et c’est raide, très raide, jusqu’à 14%. Je suis limité avec mon 39/28, obligé de monter en force, et incapable de me mettre en danseuse. J’ai 190 bornes dans le pattes, et la fraîcheur (n’est-ce pas), semble s’en être allé. Le cardio monte péniblement et très lentement pour plafonner à 162 (j’avais tapé un 174 sur le chrono précédent). Il y a un fort vent tantôt latéral, tantôt de dos (heureusement !) qui envoie des morceaux de nuage déchiqueté sur la route, la visibilité passe par endroit en dessous des 10m, et il fait de plus en plus froid. Sans repères, je fais ce que je peux. Dans la mesure du possible, je ne lâche rien. Je sais que le reste du parcours sera presque exclusivement en descente, donc autant tout donner et faire la dernière montée (au km 230) en mode survie.
Je vois l’arrivée juste avant de franchir la ligne.
Sur ce bâtard de col, je fais 16:40 pour une moyenne de 14,4 km/h. Mais une fois de plus, je ne le sais pas. En fait, je ne sais rien. Je ne sais pas quand vont arriver les autres, ni combien d’avance j’avais à l’entame du col, ni si je suis monté bien, ni si eux du coup arriveront mieux reposé. Tant pis. Je prends une grosse gorgée dans ma gourde fraîchement remplie.
Aaaahrrrg ! BEURK ! Qu’est-ce que c’est que ça ? On dirait du PAIC citron ! C’est épais, c’est gluant, c’est insupportablement sucré et acide en même temps ! Deux possibilités: soit, ils m’ont servi directement du bidon prévu pour la préparation d’environ 100 l de boisson isotonique, soit il n’y comprenaient rien et ont cru bien faire de mélanger eau et poudre dans une ratio de 1:1.
Mais il n’y a rien d’autre à boire !
Et j’ai vraiment soif ! Donc j’en bois quelques gorgées, en me forçant.
Un jeune homme à l’arrivée du chrono me dit qu’il faut continuer la montée de la Turo de l’Homo jusque tout en haut, et faire demi-tour à la voiture du directeur de la course. Sérieux ? J’avais dit que la route du col était défoncé ? Là, ce n’est plus une route, mais un chemin de rando vaguement asphalté. D’ailleurs, des randonneurs et des VTTistes (complètement collés), ce n’est pas ce qui manque dans ce paysage de montagne.
Bon, ils veulent faire découvrir le pays et faire monter les touristes au point le plus haut. C’est de bonne guerre. En route, alors. De toute façon, personne n’arrive, et c’est toujours mieux que de prendre froid. Au bout de quelques encablures dans le brouillard, j’arrive dans des pâturages de chèvres. Et là, la « route » est crépi, mais vraiment crépi de merde. Impossible d’éviter les crottes, il y en a vraiment partout. Je roule dans la merde. Avec du PAIC Citron dans mon bidon. Y a comme un problème, là. Heureusement que la route (la merde) est sèche. Sinon, on aurait tous fini aussi crépi de crottes de bique que la route elle même.
Ce n’est pas long, heureusement, et moins brutalement raide que la partie chronométré aussi. J’arrive donc en haut parmi des randonneurs un brin incrédules. Je demande au directeur de la course s’il a de l’eau, pour remplacer le PAIC Citron. Il regarde dans le coffre de sa voiture: Non, juste du Cava (champagne espagnol, pour ceux qui ne connaissent pas). J’aurais limite préféré…
Pour ne pas prendre froid et en attendant les compères, je commence à m’étirer, et qui vois-je arriver ? Ex-aequo Alberto (le 3ème du précédent chrono), un autre Espagnol et… Richard ! Devant Sam ! J’hallucine. Il me scotche, ce Richard. En même temps, je commence à vraiment m’inquiéter pour Sam. Je sais par expérience que, si Sam prend un coup au morale, ce n’est pas chose aisée de le remettre en route.
Alberto râle. N’importe quoi de nous avoir fait monter ici, c’est quoi ce bordel ? (Pas besoin de parler l’Espagnol pour comprendre…) Il fait demi-tour et descend illico. Nous, on attend Sam. Qui ne tarde pas trop à pointer son nez. Je m’inquiète. A raison (pour le moment), mais à tort aussi (pour la suite des évènements). Il me dit que sur la montée, il n’a pas réussi à faire monter le cardio au dessus de 130. Aïe ! Et moi qui croyais être collé…
Ils ont vécu la même mésaventure avec le PAIC Citron, mais ils ont tous les deux une boisson de substitution, donc leur bidon de détergent a fini dans les buissons.
Nous descendons ensemble dans le brouillard et le froid, dans la merde, et sur une route déchiquetée, qui comme par miracle s’abstient à crever nos pneus.
D’un deuxième passage au ravito en bas de la Turo de l’Home, je reprends de la boisson digne de ce nom.
Au fur et à mesure que nous descendons, le froid devient moins préoccupant, mais je commence à avoir un mal de bide qui monte crescendo. Ca devient vraiment dur. Je n’en profite presque pas de la descente, magnifique et interminable. Nous y passons d’autant plus de temps que le vent souffle de face, et malgré l’impressions de très grande vitesse que cela nous confère, nous ne dépassons en fait à peine les 70 km/h sur des descentes à près de 10% !
Mais ce ventre qui fait mal ! A un moment, je sens que je vais lâcher un rot libérateur, mais il se coince dans mes entrailles. C’est comme si j’avais une bulle visqueuse de lave là en bas qui gonfle, qui gonfle, mais qui ne veut pas éclater. Je commence à avoir un sentiment de suffocation quand enfin, ça part. S’il y avait des chasseurs dans les parages, ils ont dû prendre ça pour le brame du cerf. Putain de PAIC Citron.
Après la descente, commence la partie la plus magnifique du parcours, avec heureusement un mal de ventre qui commence à devenir plus supportable.
C’est du délire. On dirait un grand 8, ou alors un single-track, mais pour vélo de route. Une toute petite route toute étroite, mais lisse comme un billard, qui zigzague dans une forêt de petits chênes. Des montées super raides, mais super courtes, des descentes du même acabit, des virages hyper-serrés - on dirait presque une route miniature, tout est à échelle 1:2, voir 1:3 (y compris les arbres). Je n’y vois personne à part nous, mais je ne serais pas surpris d’y croiser des nains. On en oublie le fait d’avoir déjà 200 bornes dans les pattes ! Parlant de 200 bornes, le dénivelé total du parcours était donné avec 4000m. Avant d’attaquer la dernière montée chronométrée, nous avons entre 4400 et 4600m sur nos altimètres barométriques…
Sortis du merveilleux monde miniature, une transition dans la plaine, et nous attaquons la dernière montée chronométré (Sant Feliu, 4km avec 240 D+), au bout de 230 km (par rapport au parcours, nous avons 10 de plus aux compteurs, dû à l’allée matinale). Mon mal de bide m’a enfin quitté. Je n’aurai pas su puiser dans mes derniers réserves, plié en deux.
La ligne de départ franchi, je tente une accélération. Cool. Ca marche encore. Derrière, j’entends Sam gueuler: « T’es un gros bourrin ! » Je prends ça pour un compliment. Sam qui s’est par ailleurs refait une santé, heureusement ! Je le vois me suivre pas loin derrière, il est le seul. En bas de la montée, nous étions encore 5: nous 3, et 2 Espagnols.
Mon cardio monte encore plus timidement que sur la Turo de l’Home. 150, 155… et j’atteins de nouveau les 162. Pendant une poingnée de secondes. Au bout de quelques lacets, je ne vois plus Sam, donc je me permets de lever un peu le pied dans les replats. Il reste 30 km pour rentrer, vent de face ! Sam arrive 20 secondes après moi, et Richard encore une minute plus tard. Il a encore du jus, Satanas (son petit surnom…). Pas de trace des deux autres Espagnols.
En haut, c’est le dernier ravito, nous ne voulons pas perdre de temps. Quelques figues et quelques bonbons plus tard, nous traçons. Richard, chaud comme une bouilloire, veut franchir la ligne d’arrivée en premier, même si ce n’est que symbolique. Et il y a Alberto devant nous. Alors Richard se met devant dans un faux plat montant face au vent et nous claque une de ces accélérations ! Quand Sam et moi l’accrochons au prix de grands efforts, je lance à Sam « Dis donc, Richard s’est fait une deuxième jeunesse !» Suite à quoi le sus-nommé est transi de crampes foudroyantes. Fallait pas faire le malin :-) Il hurle, se tape les cuisses, et trouve tout ça de façon générale beaucoup moins drôle que Sam et moi… Je m’excuse, lui disant que je me suis trompé, ce n’était pas une deuxième jeunesse, mais une première vieillesse.
Les crampes passées, nous nous relayons face au vent avec un bon rythme, cramant par là les dernières calories. Richard dit « C’est pas possible, on aurait du le choper là l’Alberto, il ne peut pas avoir tant d’avance seul face au vent ». Ben si. Suffisait de ne pas s’arrêter aux ravitos, en fait…
A l’approche de Blanes, la ville départ/arrivée, nous sommes encadrés de nouveau par 2 motos de la police. Avec gyrophare et tout le tremblement. Nous sommes l’échappée du Tour de France ! C’est grisant.
Petit coup d’oeil sur les compteurs: 260 bornes, et ça tourne. Hmmm. 10 bornes d’aller + 250 km.. Il y a comme un problème. On arrive tout juste dans les zones indus de Blanes. Ca n’en finit pas de finir. Une dernière montée (bien raide !), descente vers le centre ville, une succession interminable de ronds points, on longe la promenade de la plage avec l’arrivé dans le sens inverse, on tourne…. et nous franchissons l’arche de la ligne d’arrivée en se tenant les mains. Les trois mousquetaires.
Nous avons survécu. Et nous sommes fatigués, mais pas exténués. Nos femmes et mes enfants nous attendent, et tiens - Alberto est là aussi. Depuis 2 minutes. En tout cas, moi, je suis très ému. En plus, je me doute bien d’avoir gagné.
Le résultat tombe quelques demi heures plus tard. En fait, suite à mon état de grâce aux alentours des km 130-190, j’ai cassé la baraque sur la 3ème montée, celle de la Turo de l’Home, mettant 2:30 min au deuxième et 4:30 à Sam.
En attendant le podium, nous profitons tous de la superbe zone d’arrivée face à la mer. Du pan con Tomate aux saucisses, ainsi que de la salade aux pâtes et au thon à volonté, de la bonne bière, de la bonne musique (!!! un autre point très important à travailler pour de nombreuses cyclosportives Françaises), la plage, le soleil. En un mot: Chouette !
En ce qui me concerne, je leur pardonne volontiers la grosse bourde informatique qui a fait que le podium a pris allègrement 2 bonnes heures de retard, si bien qu’il n’y avait quasiment plus personne pour y assister. Ca ne nous a pas empêché de nous marrer comme des baleines, quand les podium-girls m’ont lesté de 3 grosses coupes d’un coup pour les 3 montées sur 4 de gagnées. La quatrième était pour Sam, qui fait d’ailleurs 2ème au général.
Richard, quant à lui, échoue de justesse au pied du podium. 3ème place prise par Alberto, qui malheureusement en avait eu marre d’attendre le podium et était parti.
La prochains fois, ils réfléchiront à deux reprises avant d’ouvrir leur épreuve aux coureurs étrangers :-)
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Quäl dich, du Sau !!!