clash a écrit : ↑12 janv. 2018, 19:36
J'ai rattrapé mon retard de 3 semaines, et je note une chose hyper intéressante dans les derniers messages: le fait que le labo de Barcelone soit capable (ou même: soit
le seul capable. C'est pas clair) de distinguer une prise de salbutamol orale d'une prise de salbutamol par voie aérienne. Or, personne ne leur a demandé de tester l'échantillon de Froome!
La conclusion que j'en tire, c'est que l'UCI ne sait pas s'il s'agissait d'une prise orale ou non.
J'en suis presque au point de me demander si, en plaçant ce seuil à 1000 ng/l, l'UCI n'aurait pas tacitement accepté l'utilisation de salbutamol tout court, quel que soit le mode d'admission. Les médecins des équipes auraient alors eu tout loisir de peaufiner des protocoles de prise de salbutamol qui respecteraient cette limite...
Pour moi, l'hypothèse qui tient la corde est une prise orale (donc à but dopant), avec soit erreur de protocole, soit coup de folie de Froome au lendemain d'une défaillance qui hypothéquait son doublé. A priori, l'hypothèse du coup de folie colle peu à Froome, c'est vrai. Mais souvenez-vous de Landis... Il n'avait pas du tout la réputation d'une tête brûlée, et on a vu le résultat!
A la réflexion, mon analyse ci-dessus n'est pas tout à fait la bonne, car comme l'a justement signalé quelqu'un plus haut, le cas Petacchi a changé la donne. L'UCI n'a pas tacitement accepté l'utilisation orale du salbutamol... c'est le Tribunal arbitral du sport qui a rendu cette utilisation non sanctionnable, dans son arrêt "Petacchi" de l'époque (lien en anglais ci-dessous):
https://jurisprudence.tas-cas.org/Share ... 201393.pdf
On y apprend plusieurs choses très intéressantes:
> Selon le labo de Barcelone, le taux mesuré dans les urines de Petacchi (1352 ng/l) n'est absolument pas compatible avec l'administration de salbutamol par inhalation aux doses autorisées (
"a clear cut case"). En revanche, ce taux est compatible avec une prise orale, ce que confirme l'analyse des énantiomères.
> Les défenseurs de Petacchi ont prétendu qu'il était possible qu'il utilise mal son inhalateur et qu'il absorbe à chaque fois une partie de la dose au lieu de se l'envoyer dans les poumons. Précision importante: aucun test n'a jamais été mené pour prouver cette théorie de l'absorption involontaire!! Il s'agit d'un argument qui, à ma connaissance, est toujours théorique aujourd'hui, près de 10 ans après l'affaire Petacchi!
> Le labo de Barcelone rétorque que, même en cas d'absorption accidentelle d'une partie de la dose inhalée, il aurait fallu que cette dose dépasse très largement la limite thérapeutique autorisée pour qu'un taux de 1352 ng/l ait pu être mesuré chez Petacchi
> Deuxième argument des défenseurs de Petacchi: en raison des conditions météo chaudes et humides, il aurait puffé plus que d'habitude le jour du prélèvement, et aurait même puffé
2 à 3 fois après l'arrivée, 1h avant le contrôle, ce qui expliquerait que son taux ait été anormalement élevé d'une part (prise proche du contrôle), et plus élevé que celui des autres jours d'autre part (dose plus importante que les autres jours). Vous avez déjà entendu ça quelque part? Moi oui
Et là, oh surprise, on constate que dans sa décision finale, le TAS a suivi les défenseurs de Petacchi sur tous les points, c'est à dire qu'ils admettent qu'il a pu puffer plus ce jour-là que les autres jours, qu'ils admettent que les puffs d'après-course ont pu changer la donne, et qu'ils admettent enfin qu'il est possible que sa technique d'inhalation lui fasse absorber une partie du salbutamol, comme lors d'une prise orale. Plus cocasse encore: ils retiennent comme circonstance atténuante le fait que Petacchi ait soi-disant puffé après la course, car cela montre qu'il a pris du salbutamol sans volonté d'améliorer sa performance! (rappel: jusqu'à preuve du contraire, aucun commissaire de l'UCI ne contrôle le nombre et l'heure des puffs. Les médecins des équipes peuvent inventer ce qu'ils veulent
). Conclusion du TAS: Petacchi n'est coupable que d'avoir dépassé la dose que son AUT lui permettait de prendre. Et le TAS laisse complètement de côté la prise orale de salbutamol, qui aurait (sauf erreur?) valu 2 ans à Petacchi.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, cette jurisprudence est cruciale. Elle signifie tout simplement que, test du labo de Barcelone ou non, il n'est pas possible de prouver aujourd'hui qu'un athlète a pris du salbutamol par voie orale (interdit) ou via son inhalateur (autorisé). Ca pourrait expliquer pourquoi personne n'a pris la peine de soumettre l'échantillon de Froome au laboratoire de Barcelone.
Dit autrement: depuis 2008, toutes les équipes savent qu'elles ne peuvent pas tomber pour une prise de salbutamol orale. La suppression de la nécessité de l'AUT est ensuite arrivée comme la cerise sur le gâteau: il est devenu possible de mettre au point un protocole qui permet au coureur de prendre du salbutamol par voie orale jusqu'au seuil de 1000 ng/l, sans s'emmerder avec un inhalateur.
Dans le cas de Froome, le boulot des avocats de Sky est évident: ils ont copié jusque dans les moindres détails la ligne de défense de Petacchi, jusqu'au
2 à 3 puffs à la fin de l'étape! C'est déjà la garantie que si Froome tombe, il ne tombera que pour quelques mois et ne prendra pas 2 ans. Pour la deuxième partie du boulot (montrer que 2000 ng/l est possible, et donc faire passer la sanction de quelques mois à zéro), c'est pas encore gagné, et comme tout le monde l'a dit, la montagne est haute...
D'autant plus si l'on en croit le labo de Barcelone, toujours dans le même arrêt du TAS: sur 60'000 à 70'000 échantillons, ils n'ont détecté de concentration supérieure à 1000 ng/l que dans 5 ou 6 cas (soit 0.008%). Malheureusement, ils ne disent pas si un taux de 2000 ng/l a déjà été mesuré. Encore mieux, sur 1450 échantillons testés lors des J.O. de Turin (parmi lesquels des fondeurs, dont certains asthmatiques), le 100% des échantillons ne dépassait pas les 300 ng/l! Froome a donc un taux 7 fois supérieur à tous les échantillons mesurés lors des J.O. de Turin.