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Au soir du 26 mai 2014, le Giro d'Italia s'apprête à rentrer dans sa troisième semaine, et le maillot rose est confortablement installé sur les épaules de Rigoberto Uran qui possède plus d'une minute sur tous ses poursuivants, et notamment 2'40 sur le jeune colombien Nairo Quintana, annoncé favori au départ de la course. Deuxième de son premier Tour de France 10 mois plus tôt, maillot blanc et meilleur grimpeur, le natif de Tunja dans les andes colombiennes, est considéré par beaucoup comme un talent hors-norme et est censé devenir dans les années à venir une star de son sport. Propulsé leader de sa formation à la suite de l'année 2013, il est envoyé sur un Giro où le parcours montagneux devrait lui permettre d'exprimer toutes ses qualités.
Pourtant, 2 semaines après le départ, tout ne s'est pas passé comme prévu. Le colombien n'est pas au niveau attendu, grippé dit-on et tombé lors de la sixième étape, il a perdu du temps notamment sur un de ses compatriotes, Rigoberto Uran, qui a profité du contre-la-montre de Barolo pour écraser la concurrence. Malgré les arrivées au sommet qui se succèdent, Quintana a du mal à lâcher ses adversaires, et on voit mal comment, à l'aube de la troisième semaine, celui-ci pourrait refaire son retard.
Au matin du 27 mai, Quintana tient peut-être pourtant sa plus belle chance. Nous y sommes, l'étape reine de ce Giro, aux allures si alléchantes, se profile. Au menu : le Gavia, le Stelvio, et la montée finale vers Val Martello. Seulement 139 km, mais bien assez de dénivelé positif pour faire des écarts, surtout que la météo prévoit des conditions dantesques. Nairo doit passer à l'attaque, c'est maintenant ou jamais.
La Gavia est escaladé, puis vient le Stelvio. Au sommet : rien, pas une escamourche de la part des favoris. Ca va se décanter dans la montée finale, se dit-on alors. Pourtant, au cours de la descente, alors que la réalisation a perdu le fil, on raconte que 3 hommes se seraient détachés du groupe des favoris, et posséderaient près de 2 minutes d'avance. Impossible, se dit-on, car on murmure aussi que la descente aurait été neutralisée au vu des conditions, une information finalement faussée, puisque à la fin de cette descente, on constate à la vue des images que l'écart est bien réelle. Ce qu'on constate surtout, c'est que parmi ces 3 hommes se trouvent le français Pierre Rolland, le canadien Ryder Hesjedal et surtout le colombien Nairo Quintana, accompagné de son équipier Izagirre. L'espagnol roule, et les 3 hommes se présentent au pied de la dernière montée, longue de 22 kilomètres, avec 1'45 d'avance.
Un véritable bras de fer s'enclenche alors, entre le groupe maillot rose, et Quintana qui roule seul face au vent dans cette terrible montée, Rolland et Hesjedal étant dans l'incapacité de prendre le moindre relais au colombien. A l'arrière, les favoris, censés se relayer, devrait pouvoir reprendre du temps, mais Quintana est fort, très fort. Celui qui, lorsqu'il était jeune, grimpait tous les jours la même côte pour rentrer de l'école, est un talent pur, une pépite, déjà une idole en son pays. Dans cette montée, il confirme qu'il est peut-être bien, comme certains se plaisent à le dire, \"le meilleur grimpeur du monde\". Même un canadien au mental d'acier et rempli d'abnégation sera obligée de lâcher prise devant une telle démonstration de force. A l'arrivée, les écarts sont abyssaux, le leader du classement général passant la ligne après plus de 4 minutes. Quintana récupère le maillot rose qu'il conservera jusqu'à Trieste, remportant au passage son premier grand tour. 27 ans après Lucho Herrera, la Colombie a peut-être enfin trouvé son successeur. Pour ce pays et son petit prodige, la légende est en marche.